La notion de complétude du droit, dans son sens premier, doit être rapprochée de la notion de « lacunes ». Ainsi, lorsqu'il est fait allusion à la question de la complétude du droit, c'est son absence de caractère lacunaire qui est remis en cause. Le problème des lacunes du droit est un exemple typique des discussions et des malentendus qui peuvent surgir . C'est une question particulièrement aride qui semble exercer sur de nombreux esprits une véritable fascination. Le problème des lacunes du droit, tel qu'on le conçoit aujourd'hui, est né après la Révolution française à travers le principe de prépondérance de la loi et du pouvoir législatif. On réduisait le rôle du juge à celui d'un simple instrument d'application de la loi, on lui interdisait entre autres de se prononcer de façon générale et par voie réglementaire. De nos jours, le débat sur une éventuelle complétude du droit subsiste, donnant même naissance à une véritable théorie des lacunes.
Le problème est d'examiner s'il existe, et même s'il est concevable qu'il puisse exister des lacunes en droit. L'objectif du dossier est de déterminer si le droit, et pas seulement le droit écrit, est suffisamment complet et cohérent pour appréhender tous les rapports sociaux qui lui sont présentés. On peut problématiser le sujet de la manière suivante : dans quelle mesure est-il possible de parler de complétude du droit ? Nous prendrons comme point de départ les lacunes de la loi écrite. Nous démontrerons que les lois écrites présentent nécessairement des lacunes (Chapitre I), contrairement au droit, qui lui est relativement complet, puisque le juge tente de plus en plus de combler les lacunes, assurant ainsi la complétude du système juridique (Chapitre II).
[...] Ainsi, il existe toujours un laps de temps pendant lequel le comportement social n'est pas régi par le droit écrit. Le droit est donc confronté sans cesse à l'évolution de la société. C'est la faiblesse de Kelsen : sa Théorie Pure du droit ne prend jamais en compte l'évolution, l'histoire ; en témoigne sa présupposition de sa norme fondamentale. La norme ne peut pas être une donnée statique comme il le sous-entend. La pensée de Portalis semble plus proche de nous. [...]
[...] Le constat de la prolifération législative est unanime. On assiste en France, depuis une dizaine d'années, à un accroissement sensible de la production législative. Cette inflation trouve son origine dans une demande renouvelée de normes : on s'intéresse au détail, au cas d'espèce, au cas particulier ce qui va conduire à créer de nouvelles normes, de nouveaux textes appelant à de nouveaux développements. Ce constat pousse à la spécialisation du droit, on assiste donc à un déclin du droit commun au profit du droit spécial. [...]
[...] C'est ainsi que le droit pénal ne peut pas être complet, d'une part parce que même les lois pénales précises et claires peuvent présenter un caractère lacunaire, et d'autre part parce que certains comportements ne peuvent être prévus par le législateur ; on pense notamment aux nouvelles infractions issues d'Internet (téléchargement, pédophilie, racisme, prostitution d'enfants Ainsi même en droit pénal, qui pourtant postule le principe de légalité, la théorie de la complétude nécessairement logique du droit écrit trouve ses limites. Les incohérences générales de la théorie kelsénienne. La théorie de Kelsen, bien qu'attractive, est cependant parfaitement irréaliste[17]. La profusion même du droit positif est la preuve de ce constat, car si la théorie de la complétude nécessairement logique du droit était fondée, le législateur limiterait sa production normative. Ce n'est pourtant pas le cas, bien au contraire. La théorie kelsénienne présente effectivement quelques contradictions. [...]
[...] On retrouve ici l'empreinte de Kelsen. Néanmoins, peut-on en déduire, comme le sous-entend Kelsen, que le comportement qui n'est pas consacré par un texte législatif est réellement permis ou libre en droit pénal ? Selon Robert Legros[16], toute loi, notamment, pénale, est naturellement lacunaire. Dans toute loi pénale, même rédigée, comme il convient, en termes simples, clairs et précis, il reste toujours et nécessairement des vides, des insuffisances, des incertitudes. Pour exemple, prenons l'Article 311-1 du Code pénal relatif au vol : ce texte ne fait ressortir aucune lacune apparente et pourtant il suscite bon nombre de discussions sur les notions de soustractions, d'intention frauduleuse, de possession et d'interprétations divergentes. [...]
[...] Carbonnier, L'hypothèse du non-droit, in Archives de Philosophie du droit Le dépassement du droit U. Klug, op. cit. J. Carbonnier, op. cit. P. Foriers, op. cit. Am. [...]
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