L'arrêt Lemaistre du 28 juin 1593 qu'il nous est ici offert de commenter nous apparaît comme un véritable arrêt de principe. En effet, à l'instigation de Mr Lemaistre, président du Parlement de Paris, sa portée dépasse le cadre de la résolution d'un simple litige, d'un cas purement factuel et temporel pour édicter un principe d'ordre plus général qui aura une valeur constitutionnelle.
Cet arrêt propose donc deux types de réflexion:
- Le premier concerne l'affirmation ou la réaffirmation d'un certain nombre de principes et lois fondamentales (loi de catholicité , de masculinité, d'indisponibilité), véritable héritage coutumier, qui constituent des critères de désignation du successeur au trône laissé vacant,.Il s'agit de l'aspect normatif voire constitutionnel de cet arrêt.
-Le second concerne l'évolution du rôle du Parlement , en tant qu'institution sui generis , véritable ancêtre de notre conseil constitutionnel puisqu'il se propose de vérifier la conformité des traités établissant un prince ou une princesse avec la constitution coutumière. Il apparaît alors une dichotomie entre son pouvoir judiciaire de cour féodale et son pouvoir législatif de contrôle de la « constitutionnalité » des lois. Il s'agit alors de la portée institutionnelle de cet arrêt.
C'est dans cette optique que nous tenterons de répondre à la problématique suivante :
« Comment l'arrêt Lemaistre du 28 juin 1593 a-t-il permis l'affirmation du Parlement de Paris dans son rôle de gardien des lois fondamentales du royaume et dans celui d'institution garante de la continuité de l'Etat face aux querelles successorales ? »
[...] De plus le Parlement de Paris, dans cet arrêt démontre qu'il y a une double violation des lois fondamentales du royaume. En premier lieu, l'accession au trône d'Isabelle constitue une violation de la loi salique de masculinité qui exclut les filles ainsi que les parents par les filles de la succession à la Couronne (ce qui n'a été contourné que rarement ex : Catherine de Médicis assurant la régence en 1552). Or, dans cet arrêt la loi de catholicité ne prime pas sur la loi salique ni sur aucune autre loi fondamentale du royaume. [...]
[...] Il n'a plus un rôle strictement consultatif, selon le bon vouloir du souverain, il prend de lui-même la parole et décide d'intervenir pour diverses raisons, la plus noble étant la sauvegarde des lois fondamentales et de la continuité de l'Etat, la plus factuelle étant son opposition farouche aux projets de la Ligue (assassinats et emprisonnements de plusieurs députés). Il tente donc de rééquilibrer les forces qui s'affrontent au sein du royaume à la fois dans son rôle de dépôt loi et dans son rôle de juge suprême. [...]
[...] l'indisponibilité de la Couronne et le principe de nationalité Cet arrêt marque la consécration du principe d'indisponibilité de la Couronne, c'est a dire qu'il interdit à quiconque d'intervenir dans le processus de dévolution de la Couronne. C'est bel et bien la coutume qui pose les modalités de la désignation du Roi. L'arrêt Lemaistre ordonne de respecter scrupuleusement les lois fondamentales, suffisantes selon lui pour désigner le Roi. Elles sont un cadre juridique strict qui garantit la légitimité du souverain. L'expression sous prétexte de religion (l. [...]
[...] Nous étudierons dans un premier temps la réaffirmation de la loi de catholicité qui s'inscrit dans la lignée de l'Edit d'Union de 1588 qui aurait pu permettre l'éviction sans appel d'Henry de Navarre (protestant) en mettant en exergue l'association de cette loi avec le principe de masculinité garanti par la loi salique, ce qui permit d'écarter la candidature d'Isabelle, fille du roi d'Espagne, Philippe II. Dans un second temps nous étudierons la confirmation des lois d'indisponibilité de la Couronne et du principe de nationalité. La loi de catholicité dans cet arrêt de la loi salique L'objectif primordial de cet arrêt est de maintenir la religion catholique, apostolique et romaine 3 Il s'agit ici d'un véritable complément à la loi de succession qui apparaît dans un contexte politique extrêmement particulier, celui des Guerres de religion qui firent suite au schisme entre catholiques et protestants. [...]
[...] Mais le point que défend avec le plus d'ardeur le Parlement de Paris est bel et bien la préservation de l'Etat, ainsi on note la substitution à lois fondamentales du royaume du terme lois fondamentales de l'Etat (ligne 19) ou bien encore l'expression Etat et Couronne de France (ligne 4). Le Parlement n'est dès lors plus seulement le garant de la cohérence des lois, ce qui sous-entend un travail de conciliation de l'héritage de la loi salique et des diverses coutumes constitutionnelles, mais il incarne à lui seul, l'idée de continuité du droit, de continuité de l'Etat en ce qu'il est structuré et régit par des principes qui transcendent les querelles de succession ou les guerres de religion. [...]
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