Au XIXe siècle, l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code Civil ne retenait l'intérêt de personne, puisque selon Monsieur le Professeur Alain Bénabent, il semblait ne servir que de phrase de transition entre les textes précédents et les cas de responsabilité du fait d'autrui. Mais, lorsqu' entrant dans l'ère du machinisme, il fallut assurer la réparation des dommages causés par les machines, nouvelles « choses » ignorées du Code Civil de 1804, on s'est avisé que cet alinéa 1er pouvait être érigé en règle autonome de portée très générale « On est responsable […] du dommage […] causé par le fait des choses qu'on a sous sa garde ». La jurisprudence relative à la responsabilité du fait des choses fut principalement alimentée par l'accroissement des accidents automobiles, et l'arrêt Jand'heur rendu par les Chambres réunies de la Cour de cassation le 13 février 1930 revêt une exceptionnelle importance en la matière.
En l'espèce, il est question d'un accident de la circulation où une fille mineure fut renversée et grièvement blessée par un véhicule en mouvement, un camion.
Par conséquent la mère de la victime demanda l'octroi de dommages et intérêts.
En 1925, le Tribunal de Belfort, saisi en action de dommages et intérêts par la mère de la victime, se prononça pour l'application de l'article 1384 alinéa 1er et ordonna une enquête afin de déterminer si l'accident était dû à la faute exclusive de la victime afin d'exonérer ou non la société défenderesse de toute responsabilité.
Par conséquent, la demanderesse, Madame Jand'heur, interjeta appel auprès de la cour de Besançon. Cette dernière décida que l'article 1384 n'était pas applicable en l'espèce, et qu'il fallait se référer à l'article 1382 du Code Civil, au motif que lors de l'accident, le camion était actionné par son conducteur, et qu'ainsi, cela se rapprochait d'un cas de responsabilité du fait personnel du gardien. Ainsi, la charge de la preuve de la faute du conducteur incombait à la demanderesse.
La demanderesse forma alors un pourvoi en Cassation, et la chambre civile cassa cette décision le 21 février 1927 au motif que, « la loi, pour l'application de la présomption qu'elle édicte, ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l'homme ; qu'il suffit qu'il s'agisse d'une chose soumise à la nécessité d'une garde en raison des dangers qu'elle peut faire courir à autrui ».
Cependant, la cour de Lyon, saisie sur renvoi, reprit la solution de la cour de Besançon.
Par conséquent, la demanderesse se pourvut de nouveau en Cassation, sur le moyen d'une fausse application de l'article 1382 du Code civil, de la violation de l'article 1384 du Code civil, et en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge de la victime d'un accident causé par une automobile la preuve d'une faute imputable au conducteur, alors que la faute du conducteur devait être présumée.
[...] En effet, un arrêt de la Chambre civile en date du 21 février 1927 substitua à la distinction du fait de la chose et du fait de l'homme, la distinction des choses dangereuses, parmi lesquelles elle rangeait les automobiles en marche, et des choses dont on ne pouvait normalement prévoir qu'elles sont susceptibles de nuire à autrui. L'article 1384 alinéa 1er n'était applicable qu'aux premières, ce qui manifestait un retour à la théorie de la faute. Cependant, alors que cet arrêt de 1927 exigeait pour l'application de l'article 1384 alinéa 1er qu'il s'agisse d'une chose soumise à la nécessité d'une garde en raison des dangers qu'elle peut faire courir à autrui, les Chambres réunies écartent cette distinction des choses dangereuses de celles qui ne le sont pas : il n'est pas nécessaire que la chose ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer un dommage, l'article 1384 rattachant la responsabilité à la garde des choses et non à la chose elle-même De cette manière, les Chambres réunies rejetèrent la thèse restrictive, désormais, les choses inoffensives, comme des meubles meublants sont visés par l'article 1384 alinéa 1er , bien qu'elles ne nécessitent pas une garde. [...]
[...] Dès lors, l'on peut constater un renversement de la charge de la preuve du fait que ce n'est pas à la victime de prouver la faute, puisque le gardien est présumé fautif. Mais, la Cour de cassation, dans ces motifs, déclare que l'article 1384 alinéa 1re pose une présomption de responsabilité du gardien. L'explication de ce changement d'expression demeure incertaine, cependant, l'on peut soulever ce que revêt cette expression. Cette expression est beaucoup plus large que celle de présomption de faute puisque la preuve de faute ne suffit plus à l'exonération du gardien. Par conséquent, le gardien est présumé responsable du fait des choses qu'il a sous sa garde. [...]
[...] Un arrêt Franck, suivant cet arrêt Jand'heur, en date du 2 décembre 1941, procède à un revirement en matière de garde. En effet, proposant une voie médiane entre garde juridique, c'est-à-dire relative à la direction et au contrôle de la chose, et entre garde matérielle, relative à l'usage de la chose, il n'en reste pas moins qu'à l'heure actuelle, à moins de prouver la perte ou le transfert de la chose, l'absence de fait de la chose, la force majeure, le fait d'un tiers ou celui de la victime, le gardien de la chose ne pourra s'exonérer de la responsabilité du fait de la chose qu'il a sous sa garde, et ceci même s'il est déclaré infans ou dément, l'arrêt Epoux Gabillet de 1984 ayant posé que l'absence de discernement n'empêchait pas la garde de la chose. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt Jand'heur, Chambres réunies février 1930 Au XIXe siècle, l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil ne retenait l'intérêt de personne, puisque selon Monsieur le Professeur Alain Bénabent, il semblait ne servir que de phrase de transition entre les textes précédents et les cas de responsabilité du fait d'autrui. Mais, lorsqu' entrant dans l'ère du machinisme, il fallut assurer la réparation des dommages causés par les machines, nouvelles choses ignorées du Code civil de 1804, on s'est avisé que cet alinéa 1er pouvait être érigé en règle autonome de portée très générale On est responsable [ ] du dommage [ ] causé par le fait des choses qu'on a sous sa garde La jurisprudence relative à la responsabilité du fait des choses fut principalement alimentée par l'accroissement des accidents automobiles, et l'arrêt Jand'heur rendu par les Chambres réunies de la Cour de cassation le 13 février 1930 revêt une exceptionnelle importance en la matière. [...]
[...] Dans tous les autres cas, la victime devait établir l'existence d'une faute imputable au gardien. Cependant, notre arrêt, fondamental en la matière, rattache la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même C'est donc implicitement que la Cour de cassation décide l'application de l'article 1384 alinéa 1er aux immeubles, c'est-à-dire aux falaises, arbres, de glissement de terrain ou de tout autre bâtiment dont les dommages ne résulteraient pas de sa ruine, puisque la ruine des bâtiments répond à un régime spécifique. [...]
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