La décision de la Cour de cassation réunie le 24 avril 1862 prononce l'impossibilité pour un mariage d'être rompu pour erreur sur les conditions et les qualités substantielles de l'autre époux.
En l'espèce, Ferdinand Berthon a été condamné par la Cour d'assises le 16 mars 1844 à quinze ans de travaux forcés. En mars 1857, il a épousé Zoé X. en ne dissimulant ni son nom ni son lieu d'origine. Mais, lorsque Zoé X. apprend la condamnation dont son mari a fait l'objet, elle demande l'annulation du mariage pour erreur dans la personne, sur le fondement des articles 146 et 180 du Code Napoléon (CN).
Le 4 février 1860, la Cour de Paris rejette la requête de Zoé X. au motif qu'il y a là erreur sur l'une des qualités de la personne et non « erreur dans la personne ». Son appel est rejeté sur les mêmes motifs. En effet, la Cour impériale de Paris indique qu'il n'y a ni erreur sur la personne civile, ni erreur sur la personne physique justifiant une annulation du mariage pour vice de consentement.
Le premier pourvoi en cassation du 11 février 1861 est cassé. La Cour de cassation demande que les juges du fond définissent mieux l'erreur dans la personne civile pour rejeter valablement l'annulation du mariage. La Cour d'appel d'Orléans refuse aussi de prononcer la nullité du mariage.
Après des débats agités au sein de la doctrine, le 24 avril 1862, la Cour de cassation décide de ne pas appliquer les articles 146 et 180 Code civil (CC) au cas des époux Berthon, et rejette dès lors définitivement la possibilité d'annuler un mariage pour des erreurs autres que celles dans la personne.
Cette décision semble aujourd'hui particulièrement surprenante, mais l'arrêt en question s'inscrit, en réalité, parfaitement dans son époque.
Pourquoi et comment la Cour de cassation a-t-elle rendu une telle décision ? D'une part, la réponse donnée semble s'inscrire dans la conception juridique du mariage à l'époque (I), mais elle n'est pas pour autant conforme à l'évolution des mœurs (II).
[...] L'affaire Berthon (Cass., Civ avril 1862) La décision de la Cour de cassation réunie le 24 avril 1862 prononce l'impossibilité pour un mariage d'être rompu pour erreur sur les conditions et les qualités substantielles de l'autre époux. En l'espèce, Ferdinand Berthon a été condamné par la Cour d'assises le 16 mars 1844 à quinze ans de travaux forcés. En mars 1857, il a épousé Zoé X. en ne dissimulant ni son nom ni son lieu d'origine. Mais, lorsque Zoé X. [...]
[...] Pourtant, en l'espèce, elle aurait pu considérer qu'il y avait bien erreur dans la personne au sens strict mais en la refusant, elle restreint largement les possibilités de rompre le lien marital Une autre solution possible Même en n'admettant la nullité que pour l'erreur qui porte sur l'identité de la personne le cas de Ferdinand Berthon aurait pu être admis. En effet, dans la mesure où il a été privé de ses droits civils, la Cour aurait pu considérer que cela modifiait sa personne civile. Cependant, il est vrai qu'une condamnation à quinze ans de travaux forcés ne modifie pas l'identité même de la personne. [...]
[...] Cependant, le législateur a été contraint d'admettre des moyens de rompre le lien marital. Il institue donc la séparation de corps et la nullité du mariage. Cette dernière possibilité est notamment possible en vertu des articles 146 et 180 CN selon lesquels il n'y a pas de mariage quand il n'y a pas de consentement ; l'article 180 parle quant à lui d' erreur dans la personne Il restait donc à interpréter ces dispositions L'interprétation des articles 146 et 180 CC Au XIX ème siècle, pour interpréter les dispositions du Code, les juristes recourent à l'exégèse. [...]
[...] Pourquoi et comment la Cour de cassation a-t-elle rendu une telle décision ? D'une part, la réponse donnée semble s'inscrire dans la conception juridique du mariage à l'époque mais elle n'est pas pour autant conforme à l'évolution des mœurs (II). Une solution conforme à la conception juridique du mariage au XIX Les juristes du XIX ème siècle ont l'idée d'un CC parfait, exhaustif, qui se suffit à lui-même. Ainsi, concernant le mariage, ils entendent appliquer strictement les textes ce qui les mène à n'admettre la nullité du lien marital que pour l'erreur dans la personne au sens de 1804 Les textes et leur interprétation Depuis la loi du 8 mai 1816 qui abolit le divorce, le mariage est conçu comme une institution indissoluble. [...]
[...] Si le mariage est indissoluble, chacun sera plus réservé pour contracter une union conjugale. Heureusement, la loi Nacquet de 1884 rétablit le divorce et permet dès lors de se désunir. Cependant, concernant la nullité, la jurisprudence restera fidèle à l'arrêt Berthon pendant longtemps. Il faudra attendre les années 1920 pour que la Cour de cassation modifie sa position en admettant l'erreur sur les qualités sociologiques déterminantes comme cause de nullité. Elle a ainsi admis la nullité d'un mariage conclu entre une Française et un allemand dernier s'étant fait passer pour un alsacien pendant la Première Guerre Mondiale. [...]
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