Constitution de Tanta, préface du Digeste, 16 décembre 533 - Comment l'empereur Justinien réalise-t-il une codification qui unifie à la fois le droit et l'Empire romain ?

Extraits

[...] Si l'empereur insiste sur le contexte militaire, c'est que l'Empire byzantin sort vainqueur à cette époque d'une suite de guerre. D'une part, c'est avec la dynastie perse des Sassanides, qui succède aux Parthes après leur défaite en 224, que Justinien signe un traité de paix éternelle en 532, après 7 ans de guerre. D'autre part, la guerre des Vandales de 533 à 534 conclut l'annexion du royaume vandale par l'Empire romain d'Orient après la prise de Carthage par le général Bélisaire. Ces victoires instaurent une stabilité politique permettant à Justinien de réaliser son projet. [...]

[...] L'entreprise d'une codification officielle du droit dans le Bas-Empire naît donc d'un besoin d'ordre et d'unité. Un siècle avant le règne de Justinien, l'empereur Théodose II entreprend une compilation des constitutions impériales émises depuis Constantin, mais abandonne le projet de recueillir le ius. Le Code Théodosien est supplanté en orient par l'œuvre de Justinien. Celui-ci achève la plus grande compilation de l'intégralité du droit romain antique, le Corpus juris civilis, qui tend à être un reflet de l'empire. Cette œuvre grandiose survivra à l'empereur Justinien contrairement à sa reconquête des territoires d'Occident. [...]

[...] Le choix de nommer et rédiger son ouvrage en latin témoigne du souhait d'unifier l'Empire romain à travers l'unification de son système juridique. C'est donc au prix d'un dépouillement minutieux réalisé par “l'illustre Tribonien”, qui peut compter sur sa commission de savant et sur la “grâce du Ciel et de la Très Sainte Trinité” que le Digeste est achevé au bout de trois ans seulement. L'ensemble est organisé avec précision comme le témoigne l'adoption d' ”une division conforme à leur sens”. Justinien effectue donc la codification officielle de l'Empire romain avec un système d'ordonnancement par matière qui devient le modèle juridique. [...]

[...] En effet, la masse des constitutions devient telle avec l'accumulation depuis des centaines d'années qu'elle devient difficile à manipuler. Il est nécessaire de l'abréger, de la simplifier et remanier au besoin les textes. Pour mener à bien cette mission, l'empereur va “confier l'exécution à Tribonien”. Mais qui est donc cet “homme exceptionnel” ? Il est présenté comme un haut fonctionnaire, mais aussi “questeur du palais”, le porte-parole du prince et comme “ancien consul” c'est-à-dire un des plus grands magistrats. Mais Tribonien n'est pas seul à travailler sur cette entreprise qui “semble tout à fait impossible à l'esprit humain” ; il peut compter sur “la collaboration d'hommes illustres”. [...]

[...] On comprend donc que Dieu est celui qui inspire et éclaire les rédacteurs pour mener à bien ce projet grandiose. L'empereur “examine de près leur travail, aidé par le secours du Ciel” et “corrige ce qui lui semble douteux”. On saisit que Dieu aide l'empereur à superviser et trancher en cas d'hésitation des rédacteurs du Digeste. Justinien devient “lex animata”, soit l'incarnation vivante de la loi par la grâce de Dieu. Ainsi, le Digeste est un code de source divine qui confère une légitimité à l'empereur. [...]