Thucydide voit dans la guerre un phénomène naturel dont la loi propre est la soumission du faible au fort. De cette conviction procède, son Histoire de la guerre du Péloponnèse, l'objectivité avec laquelle il analyse les causes de la guerre, rendue inévitable du fait d'Athènes et Sparte « étaient arrivées au sommet de leur puissance » et devaient fatalement choquer. « Nous le savons et vous le savez aussi bien que nous, la justice n'entre en ligne de compte dans le raisonnement des hommes que si les forces sont égales de part et d'autre ; dans le cas contraire, les forts exercent leur pouvoir et les faibles doivent céder » . Comment avec cette conception de la guerre pouvoir prétendre que cette dernière puisse être à l'origine de l'Etat et a fortiori du droit international. Nous pourrions alors ici reprendre la conception du droit de Grotius, pour lequel la sanction d'un droit c'est la guerre en dernier recours. Nous voyons ici un début de conceptualisation d'un rapport entre le droit et la guerre. Mais celui-ci demeure insuffisant, c'est donc dans ce cadre qu'il paraît intéressant, à l'époque actuelle de remise en cause du droit international, de se poser la question de l'origine de ce droit. En effet, nous ne pouvons prétendre nous opposer ou non aux doctrines actuelles sans analyser clairement l'origine du droit international et c'est en répondant à cette question que nous serrons plus à même de pouvoir nous prononcer.
L'objet de notre étude repose donc sur trois notions : la guerre, l'Etat et le droit international, ces dernières entretiennent un lien charnel entre elles. En effet, il peut paraître surprenant de voir associer ces trois notions, le juriste contemporain étant plus habitué à l'association des deux dernières. Nous développerons cela du moment de la naissance de ces notions jusqu'à la cristallisation moderne de chacune d'entre elles. C'est ainsi que nous serons amené à rencontrer des périodes de fortes évolutions et de conceptualisation majeure (il en est ainsi à la fin du Moyen-Âge par exemple) et d'autres périodes de stagnation voir de régression de certaines (fin de l'empire romain et bas Moyen-Âge). L'un des choix qui dirige cette étude est d'analyser les notions indépendamment l'une de l'autre tout en marquant les influences qu'elles engendrent respectivement les unes sur les autres. Le fil directeur sera donc la guerre que nous retrouverons dans toutes les parties car ils constituent, selon nous, le phénomène structurant majeur de l'Etat et du droit international. Nous mettrons dans cette étude en perspective les faits historiques en parallèle de la pensée de l'époque car à notre avis les deux, pour voir une vision complète, ne peuvent être dissociés.
Notre étude va s'attacher à rechercher dans quelle mesure l'Etat et le droit international, au sens moderne du terme, tirent leurs origines du phénomène de la guerre et comment cette dernière les a structurés. C'est ainsi que nous verrons tout d'abord la circonscription de la guerre à une seule catégorie de sujet puis la conceptualisation de la guerre et de ses protagonistes.
[...] Avec Suarez il y aura un recul, un effacement se produit, cette institution à caractère général disparaît. Il n'y a alors dans sa conception dans le monde que des souverainetés qui, ayant un pouvoir complet, disposent de droits subjectifs qui leur sont propres. Ces droits sont exercés par ces souverainetés en conformité avec le droit naturel par l'entremise du droit des gens, mais ne sont pas exercés comme une véritable fonction nécessaire de l'ordre international. Suarez a nettement dépassé les conceptions hybrides de l'époque quant à la nature mixte du droit des gens, en autonomisant et en positivant son fondement de validité. [...]
[...] Elle résulte dans une large mesure de la dynamique des luttes féodales (en particulier en France et en Espagne). Ces luttes participent sur plusieurs siècles à la monopolisation des territoires au profit des seigneurs les plus puissants, puis au profit du premier d'entre eux : le roi. De plus, les conflits internationaux ont aussi apporté leur contribution dans le cadre où les techniques de guerre de plus en plus perfectionnées nécessitent la constitution d'armées professionnelles et permanentes, ce que les seigneurs intermédiaires sont dans l'impossibilité de mobiliser et d'entretenir. [...]
[...] Peu à peu, la guerre s'humanisa. L'idée que les luttes entre Grecs avaient quelque chose d'impie se fraya chemin. Par ailleurs, des paix générales au terme d'affrontements militaires majeurs, incluaient aussi des Cités n'ayant pas pris part aux hostilités. Cette évolution favorisa la conclusion de traités d'arbitrage, qui se multiplièrent à partir du III siècle av. J.-C., l'arbitre désigné étant généralement une autre Cité. Mais ils arrivaient tard, c'est l'heure où les Cités grecques perdent leur indépendance. En fait, tant qu'elles ont été libres et puissantes, les Cités grecques ont difficilement accepté une limitation de leur activité guerrière et, à toutes les procédures pacifiques, elles ont préféré le recours aux armes Nous sommes donc en présence des premières tentatives de structuration de rapports assimilables, rétrospectivement, à des relations internationales. [...]
[...] La guerre, l'Etat et la naissance du droit international I La circonscription de la guerre à une seule catégorie de sujet. Le dépassement de la guerre privée : la naissance de l'Etat. A Grotius et l'absence de volonté de dépassement de la guerre privé. B Les successeurs de Grotius et l'érection de cette volonté. Du principe de suzeraineté à l'idée de souveraineté : l'affermissement de l'Etat. A Une société suzeraine médiévale sortie de l'Etat de nature. B Les nécessités nationales et internationales comme catalyseur de la souveraineté. [...]
[...] L'Etat s'est donc élevé sur la ruine de l'ennemi intérieur et sur les impératifs de l'ennemi extérieur et c'est dans ce cadre qu'il devient l'acteur principal et unique de la guerre au sens moderne du terme. Cette guerre ne pouvant se situer dès lors qu'au niveau international. Mais le processus de consolidation du concept de souveraineté ne pourra se finir qu'à travers la dépersonnalisation de son titulaire et ce n'est que dans ce cadre que le droit international moderne pourra naître. [...]
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