En ces temps où nous vivons, il n'a jamais été autant question de « mondialisation ». Ce mot résonne aujourd'hui dans la bouche de tous les hommes politiques français, certains pour le glorifier, d'autres pour le dénigrer. Le débat politico idéologique est loin d'être clos et aucune opinion n'a pu véritablement triompher à ce jour. Quoi qu'il en soit, ce débat démontre l'importance des relations internationales dans nos sociétés cosmopolites contemporaines. Nul ne songe aujourd'hui sérieusement à imposer à son pays une politique d'autarcie totale.
Parallèlement, on peut remarquer que l'activité des Etats sur la scène internationale empiète de plus en plus sur la sphère d'activité traditionnellement réservée au domaine privé. Les relations internationales des Etats ne se limitent désormais plus à l'activité diplomatique ou à l'engagement de forces armées. Les Etats prennent part aujourd'hui à des relations véritablement économiques : signature d'accords sur la construction du métro de Pékin entre les gouvernements de la République française et de la République populaire de Chine, par exemple. Une telle extension de l'activité étatique en dehors du cadre des prérogatives régaliennes traditionnelles (armée, police, justice, monnaie et diplomatie) se ressent depuis plus longtemps encore dans les activités purement internes : il en va ainsi notamment en France de la conception nationale des services publics.
De ces quelques constatations, il résulte nécessairement des problèmes juridiques importants, particulièrement en droit international privé, en matière de conflits de lois et de juridictions. En effet, dès lors qu'il existe un élément hexogène (ou pour parler de manière plus juridique, un élément d'extranéité), tout juriste doit se poser la question suivante : A quel système juridique se rattache la situation étudiée ? De la même manière, en cas de litige, quelle juridiction est compétente pour juger le différend ? Or, en matière de relations internationales, il existe nécessairement un ou plusieurs éléments d'extranéité. Résoudre ces conflits est l'objet même du droit international privé. Ce ne sera pas l'objet du présent rapport, le sujet étant extrêmement vaste. D'excellents ouvrages traitent en effet de la matière de façon suffisamment exhaustive.
Notre étude s'attachera donc exclusivement à la place de l'Etat dans le droit international privé, et plus spécifiquement dans les conflits de lois et de juridictions. Il nous appartient d'observer en quoi la qualité d'Etat d'une partie à un rapport juridique peut-elle influer sur la solution d'un conflit de lois. De la même manière, nous étudierons comment la qualité d'Etat d'un plaideur dans une instance judiciaire peut-elle influer sur la solution d'un conflit de juridictions. Il est en effet difficile d'imaginer l'Etat comme un simple particulier. Cette constatation n'est pas étrangère au droit international privé. Il est évident que la présence d'un Etat dans un rapport juridique a un effet quasi magnétique : cet Etat attirera sûrement comme un aimant la solution du conflit vers sa législation ou sa juridiction.
Plusieurs conceptions peuvent répondre à la question posée. En premier lieu, on pourrait envisager l'Etat comme un simple particulier et résoudre le conflit eu égard à la règle de conflit de droit commun. En second lieu, on pourrait estimer nécessaire la création de règles de conflits spécifiques aux Etats. Enfin, on peut prendre en considération la qualité d'Etat d'une partie à un rapport juridique pour résoudre le conflit, en adaptant les règles de droit commun sans pour autant les modifier. La première solution, pour simple qu'elle paraît, n'en serait pas moins difficile à mettre en pratique, car elle semble opérer une dichotomie entre les aspects juridique et politique du problème : or on sait que lorsqu'un Etat est impliqué dans un rapport juridique, les considérations politiques ne sont jamais totalement étrangères à la règle de droit applicable, y compris en droit interne. La deuxième solution permettrait sans nul doute de donner au conflit la solution la mieux adaptée à la qualité des parties, mais ne gagnerait probablement pas en clarté par la création de tout un corps de règles spéciales de conflit dérogatoires au droit commun ; une telle solution ne pourrait être appliquée à bon escient qu'avec un champ d'application préalablement défini. La troisième solution, enfin, permet de conserver au droit international privé sa cohérence tout en permettant l'attrait de la solution du conflit vers l'Etat partie au rapport juridique. Nous verrons dans notre développement que, bien souvent, c'est cette dernière solution qui est retenue par notre droit positif des conflits de lois et de juridictions.
A ce titre, il convient de préciser dès maintenant que notre recherche ne concernera pas les rapports entre Etats ou entre Etats et organisations internationales. Cette question relève du seul droit international public. En effet, ce droit est régi par un corps de règles indépendant, contrairement au droit international privé qui est premièrement régi par la loi du for, et qui deuxièmement renvoie toujours à la loi et à la juridiction d'un Etat donné. Pour connaître le régime juridique applicable à une relation entre Etats donnés, il convient de se référer aux principes généraux du droit international public et aux éventuels traités internationaux conclus entre les Hautes Parties. Bien entendu, il en irait autrement si, par un contrat international qui ne serait ainsi plus un traité (puisqu'un traité international présuppose sa régie par le droit international), des Etats choisissaient de faire régir leur rapport à telle situation juridique par le droit interne d'un Etat. Dans ce dernier cas, le droit international privé aurait manifestement vocation à intervenir.
Car il faut bien avoir à l'esprit que, conformément au principe de l'égalité souveraine des Etats, chaque pays – voire dans certains Etats fédéraux comme les Etats-Unis, chaque entité fédérée – règle souverainement ses principes de droit international privé, tout comme sa législation nationale. A ce titre, même s'il est souvent réglé par voie d'actes internationaux (citons par exemple les multiples conventions de La Haye et la Convention de Rome de 1980), le droit international privé apparaît comme une véritable branche du droit interne. Il se distingue en cela catégoriquement du droit international public. De ce fait, notre étude se limitera presque exclusivement au droit international privé français. Dès lors, les solutions que nous dégagerons ne pourront être validées que si le juge saisit du litige est un juge français, à moins que les règles de conflit dégagées ne trouvent leur source dans un accord international applicable dans un autre Etat-partie, auquel cas cette règle restera vérifiée si le juge saisi est représentant de la souveraineté de cet Etat.
On comprend en effet que le droit international privé touche à la souveraineté même des Etats. Il détermine la compétence législative et juridictionnelle de chaque entité souveraine. Trancher un conflit de lois, c'est décider quel Etat régira par sa législation une situation juridique déterminée. Trancher un conflit de juridictions, c'est dire quel Etat a le pouvoir de juger un litige donné. Ainsi, résoudre un problème de droit international privé équivaut sans conteste à choisir parmi plusieurs souverainetés concurrentes. La souveraineté des Etats est un problème récurent en D.I.P. et chaque solution de conflit est nécessairement le triomphe d'une souveraineté sur une autre. Cela pose déjà un problème lorsque la situation juridique donnée ne concerne que de simples particuliers. Mais on comprend que le problème de la souveraineté se pose de manière encore plus sensible lorsque le conflit à résoudre concerne directement l'Etat détenteur de cette souveraineté. Même si l'on peut dire que cette souveraineté ne dérange généralement pas le jeu normal de la résolution des conflits de lois et de juridictions, il serait toutefois injustifié de penser que la solution du conflit est totalement indépendante de tout principe de souveraineté. Cette rareté des heurts entre souveraineté et règle de conflit s'explique en effet par le fait que la solution donnée par la règle de conflit est le plus souvent conforme aux intérêts de la souveraineté de l'Etat concerné. Nous verrons effectivement dans le cadre de notre développement que bien souvent la souveraineté de l'Etat attire à elle la solution du conflit.
Distinguée du droit international public, notre étude n'en restera pas pour autant cantonnée au seul droit international privé classiquement défini. En effet, l'Etat étant au centre de notre recherche, il aurait été sans doute hasardeux de ne faire aucune place au droit public (français), pris cette fois uniquement dans son aspect international pour respecter les limites de notre sujet. Ainsi, notre propos oscillera bien souvent entre le droit international privé applicable à toutes personnes juridiques (Etats ou particuliers) et le droit public interne applicable à l'Etat et à ses démembrements. Il est à ce stade aisément compréhensible que notre recherche prendra essentiellement comme sujet l'exemple de l'Etat français (qui reste seul concerné par le droit public français) : le statut des Etats étrangers ne sera en effet traité que de manière secondaire.
Il convient de plus d'ajouter que notre étude fera une large place à l'étude des règles de conflit relatives aux relations internationales de travail, et ceci tant dans la matière des conflits de lois que dans le domaine des conflits de juridictions. Ce choix n'est pas innocent : outre que nous nous sommes intéressés au sujet étudié par le biais des relations de travail, cet exemple du droit international social permet sans doute de démontrer l'attraction opérée par les Etats sur la solution du conflit, par l'application générale du principe de proximité.
Tel est à notre sens tout l'intérêt de notre étude : résoudre les conflits de lois et de juridictions lorsqu'un Etat est directement impliqué dans le rapport juridique considéré. Nous verrons que très souvent, la règle de conflit applicable est indistinctement la même, qu'elle s'applique à un Etat ou à un particulier. Toutefois, cette règle aura un sens tout particulier lorsqu'elle s'appliquera à un sujet de droit international titulaire de la souveraineté. De même, et ceci dans tous les cas, en raison de la permanence assurée par les Etats (un Etat ne change pas de nationalité et de domicile à la manière d'un particulier), les solutions des règles de conflits que nous présenterons dans le cadre de la présente étude pourront former un véritable mémento applicable tant que les règles de conflit elles-mêmes n'auront pas changé.
Nous verrons à l'occasion de notre étude qu'il existe à cet effet une différence fondamentale entre un conflit de lois et un conflit de juridictions. Tandis que le premier aboutit nécessairement à une solution unique, un conflit de juridictions peut parfois aboutir à une multitude de solutions. Ainsi, une situation juridique ne peut être régie que par une seule loi : même si dans certains cas, en matière contractuelle par exemple, on peut « tronçonner » une situation juridique en plusieurs éléments chacun soumis à une loi différente, chacun de ces éléments restera soumis à une seule et même loi. A l'inverse, il possible que les juridictions de plusieurs Etats soient concurremment compétentes pour juger un seul et même litige. La même solution se retrouve en droit interne : si l'on peut facilement admettre que le litige relatif à un contrat donné relève de la compétence concurrente de plusieurs juridictions françaises (il appartiendra alors au demandeur de faire son choix conformément à ses intérêts), il est difficilement imaginable qu'un même contrat soit soumis dans son ensemble à la fois aux règles relatives au contrat de vente, et aux règles relatives au contrat de prêt à usage (commodat).
Logiquement, il aurait fallu faire précéder notre étude des conflits de lois par celle des conflits de juridictions. En effet, la solution du conflit de lois est nécessairement donnée lege fori, c'est-à-dire conformément à la règle de conflit en vigueur dans l'Etat du juge saisi. Ainsi, il est nécessaire de déterminer le juge compétent avant de se pencher sur la solution du conflit de lois. Car du juge compétent saisi dépendra la règle de conflit applicable et, par voie de conséquence, la loi nationale compétente au fond. Par exemple, ce n'est qu'après avoir vérifié la compétence du juge français que l'on pourra se prononcer à l'égard de la loi applicable conformément à la règle de conflit française. Toutefois, pour plus de commodité, notre étude traitera d'abord de l'Etat dans les conflits de lois (chapitre premier), avant d'aborder le problème de l'Etat dans les conflits de juridictions (chapitre second)
[...] L'Etat et la responsabilité pénale 37. Il importe ici de préciser que l'Etat français ne peut engager sa responsabilité pénale en vertu de l'article 121-2 du Code pénal. De même, en vertu de l'égalité souveraine des Etats, un Etat étranger ne peut être soumis à la loi pénale d'un Etat tiers. De plus, en vertu de l'immunité de juridiction des Etats étrangers, parler de leur responsabilité pénale n'aurait aucun sens : en effet, d'une part, en vertu de la présomption d'innocence, il n'y a de responsabilité pénale qu'en cas de condamnation prononcée par une juridiction ; d'autre part, l'immunité de juridiction des Etats empêcherait un jugement et donc une condamnation ; enfin, si les Etats acceptent parfois de renoncer à leur immunité de juridiction civile, nous ne connaissons à l'heure actuelle aucun exemple de renonciation en matière pénale pour des raisons évidentes de souveraineté (la solution est parfois différente en matière d'immunité diplomatique). [...]
[...] La répartition interne des compétences se fera généralement selon les distinctions opérées par la Constitution et par la loi entre le Conseil constitutionnel, les juridictions administratives (sous le contrôle du Conseil d'Etat) et les juridictions financières (sous le contrôle de la Cour des comptes et le contrôle de cassation du Conseil d'Etat). L'ensemble de ces répartitions de compétences relève plus du droit interne que de l'objet de notre recherche Toutefois, il faut observer que certaines règles spéciales voient le jour en droit public concernant les litiges internationaux. Il en va ainsi, lorsque le litige relève de la compétence de la juridiction administrative, de l'article R. [...]
[...] Le règlement prévoie en outre une compétence prorogée par contrat, tout en limitant fortement les effets d'une telle prorogation, comme nous le verrons ci-dessous Ainsi, nous pouvons observer encore une fois une certaine contradiction entre l'application à l'ordre international de l'article R. 517-1 du Code du travail et les dispositions des articles 19 et 20 du règlement. Pour résoudre ce conflit, il convient d'opérer une distinction. Si la juridiction française est compétente sur le fondement de ces deux textes, il n'existe aucun conflit. [...]
[...] Leur rémunération est fixée par leur statut qui régit également l'ensemble de leur carrière. Les fonctionnaires de l'Etat relève toujours du droit public, même lorsqu'ils exercent leurs fonctions à l'étranger (dans les représentations diplomatiques ou consulaires notamment) Les seconds sont des agents contractuels. En principe, la conclusion de leur contrat est soumise à la liberté contractuelle, notamment la fixation de leur rémunération, même si la plupart du temps, leur traitement est fixé suivant la grille indiciaire de la fonction publique. [...]
[...] Ces dispositions concerneront essentiellement les décisions prises par les autorités diplomatiques et consulaires françaises, par exemple en matière de visas d'entrée ou dans le cadre de relations de travail avec leur personnel soumis à des statuts de droit public Enfin, il convient de remarquer que, si les actes de l'état civil ne relèvent pas du droit public, la compétence du droit français pour régir ceux-ci entraîne obligatoirement la compétence des juridictions judiciaires françaises (Cass. Civ février 1901, Gazette du Palais p. 380). C'est une solution désormais classique. B. La compétence juridictionnelle française en cas de risque de déni de justice 110. [...]
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