Emmanuelle Tourme-Jouannet est une éminente juriste et philosophe contemporaine. Professeure agrégée de droit public, spécialiste du droit international public, elle a largement contribué au sein du milieu universitaire et doctrinal - français et étranger - à mieux appréhender ces sujets de droit très particuliers que sont les États souverains sur la scène internationale. Tout particulièrement dans leurs interactions réciproques, consenties ou unilatéralement imposées, la manière de réguler ces rapports, les "normaliser" au sein d'un ordre juridique autrefois façonné par eux et "aujourd'hui" (au cours du 21e siècle) en pleine recomposition.
C'est donc une analyse "macro" du droit international public à laquelle s'emploie Mme Jouannet dans le cadre de ses recherches et publications scientifiques, particulièrement abondantes : le pouvoir normatif jurisprudentiel du juge international, les garanties processuelles accordées aux justiciables de l'ordre juridique international à travers notamment le respect du principe du contradictoire, la recherche d'une "justice sociale" à travers un "droit du développement et droit de la reconnaissance" comme "piliers juridiques d'une société mondiale plus juste", "la preuve comme reflet des évolutions majeures de la société internationale"
[...] Toutefois au-delà de l'analyse purement « évolutive » ou historique du processus, l'auteur se livre dans le deuxième chapitre à un examen du système juridique (ses règles, rouages et institutions) applicable en droit international, peu important sa source (écrit ou coutumier, prétorien ) afin d'en révéler les forces et les faiblesses, mettre en évidence les rapports de force en présence, notamment l'opposition entre l'ordre juridique international et les ordres juridiques internes de chaque État. En effet, ces systèmes doivent se conjuguer de façon rationnelle dans l'application d'un même ensemble, sans se faire concurrence . Le phénomène d'« inflation normative », constaté par ailleurs dans tous les domaines du droit au sein des États modernes, n'a pas épargné le droit international. [...]
[...] Comme tout juriste de notre période contemporaine, elle a été témoin directe d'une reconfiguration progressive de l'ordre juridique international avec le dépassement des logiques traditionnelles classiques (un droit des États souverains, par ces États et pour ces États exclusivement) et l'émergence d'une scène multicomposite tant au niveau des acteurs de droit international, de plus en plus variés, que du pouvoir d'influence ou d'initiative des acteurs non étatiques, de plus en plus importants. Le « combat » que mène cette juriste, philosophe et chercheuse est avant tout celui d'un système plus « juste » et protecteur notamment des « plus faibles ». Le thème de la reconnaissance, au profit notamment des droits des minorités et des peuples autochtones, est le fil central de son raisonnement. [...]
[...] C'est l'objet de son troisième chapitre. Comme dans chaque ordre interne chapeauté par un État souverain, le système international se doit, pour être vertueux, de concilier l'exigence de protection, d'intervention (logique de l'État providence) et de liberté au profit des États et leurs peuples (État libéral). Ce sont les trois piliers que définit l'auteur dans sa dernière partie : la résolution des conflits élevés à l'échelle internationale par le recours à une règle de droit (la paix), le développement économique des États de manière « neutre » et objective, enfin le développement des droits « humains », révélant que l'Homme - en tant qu'individu – tend désormais à être placé au cœur des préoccupations et nouveaux enjeux du droit international public. [...]
[...] Le « destin du droit contemporain » international se trouve selon l'auteur intimement lié à l'avenir des droits de l'homme. Tout l'enjeu pour le système international – la question est en réalité la même au sein de chaque ordre juridique supranational ; elle se pose, bien que, de manière différente, à l'échelle de l'Union européenne ou de l'adhésion des États à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales – est de parvenir à concilier la nécessaire harmonisation des droits et libertés fondamentaux reconnus à tout être humain ou personne morale sans outrepasser l'exercice de cette harmonisation au détriment de l'identité et la singularité des peuples, disposant du droit suprême de disposer d'eux-mêmes (principe international du droit à l'autodétermination). [...]
[...] Face à cette adaptation nécessaire de l'État, sur cette problématique comme sur toute autre de ressort international, celui-ci doit veiller à respecter les droits fondamentaux reconnus à tout être humain par les traités et accords internationaux, et qui souvent – en Europe a minima – sont reconnus en droit interne dans les textes fondamentaux (peu importe leur nom : traité, charte, constitution ) et sont sanctionnés juridiquement par un organe juridictionnel en cas de méconnaissance par les autorités internes. C'est là le « résultat » auquel ont réussi à parvenir les ordres juridiques supranationaux européens (CEDH) et ceux issus de l'Union européenne (Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne et Traité sur l'Union européenne). [...]
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