Depuis quelques années, le droit international de l'environnement connaît un essor considérable, une véritable « profusion normative » mais la question de l'effectivité de ces conventions environnementales reste l'une des préoccupations essentielles de la doctrine . Il semble que le recours aux mécanismes classiques du droit international en cas de non respect d'une convention environnementale connaît de nombreuses limites inhérentes à la matière . Cela explique certainement l'émergence au sein de ces conventions de procédures particulières qui tendent au respect et à la promotion du droit dans le domaine de la protection de l'environnement. Un exemple de ces procédures nous est offert par la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière dite Convention ESPOO . Cette procédure a été mise en œuvre dans le cadre de la construction d'un canal dans le Delta du Danube.
Le Delta du Danube est un espace de haute importance pour l'environnement. C'est un lieu de vie sauvage, le deuxième plus grand delta d'Europe. Il possède le plus grand nombre d'oiseaux des zones humides d'Europe du sud car c'est un espace clé pour le passage des oiseaux migrateurs : le nombre d'oiseaux sauvages peut excéder les 2 millions. Sur 320 espèces d'oiseaux les plus importantes d'Europe 12 sont menacées.
Aujourd'hui, une large part du Delta du Danube soit 580 000 hectares fait partie de la réserve transfrontière de la biosphère du Delta du Danube. Le Delta du Danube a été inscrit, en 1991, sur la liste des zones humides d'importance internationale, établie sur la base des dispositions de la Convention de Ramsar de 1971 relative aux zones humides d'importance internationale, ainsi que, depuis 1991, sur la liste du patrimoine mondial de la Convention du patrimoine mondial culturel et naturel et il a été déclaré Réserve de biosphère sur la base du programme de l'UNESCO sur l'homme et la biosphère depuis 1992.
Certaines branches du Delta du Danube sont adaptées pour la navigation de l'intérieur des terres vers la mer Noire et vice versa. La navigation par des grands bateaux est importante pour le développement économique des villes et espaces fluviaux ainsi que pour les activités maritimes : constructeur de navires, réparateur de navires et traitement des produits de la pêche.
En 2001, un compagnie ukrainienne (Delta-Lotsman Company aujourd'hui Delta Prospect) a soumis au Gouvernement Ukrainien une étude de faisabilité sur le dragage du Danube afin de construire un canal de navigation en eau profonde entre le Danube et la Mer Noire dans le secteur ukrainien du delta du Danube ainsi que dans une partie du fleuve qui constitue la frontière entre l'Ukraine et la Roumanie. Le rapport contient une étude d'impact sur l'environnement.
En 2002, une étude de faisabilité révisée est préparée et présente les différentes options pour la réalisation du canal. Cette étude inclut à nouveau une étude d'impact sur l'environnement.
En 2003, le Conseil des ministres ukrainien approuve le projet et choisit l'option Bystre comme route de navigation. Le gouvernement roumain est informé en conséquence. La construction du canal navigable souleva cependant des inquiétudes en Roumanie.
En mai 2004, le ministre des transports ukrainien approuve la phase 1 du projet qui consiste à approfondir une partie du banc de sable de la branche du Bystre, à draguer quelques rives de la section du fleuve qui se situe entre Ismail et Vilkove et à construire une partie du barrage, perpendiculaire à la ligne de côte, retenant la mer. La route maritime est ouverte à la navigation en août 2004. A la même date, une étude d'impact sur l'environnement vient compléter la phase 2 du projet. Elle porte sur le dragage des différents rebords fluviaux, l'emplacement des lieux de déchargement et la dépendance du barrage de rétention. La phase 2 devait être complétée fin 2005 mais les travaux devaient se poursuivre jusqu'à fin 2007.
Cependant, la Roumanie, réticente en raison d'éventuels impacts transfrontière liés à ce projet, a été à l'initiative de l'établissement d'une procédure d'enquête sous les auspices de la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière. La question qui se pose alors est celle de savoir en quoi cette procédure d'enquête permet le respect et la promotion du droit en matière de protection de l'environnement ?
Pour pouvoir apporter une réponse à cette interrogation, il faudra, tout d'abord, comprendre comment et pourquoi cette procédure d'enquête a été initiée par la Roumanie (I.) et ensuite voir quels sont les résultats de cette procédure d'enquête (II.).
[...] - Un désaccord entre les parties sur le point de savoir si l'activité est susceptible d'avoir des impacts préjudiciables transfrontières doit exister. Cette procédure d'enquête est donc un mécanisme à mettre en oeuvre en cas de non-respect de la Convention ESPOO. En l'espèce, l'Ukraine aurait du notifier à la Roumanie l'activité en vue de procéder à des consultations suffisantes et efficaces comme le prévoit l'article 5 de la convention car la construction de voies d'eaux intérieures est une activité inscrite sur la liste de l'appendice I. [...]
[...] Scientifique ukrainienne et chercheuse à l'Institut des problèmes écologiques, directrice de laboratoire à Kharkiv, Ukraine * Le docteur Mircea Staras Ministre de l'environnement et de la gestion de l'eau. Directrice de l'Institut du Delta du Danube à Tulcea, Roumanie. * Monsieur Wiek Schrage, secrétaire exécutif nommé par la Commission, UNECE, Genève 2. Le rôle de la Commission d'enquête Aux termes de l'article de la Convention ESPOO le rôle de la Commission d'enquête est d émettre un avis sur la probabilité d'un impact transfrontière préjudiciable important [ ] résultant de l'activité en cause en incluant les vues et recherches des experts sur des sujets ou matières spécifiques dans son rapport. [...]
[...] - La turbidité de l'eau de mer s'élèvera lorsque les résidus seront relâchés à la mer, en particulier lorsque les courants progresseront le long de la côte sud. - Les opérations répétées de dragage d'entretien empêcheront la régénération des zones à poissons qui auront été affectées. - Le trafic fluvial causera des effets préjudiciables cumulatifs de grande portée et à long terme sur la vie des poissons et des oiseaux, ainsi qu'une perte ou perturbation des habitats. Les impacts transfrontières préjudiciables sérieux retenus par la Commission concernent au premier chef la faune du Delta du Danube ce qui était largement prévisible puisque ce Delta possède le plus grand nombre d'oiseaux des zones humides d'Europe du sud Les impacts transfrontières préjudiciables probables La Commission a également estimé que l'on pouvait vraisemblablement s'attendre à d'autres impacts transfrontières préjudiciables dont l'importance ne peut être jugée à défaut d'informations suffisantes : - L'effet négatif du dragage sur la turbidité des aux fluviales et marines. [...]
[...] Les impacts transfrontières de la construction du canal sur l'eau Les impacts hydrologiques transfrontières : Pour la Roumanie, ils sont probables pour la phase 2 du projet. De quelques manières qu'ils soient anticipés, la baisse des rives en phase 2 va produire une augmentation des débordements significative. La Roumanie craint que le changement systématique de l'hydrologie et de la répartition de l'eau entre les branches du Danube ait un impact sur la répartition de l'eau dans le Delta roumain. Pour l'Ukraine, ces conséquences du dragage des rives en phase 2 n'aura aucun impact préjudiciable car elles seront minimes. [...]
[...] BOISSON DE CHAZOURNES La mise en œuvre du droit international dans le domaine de la protection de l'environnement : enjeux et défis R.G.D.I.P tome IC, volume pp.50-56. Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière dite Convention ESPOO du 25 février1991, I.L.M p.800. Disponible aussi sur http://www.unece.org/env/eia Aux termes de l'article de la Convention ESPOO : Lorsqu'une partie estime qu'une activité proposée inscrite sur la liste figurant à l'Appendice I aurait sur elle un impact transfrontière préjudiciable important et lorsque notification n'en a pas été donnée en application des dispositions du du présent article, les parties concernées échangent, à la demande de la partie touchée, des informations suffisantes aux fins d'engager des discussions sur le point de savoir si un impact transfrontière préjudiciable important est probable. [...]
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