« L'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat s'est prononcée sur la responsabilité de l'Etat dans la déportation résultant des persécutions antisémites pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Conseil d'Etat a estimé que les actes et agissements de l'Etat ayant concouru à la déportation de personnes considérées comme juives par le régime de Vichy constituaient des fautes et engageaient sa responsabilité » : dans son arrêt Madame H. du 16 février 2009, le Conseil d'État a rappelé le principe de la responsabilité de l'État du fait de ses actes et le droit à une indemnité, même symbolique.
Considérée comme un acte intouchable, la loi a été longtemps considérée comme générale et impersonnelle, rendant toute spécialisation impossible, et excluant tout droit à indemnisation.
En inaugurant en 1938 un nouveau régime de la responsabilité de l'Etat du fait des lois, l'arrêt La Fleurette a amorcé un mouvement de désacralisation de la loi, peu à peu privée de son immunité, qui se traduira, en 1958, par l'institution du Conseil Constitutionnel pour la contrôler ou, en 1989, par la possibilité désormais ouverte d'un contrôle de conventionnalité par le Conseil d'Etat. Plus récemment, l'arrêt Gardedieu a étendu le champ de la responsabilité de l'Etat du fait des lois en y incluant la prise en compte des préjudices causés par une loi contraire aux engagements internationaux de la France.
[...] Pour Frier, la responsabilité de l'Etat du fait des lois n'a que "l'apparence d'une exceptionnelle avancée de l'Etat de droit" : très exceptionnellement engagée, très rarement reconnue, elle ne donne finalement lieu qu'à peu d'indemnisations. Par ailleurs, le cas Arizona Tobacco Products met en évidence que c'est davantage le règlement pris en application de la loi qui est considéré comme le fait générateur du préjudice. Dès lors, il peut y avoir indemnisation sans mise en cause du législateur, mais comme le soulignent Dupuis, Guédon et Chrétien, "quelle sera la solution en l'absence de tout acte administratif écran, et donc en cas de carence pure et simple du législateur qui n'a pas transposé les directives Ces garde-fous, nombreux, à l'engagement de la responsabilité, suscitent deux commentaires : si les conditions restrictives qui enferment le recours à la responsabilité du fait des lois paraissent justifiées par la protection nécessaire de l'action de l'Etat, celles-ci posent cependant la question des limites de la responsabilité donc de l'irresponsabilité- publique. [...]
[...] L'arrêt Driancourt a ainsi posé une automaticité entre le constat de non- conformité à la norme supérieure et la qualification de comportement fautif Sur cette question de la faute, le rôle du juge se distingue dans la responsabilisation de l'Etat du fait des lois. B Des pouvoirs du juge accrus A mesure que se renforçait l'intégration européenne, le contentieux de la responsabilité était forcé d'évoluer. Aujourd'hui, le dialogue des juges tend à assurer encore davantage une convergence des droits, mais aussi un accroissement des pouvoirs des juges, comme contrôleurs a posteriori de la loi par rapport aux normes internationales. [...]
[...] ) ; d'autre part, celui de la réaffirmation d'une responsabilité qui ne saurait être absolue. Celle-ci, inaugurée par l'arrêt Blanco du Tribunal des Conflits, va de pair avec l'idée que la loi doit aussi pouvoir s'imposer à tous, dans toute sa rigueur. L'arrêt Perthuis de 1978 illustre à cet égard ce mouvement : la loi en cause, réorganisant le réseau des centres d'insémination artificielle, autorisant certains d'entre eux à continuer leur activité, en obligeant d'autres au contraire à fermer, revêt un caractère discriminatoire par nature en tant qu'elle établit une discipline de la profession d'insémination. [...]
[...] La durée de l'affaire Gardedieu (plus de 10 ans) soulignerait assez à elle seule les obstacles qui demeurent entre l'affirmation d'un droit et son effectivité. A Les tempéraments aux mécanismes d'engagement de la responsabilité du fait des lois Reconnue et encouragée par le droit européen, l'éventuelle responsabilité de l'Etat du fait des lois, ainsi que le principe de réparation, se heurte néanmoins à la fois à des mécanismes encore "prudents" de mise en cause de cette responsabilité, et à des motifs encore nombreux d'exonération de la responsabilité de l'Etat du fait de l'activité du législateur. [...]
[...] Il est en effet difficile de ne pas considérer le dommage causé par une loi non conforme à une convention internationale (que l'Etat aurait dû respecter), comme une faute du législateur. Enfin, le principe de précaution pose sans doute plus de problèmes qu'il n'en résout, notamment en droit administratif : aucune décision n'a jusqu'à présent reconnu explicitement l'engagement de la responsabilité du législateur sur le fondement de la méconnaissance de ce principe. Bien que vague, la constitutionnalisation dont il a fait l'objet en 2005 assure pourtant un peu plus la valeur de recours qu'elle peut constituer contre les lois. [...]
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