La répudiation est une notion complexe du droit musulman trouvant sa source dans la Charria et pouvant s'assimiler, en partie, à un divorce. Néanmoins, il est une forme de répudiation qui demeure insoutenable pour les droits de l'Homme tels que le Conseil de l'Europe les conçoit. Il s'agit de la répudiation Talâq, répudiation unilatérale et discrétionnaire par le mari de son épouse ; le juge, pas plus que la femme, ne peut intervenir. Le cas le plus fréquent est celui de la répudiation unilatérale obtenue au Maroc ou en Algérie et opposée ensuite devant les tribunaux du for par le mari à une demande en contribution aux charges du mariage introduites par la femme. Il arguera de l'irrecevabilité de la demande de l'épouse en se prévalant de l'autorité de chose jugée de la décision prononcée à son profit au Maroc ou en Algérie, les deux époux étant, par hypothèse, l'un et l'autre domiciliés dans un Etat membre du Conseil de l'Europe. Mais encore faut-il, pour que cette fin de non-recevoir soit accueillie que le jugement étranger soit reconnu par le juge de l'Etat dans lequel il doit produire ses effets, cette reconnaissance suppose une intégration à un milieu social et à ses concepts fondamentaux. Le juge de l'Etat partie à la CEDH est alors requis d'appliquer une norme étrangère contraire à l'un de ses droits et libertés. Le respect de la Convention exige-t-il dans tous les cas que le juge refuse cette application ?
Lorsqu'elle est saisie par un particulier d'une question portant sur la conformité d'une règle de droit avec les principes de la CEDH, « [la Cour de Strasbourg] doit simplement rechercher si l'application in concreto de la norme générale a, en l'espèce, enfreint la Convention » . A ce titre, la pratique mise en cause n'est pas jugée dans l'abstrait mais sur le résultat concret qu'elle engendre. A ce jour, elle n'a eu à connaître de la question qu'une seule fois à l'occasion d'un arrêt de radiation rendu le 8 novembre 2005 dans une affaire D.D. contre France où elle se réfère largement à la jurisprudence et à la doctrine française et en particulier aux 5 arrêts rendus le 17 février 2004 par la Première Chambre civile de la Cour de cassation selon lesquels « même si elle résultait d'une procédure loyale et contradictoire, [une] décision constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme (…) est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du Protocole (…) n°7 à la Convention (…) que la France s'est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l'ordre public international (…) » . On peut ainsi penser que si la Cour Européenne avait du statuer sur la question elle se serait orientée vers le même principe de solution que celui retenu par la Cour de cassation et c'est pourquoi nous envisagerons, au cours de cette étude, les exigences de la CEDH quant à la reconnaissance d'un jugement de répudiation à la lumière de ces arrêts rendus en 2004.
La CEDH s'exprime par voie de généralités, elle définit un droit essentiel dont elle ne précise pas les différents aspects. Elle contient également des règles relatives à l'efficacité internationale des décisions. Ainsi, l'article 5 du Protocole n° 7 de la Convention ordonne à cet égard que l'égalité entre époux soit sauvegardée lors de la dissolution du lien matrimonial. On peut alors en déduire que les jugements étrangers qui y porteraient atteinte ne pourraient être reconnus dans les Etats membres ou y être revêtus de l'exequatur. Cependant, la question de l'accueil en France des jugements algériens et marocains de répudiation est envisagée par deux conventions bilatérales assimilant le jugement de répudiation à un jugement étranger de divorce et ayant pour but de « préserver les principes fondamentaux de l'identité nationale ».
De quelle façon la Cour de cassation a-t-elle pu condamner une institution étrangère, certes fondamentalement opposée au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage consacré par l'article 5 du Protocole additionnel n° 7, mais dont la reconnaissance a été acceptée par l'Etat français lorsqu'il a ratifié la convention franco-algérienne du 27 août 1964 et la convention franco-marocaine du 10 août 1981 ?
[...] C'est pourquoi, en imitant la jurisprudence française, nous nous placerons au cours de cette étude sur le terrain du droit conventionnel. On aurait ainsi, d'un point de vue nationaliste, un conflit entre des règles conventionnelles de droit international privé s'opposant sur l'efficacité des décisions prononçant une rupture inégalitaire du lien matrimonial. Et d'un point de vue internationaliste, un conflit entre des règles conventionnelles interétatiques demandant chacune à un même Etat de donner et de priver d'effet, dans son ordre juridique, des jugements violant le principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage. [...]
[...] Paris mars 2003 En 2001, le rapport du Premier Président de la Cour de cassation, Monsieur Canivet, dénonçait la vision absolutiste des droits de l'Homme. Soulignant leur caractère régional, il plaidait en faveur de la diversité culturelle. Ses argument devaient, toutefois, être réfutés par les arrêts du 17 février 2004. Débats du 23 mai 1997 suite à la communication de M. Matscher au comité français de droit international privé, le droit international privé face à la convention européenne des droits de l'homme Toutefois, cette théorie de la temporalité actualisante n'a jamais reçu de consécration doctrinale ou jurisprudentielle. [...]
[...] L'échec des conventions franco-algérienne et franco-marocaine était toutefois prévisible si l'on se souvient que Savigny partait du principe que la communauté de droits, absente en l'espèce, constituait la condition sine qua non du libre échange des lois étatiques et des décisions judiciaires. Ci après désignée par l'abréviation CEDH. Ali Mezghani, le juge français et les institutions du droit musulman in JDI 2003. Les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution Civ.1ère juin 1982, Zagha F. Sudre, Droit international et européen des droits de l'homme, 4è édition, PUF, coll. [...]
[...] En effet, la confrontation des systèmes musulmans et des systèmes occidentaux permet de vérifier l'idée que la définition des droits de l'homme reste propre à chaque civilisation. Le droit musulman, droit révélé, interdirait que l'on reconsidère les droits de l'homme émanant du Coran[22]. Ainsi, le principe d'égalité des époux tel qu'il existe dans les systèmes occidentaux ne peut accéder au rang de norme de jus cogens car tous les pays de droit musulman ne peuvent y avoir adhéré. Le principe hiérarchique par emprunt[23] : L'ordre juridique français n'établit expressément aucune hiérarchie entre les différentes conventions internationales qu'il intègre y compris entre les conventions contraires. [...]
[...] Cependant, cette solution pèche dans la mesure où, le plus souvent, les tribunaux français auront à connaître de la reconnaissance d'un jugement de répudiation parce que les époux sont domiciliés en France et l'on retrouve alors la critique de l'impérialisme des droits fondamentaux. Les principes généraux du droit[25] : Selon la doctrine, ce concept à la mode aurait vocation à résoudre les antinomies[26]. En effet, fondés sur l'ensemble des opinions doctrinales, des règles et des décisions du droit positif, ils seraient dotés d'une légitimité indéniable. [...]
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