Récemment encore, l'unification du droit du commerce international n'était envisagée que sous forme de conventions liant les Etats signataires, avec une polémique tournant autour du fait de savoir s'il fallait privilégier l'unification des règles de droit international privé ou les règles matérielles. Depuis le premier semestre 1994, les juristes internationalistes ont vu leur bibliothèque s'enrichir des « Principes relatifs aux contrats du commerce international », rebaptisés « Principes d'Unidroit relatifs aux contrats du commerce international » lors de leur mise à jour en 2004. Cet ouvrage présente une véritable originalité sur le plan des sources du droit en n'étant pas soumis à ratification des Etats. En outre, cette originalité se caractérise encore par le fait que « si la désignation des Principes Unidroit par les parties peut se revendiquer du principe largement admis de l'autonomie de la volonté, leur application quand sont choisis les « « Principes généraux du droit », la « lex mercatoria » ou autre forme similaire » les associe ipso facto à ces sources de droit. »
C'est à une organisation internationale intergouvernementale, l'Institut international pour l'unification du droit privé, plus connue sous son acronyme « Unidroit », que l'on doit ce travail. L'Unidroit, dont le siège est à Rome, a été créé comme organe auxiliaire de la Société des Nations en 1926 et reconstitué en 1940 en vertu d'un accord multilatéral, appelé « Statut organique ». Unidroit est connu pour ses réalisations dans le domaine du droit du commerce international ; l'Institut a en effet préparé de grandes conventions internationales, pour ne citer parmi elles que la Convention de La Haye de 1964 sur la formation du contrat de vente internationale des objets mobiliers corporels et sur la vente internationale des objets mobiliers corporels. Les Principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international sont nés d'une décision du Conseil de direction de l'Institut qui date de 1971.
L'oeuvre accomplie par le groupe de travail mis en place par l'Unidroit est sans commune mesure avec d'autres tentatives de ce genre. L'on doit néanmoins citer encore les Principes du droit européen du contrat, oeuvre doctrinale financée en partie par la Commission européenne qui a ouvertement exprimé son souhait de voir une harmonisation européenne (sous-entendu, au niveau de l'Union européenne) dans le domaine des contrats internationaux touchant au commerce transnational. Les Principes d'Unidroit et les Principes du droit européen des contrats ont, à cet égard, recueilli de nombreuses règles issues de la lex mercatoria et ayant trouvé leur expression dans la jurisprudence arbitrale internationale. Ils ont vocation à constituer progressivement la trame des contrats internationaux. Après ce bref rappel, voyons ce qu'il en est de la pratique contemporaine. D'une part, l'on peut se demander si les Principes d'Unidroit sont la formulation d'une nouvelle lex mercatoria (Partie Ière). D'autre part, quelle est leur portée en pratique? (Partie II)
[...] Concernant les Principes d'Unidroit, l'incertitude semble être le maître mot. Incertitude quant à la nature, incertitude quant à la qualification, incertitude quant à l'application par l'arbitre et par le juge, incertitude finalement quant à la véritable portée. Selon Mme le Pr DEUMIER la qualification d'un même instrument à la fois de reflet Restatement codification principe usage règle de droit source de la lex mercatoria autorité oeuvre savante crée des dissonances incompatibles avec les arguments d'une plus grande sécurité et d'une meilleure prévisibilité, et semblent au contraire ajouter un degré supplémentaire d'incertitude Bibliographie indicative Aspects philosophiques du Droit de l'arbitrage international, Emmanuel Gaillard (2008) La procédure civile mondiale modélisée : le projet d'American Law Institute et d'Unidroit de Principes et règles de procédure civile transnationale, Actes du colloque de Lyon du 12 juin 2003, Frédérique Ferrand et Collectif (2004) Les sanctions de l'inexécution du contrat et les Principes UNIDROIT, Stefan Eberhard (2005) Pascale DEUMIER, art.cit. [...]
[...] La référence aux Principes d'Unidoit ne permet donc pas d'éviter l'exercice de détermination d'un droit national applicable, ne serait-ce que pour vérifier l'éventuelle existence de règles impératives dont la méconnaissance pourrait mettre à mal la prévision et l'attente légitime des parties ainsi que l'efficacité de la décision à intervenir. Enfin, la référence que les parties peuvent faire aux Principes d'Unidroit peut être partielle sauf pour les règles que lesdits Principes déclarent être impératives (article 1.5 des Principes d'Unidroit). Comment des règles qui sont avant tout destinées à être adoptées par les parties, peuvent-elles être impératives? Quelle sera la force de cette impérativité par rapport à des règles impératives du droit national éventuellement applicable? L'on voit ici que les rédacteurs ont excédé leur fonction doctrinale pour s'autoproclamer législateur transnational. [...]
[...] Il ne s'agit certes pas d'un jus cogens mais d'un système de règles auxquelles les parties se soumettent. En matière internationale, nombre de sentences sont fondées sur les usages et principes en vigueur, c'est-à-dire qu'elles s'approprient la lex mercatoria. En cette matière, l'ouvrage de référence est et demeure le «Traité de l'arbitrage commercial international» de B. Goldman, Ph. Fouchard et E. Gaillard. Autant dire qu'il s'agissait, pour les auteurs d'un plaidoyer chargé de démontrer qu'arbitrage transnational et lex mercatoria ne faisaient qu'un. Comme s'interroge Mme le Pr. [...]
[...] Une autre hypothèse d'application des Principes d'Unidroit par le juge serait la volonté implicite des parties. Or, dans l'ordre juridique français, le juge du fond détermine souverainement la commune intention des parties, il l'interprète ainsi qu'il lui semble raisonnable pourvu qu'il ne la dénature pas ou ne commette pas une erreur de qualification Cependant, l'on sait que le contrôle de la dénaturation par la Cour de cassation est relativement léger. De plus, compte tenu de la jurisprudence de la Haute Juridiction, généralement tolérante vis-à-vis des opérations relevant du commerce international, le juge du fond prend peu de risques de voir sa décision cassée à condition qu'il utilise les Principes d'Unidroit non pour fonder sa décision exclusivement sur eux, mais pour tirer une volonté implicite des parties. [...]
[...] D'une part, on peut se demander si les Principes d'Unidroit sont la formulation d'une nouvelle lex mercatoria (Partie Ière). D'autre part, quelle est leur portée en pratique? (Partie II) I. Les Principes d'Unidroit, une nouvelle lex mercatoria? Il faut tout d'abord analyser la nature de ces Principes, avant de s'interroger sur la possibilité de l'invoquer comme complément, voire comme expression éventuelle de la loi mercatorienne. Quid? A. Ouvrage savant ou normes juridiques? [...]
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