La question de la peine de mort n'a été considérée que tout récemment comme une question relevant du droit et des relations internationales. Tout d'abord, d'un point de vue purement formel, il s'agissait d'une question relevant de l'ordre interne des différents Etats, maîtres de déterminer leur politique pénale et la hiérarchie des peines inscrites dans leurs codes.
La notion de domaine réservé s'appliquait ainsi sans hésitation à ces « affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat », au sens de l'article 2 § 7 de la Charte. La notion d'« ordre public » interne n'a été utilisée qu'ultérieurement pour faire obstacle à cette compétence exclusive, dans les relations bilatérales de coopération pénale internationale, et en particulier en matière d'extradition. Mais, l'idée d'un ordre public international, remettant en cause la légitimité de la peine de mort lorsque cette peine était légalement établie dans un pays donné, est un phénomène beaucoup plus récent encore.
Quant au fond, les premiers instruments internationaux consacrés aux droits de l'Homme faisaient une place à la peine capitale. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la peine de mort a été prononcée par les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, comme par les juridictions internes.
Au même moment les travaux préparatoires de la Déclaration universelle des droits de l'Homme montrent bien que la question de l'abolition n'était pas à l'ordre du jour. Paradoxalement, c'est le bloc soviétique qui plaidait pour l'abolition de la peine capitale en temps de paix, fort de l'exemple de l'URSS qui l'avait officiellement abolie en 1947.
L'amendement soviétique à l'article 3 sur « le droit à la vie » fut écarté devant la 3e Commission, par 21 voix contre 9 – dont Cuba, la République dominicaine et le Mexique, aux côtés du bloc soviétique – et 18 abstentions, le délégué britannique précisant que ce vote ne devait pas être considéré comme un vote pour ou contre la peine capitale.
De même, René Cassin, tout en se déclarant personnellement contre la peine de mort, s'était opposé à la manoeuvre de l'Union soviétique, et comme Mme Eleanor Roosevelt, préconisait de faire l'impasse sur la question dans le texte de la Déclaration.
Le débat de fond n'était donc pas clos. Pourtant, dans le cadre européen, le libellé de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme de 1950 consacre ce qui apparaît être une exception de plein droit sous le signe d'une complète neutralité juridique et morale :
« Le droit à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. » Tout au plus cette double exigence de « légalité » de la peine prononcée par un « tribunal » – au plein sens de la Convention, c'est-à-dire, selon la jurisprudence, un tribunal indépendant et impartial, garant des droits de la défense – peut-elle écarter les exécutions sommaires ou extra-judiciaires... Mais d'une certaine manière, ces garanties de procédure ne font que renforcer la « légalité » de la peine et par conséquent sa légitimité au regard de la Convention.
La genèse beaucoup plus lente du Pacte international relatif aux droits civils et politiques traduira une étape importante dans le droit, en faisant au contraire apparaître la peine de mort comme un élément résiduel.
Après avoir posé le principe du droit à la vie, en des termes très forts, l'article 6 du Pacte de 1966 vise en effet la situation particulière des Etats non abolitionnistes:
Ainsi, le Pacte se borne à prendre acte de la situation de certains Etats, pour mieux encadrer une pratique qui apparaît comme manifestement dérogatoire au principe du droit à la vie, en fixant des limites expresses (la mention des « crimes les plus graves », le principe de la légalité et celui de la non-rétroactivité des peines) mais aussi implicites, avec le renvoi aux autres dispositions de Pacte, notamment en matière de due process of law et de droit aux recours. Bien plus, l'article 6 vient fixer d'autres limites, non plus matérielles, mais personnelles, à la peine de mort.
Un dernier alinéa plus général vient éclairer l'esprit de ces dispositions particulières, en concluant : « aucune disposition du présent article ne peut être invoquée pour retarder ou pour empêcher l'abolition de la peine capitale par un Etat partie au présent Pacte ». Autrement dit, loin de renforcer le régime juridique de la peine capitale en limitant ses excès et en « modérant » son application, le Pacte vise à aboutir à une abolition progressive. Cette tactique peut évidemment être discutée sur un plan moral – dans la mesure où la peine de mort est considérée en soi comme inacceptable, ce qui écarte toute demi-mesure – mais, sur le plan politique, elle a une vertu pédagogique, en plaçant les Etats non abolitionnistes sur la défensive et en multipliant les obstacles juridiques jusqu'à l'abolition complète.
De fait, l'évolution du droit international a pris plusieurs voies pour aboutir au même objectif final : l'abolition générale et universelle de la peine de mort (I). Les instruments européens et universels (II) ont contribué à l'effritement continu de la peine de mort.
[...] Il ajoute que l'expression les crimes les plus graves» doit être interprétée d'une manière restrictive, comme signifiant que la peine capitale doit être une mesure tout à fait exceptionnelle Le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort a été adopté par la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies 44/128 du 15 décembre 1989. L'Assemblée a adopté le texte avec cinquante- neuf voix pour, vingt-six contre et quarante-huit abstentions. Si les voix favorables représentaient plus du double des voix contre, elles ne constituaient qu'une minorité parmi les membres présents et les votants. [...]
[...] En revanche, l'Afrique du Sud a marqué la fin de l'apartheid par l'interruption, en 1991, de toute exécution, puis par l'abolition de la peine de mort pour les crimes de droit commun en 1995 et pour tous les crimes en 1997. Le Sénégal l'a suivie en 2004, le Liberia en 2005. En Asie, ce sont encore trente États qui exécutent, dont le Japon, la Chine, l'Inde, l'Indonésie et les deux Corée, mais aussi la plupart des pays du Moyen-Orient jusqu'en Afghanistan. [...]
[...] La peine capitale ne peut être appliquée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. Le Pacte permet également à tout condamné à mort de solliciter la grâce ou la commutation de la peine. Cependant, il interdit qu'une sentence de mort puisse être imposée pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de dix-huit ans et puisse être exécutée contre des femmes enceintes. Il convient de relever, à cet égard, que les États-Unis se réservent le droit, sous réserve des limitations imposées par leur Constitution, de prononcer la peine de mort contre toute personne (autre qu'une femme enceinte) dûment reconnue coupable en vertu de lois en vigueur ou futures permettant l'imposition de la peine de mort, y compris pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de dix-huit ans Par ailleurs, l'article 7 dudit pacte interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui impose sans nul doute de pratiquer l'exécution capitale dans certaines conditions. [...]
[...] L'abolition générale de la peine de mort : Une réalité nationale et universelle Nous verrons dans cette partie que le mouvement général tendant à abolir la peine s'effectue tant au niveau national qu'international L'abolition de la peine de mort par les Etats Le refus d'une justice qui exécute constitue assurément un principe universel, à l'image des droits de l'homme. C'est la reconnaissance du premier d'entre eux, le droit à la vie. En 1948, lors de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dix-neuf États étaient abolitionnistes. En 1981, la France était le trente-sixième État à abolir la peine de mort[3]. Elle était alors le seul pays d'Europe occidentale à conserver une telle sanction dans son droit pénal. [...]
[...] La peine de mort et le droit international La question de la peine de mort n'a été considérée que tout récemment comme une question relevant du droit et des relations internationales. Tout d'abord, d'un point de vue purement formel, il s'agissait d'une question relevant de l'ordre interne des différents Etats, maîtres de déterminer leur politique pénale et la hiérarchie des peines inscrites dans leurs codes. La notion de domaine réservé s'appliquait ainsi sans hésitation à ces affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat au sens de l'article 2 7 de la Charte. [...]
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