L'espace de sécurité de liberté et de justice "ne doit pas être considéré seulement à l'aulne de la lutte contre la drogue, contre la criminalité organisée ou contre l'immigration clandestine"… Dès lors, le principe de reconnaissance mutuelle des décisions est considéré comme la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale.
En dehors des cas où la mise à exécution est recherchée, la reconnaissance des décisions étrangères ne nécessite en principe aucune procédure particulière. Les jugements peuvent aujourd'hui se déployer de plein droit avec leurs deux attributs : efficacité substantielle et contrôle de leur régulation. Indépendamment de toute procédure préalable, le contrôle de la régularité de l'acte peut être mené par le juge de l'Etat d'accueil.
Lorsqu'un acte émane d'un État tiers et que le demandeur veut lui faire produire des effets en France, une instance en exequatur sera mise en place. L'exequatur est une autorisation judiciaire d'exécuter, accordée à un acte juridictionnel ou gracieux dépourvu de force exécutoire dans l'ordre juridique du juge requis en raison de son extranéité. Dans l'ancien droit, la procédure pareatis permettait de conférer force exécutoires aux jugements rendus dans une autre province. En 1819, l'arrêt Parker institue l'action en exequatur. Toutefois, elle créé un système de révision dans lequel la décision étrangère peut être modifiée sur le fond. Ce système ne tient pas compte du fait que le contentieux ait été purgé à l'étranger. C'est ainsi qu'en 1964, l'arrêt Munzer va envisager un système de contrôle. Ainsi il est interdit, pour octroyer ou refuser l'exequatur, de refaire le raisonnement du jugement étranger au fond et de tenir compte des éléments extrinsèques à la décision et enfin d'en modifier le contenu. C'est l'apparition d'une marque de reconnaissance plus franche de la valeur propre des jugements étrangers. Cet arrêt énonce cinq conditions : la compétence du tribunal étranger, la régularité de la procédure, l'application de la loi compétente, la conformité à l'ordre public et l'absence de fraude. Ces critères seront utilisés jusqu'en 2007 - date où la jurisprudence Cornelissen est venue modifier les critères. Cette jurisprudence étant d'actualité, nous la développerons plus tard. Il faut alors envisager le contrôle des actes émanant d'Etats membres de l'Union Européenne, toujours basée sur le principe pareatis au sein de l'espace judiciaire européen ; et le droit commun.
Le mécanisme de reconnaissance des jugements étrangers a évolué depuis la création de l'exequatur en 1804. En effet, à ces débuts, le juge pouvait réécrire la décision s'il ne l'a trouvé pas conforme. On peut voir ici une marque importante de la souveraineté étatique. Toutefois, la globalisation exige une cohérence internationale dans les rapports privés, et la construction européenne implique une communauté de plus en plus juridique. Ainsi, la confiance mutuelle entre autorités et services des différents États membres est le fondement d'une collaboration efficace dans ce domaine. Dans les années à venir, l'un des principaux défis à relever sera l'instauration de cette confiance, et la création de nouveaux moyens pour faire en sorte que les États membres s'appuient davantage sur les systèmes de leurs homologues et améliorent leur compréhension mutuelle à cet égard.
La reconnaissance des jugements étrangers étant le meilleur exemple d'une confiance mutuelle, comment envisager les rapports entre juges français et étranger dans notre société contemporaine ?
[...] En effet, les coûts relatifs à une telle procédure doivent être réduits au maximum, la reconnaissance doit être faite, plus que dans un délai raisonnable, dans un délai court et rapide ; et enfin, les contrôles devraient être moins nombreux mais plus utiles. Aussi, la confiance mutuelle entre les juges français et étrangers passe par un contrôle de l'acte, non pas dans le pays d'accueil de l'acte, mais dans le pays d'origine. En quelque sorte, le juge français a confiance en son homologue étranger quant à la décision qu'il rend. Cette procédure de contrôle à l'arrivée existe dans le règlement du 21 avril 2004 relatif au titre exécutoire européen. [...]
[...] Dès lors la confiance mutuelle est favorisée à la mesure de l'harmonisation européenne des règles de fond, par conséquent plus le droit est unifié, plus on se fait confiance. L'avantage du système de Bruxelles 1 est qu'il lie tous les États membres, même le Danemark. Sa portée est donc étendue au maximum dans l'UE. Le règlement s'applique donc logiquement dans un champ d'application matériel relatif à la matière civile et commerciale. Un système de reconnaissance de plein droit existe, le jugement est présumé efficace avant son contrôle (article 33). [...]
[...] Toutefois, la jurisprudence Cornelissen en 2007 est venue supprimer 2 de ces conditions, il ne reste donc plus que 3 conditions à vérifier pour le juge français. Il s'agit de la compétence du juge étranger qui est contrôlée au vu de la jurisprudence Simitch. Dès lors pour que le juge étranger soit déclaré compétent au sens de l'instance directe, il suffit de prouver un lien objectif et caractérisé avec le litige. Puis, un contrôle de l'ordre public atténué et de fraude sera effectué. [...]
[...] En effet, le règlement Bruxelles 1 souhaite se baser sur une confiance mutuelle entre les États membres. Pour cela il supprime tout contrôle des causes de refus d'exécution et le contrôle ne porte plus que sur la régularité formelle du dossier. De plus, afin d'alléger le système le greffier en chef du TGI est compétent. Il s'agit d'une innovation considérable car le greffier sera appelé à contrôler de nombreux points. Il acquiert ainsi une fonction quasi- juridictionnelle alors même que la délivrance de la force exécutoire d'un acte est fortement liée à la souveraineté étatique. [...]
[...] Au niveau politique, une telle réforme permettrait d'arriver à une Europe juridique épanouie où les jugements pourraient circuler, comme les Hommes, les biens et les services, librement. Une éventuelle réforme peut donc être envisagée, mais pour cela les pays de l'UE, et notamment la France devront lâcher le principe traditionnel de la souveraineté étatique. Ce principe ancré dans les moeurs françaises empêche le pays d'avancer et de s'ouvrir à la Communauté. Le principe de confiance est donc en pleine expansion actuellement, il a déjà su faire ses preuves, mais quelques étapes devront encore être franchies. [...]
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