La justice internationale est depuis plusieurs mois portée sur le devant de la scène politique mondiale avec la médiatisation du procès en Irak de Saddam Hussein.
La justice internationale est un nouveau type de justice né avec le tribunal de Nuremberg, première pièce à l'édifice d'une jurisprudence à l'échelle de toutes les nations, jugeant au nom de la conscience universelle. Cette justice internationale, mondiale, globale, s'exprime aujourd'hui dans trois instances créées par le Conseil de Sécurité de l'ONU, destinées à prévenir et juger systématiquement les actions criminelles des Etats :
- le tribunal pénal international de la Haye depuis 1996 qui juge les crimes de guerre, de génocide et les crimes contre l'humanité commis en ex-Yougoslavie;
- le tribunal pénal international d'Arusha depuis 1995 qui juge les mêmes crimes que le précédent, mais commis au Rwanda en 1994;
- la cour pénale internationale, première cour permanente, entrée en vigueur en 2002, destinée à promouvoir la primauté du droit et à s'assurer que les crimes internationaux ne demeurent pas impunis.
Cependant ces trois instances internationales sont souvent critiquées, notamment pour leur légitimité insuffisante.
Comment la justice internationale pourrait-elle s'instituer durablement, et par quels moyens?
On verra dans un premier temps que la justice internationale, si elle est possible, n'est pas souhaitable du moins pour l'instant, avant d'examiner dans un deuxième temps les moyens possibles et pragmatiques d'arriver à une justice mondialisée.
[...] L'autorité du droit résulte désormais d'un commerce transfrontalier entre juges égaux : les décisions du juge étranger est un point d'appui pour étayer les décisions du juge national. Parce qu'il prétend à un degré supérieur de rationalité, il donne à sa décision un caractère plus universalisable. Cet échange qui prend la forme d'un dialogue, notamment quand les tribunaux se citent ouvertement ou qu'ils reconnaissent l'influence d'une jurisprudence étrangère, fondé sur la persuasion, l'argumentation, l'interprétation a des conséquences concrètes. La référence à d'autres systèmes peut aussi demeurer implicite. [...]
[...] De même pour la justice pénale internationale, les juges internationaux issus de systèmes et de cultures juridiques différents ont dû mettre au point en pratique le fonctionnement quotidien de ces juridictions avec parfois des tensions entre des cultures et des réflexes juridiques très différents. La mondialisation de la justice transforme et investit les systèmes eux-mêmes. L'idée d'une solidarité transnationale entre juges pour lutter contre certains crimes se manifeste aussi dans la procédure de compétence universelle en Belgique (la loi belge permet à la justice belge de poursuivre des individus alors même que ni l'auteur ni la victime ne sont de nationalité belge et que les faits ont été commis hors de Belgique). [...]
[...] Aussi une communauté mondiale devra-t-elle utiliser pour faire valoir ses certitudes d'autres moyens que ceux de la politique dont il serait dangereux de vouloir se saisir pour appliquer ces normes. Une morale comme la justice internationale qui s'empare des moyens de la politique pour s'imposer devient un ordre moral, une morale inquisitoriale. Le danger de la judiciarisation du politique Prenons pour démontrer ce danger l'exemple de la guerre d'ingérence. L'entrée en guerre ne dépend pas d'un mécanisme juridique mais d'une décision politique. [...]
[...] Les juges s'affirment comme agents de premier plan de la mondialisation du droit. Une scène judiciaire mondiale se dessine porteuse de lien social avec une société d'hommes et de femmes d'horizons divers qui partagent une fonction et une tâche communes. Ce commerce des juges procède ainsi d'un affrontement entre les cultures judiciaires et de luttes d'influence étatiques Les juges sont les instruments d'une lutte d'influence. Le commerce des juges est ainsi pour certains un facteur d'extension de la domination occidentale, voire nord-américaine ; pour d'autres c'est un phénomène en tension entre la recherche d'un nouvel universalisme et la compétition des Etats pour le soft power. [...]
[...] C'est pourquoi l'Etat nomme aussi des professeurs de droit, des avocats voire des hommes politiques, pour ces fonctions judiciaires internationales. Leur légitimité vient de l'hybridation de plusieurs cultures professionnelles. Le juge pénal international, par exemple, doit être capable de traduire et d'interpréter un drame individuel dans les termes d'une expérience universalisable. La fonction d'interprète culturel dévolue au juge est politique : elle retisse du lien social en dehors des frontières de l'Etat-nation. La légitimité fondée sur le prestige, la reconnaissance des pairs, la réputation est adaptée à la mondialisation mais on peut redouter la dimension élitiste qui la caractérise. [...]
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