L'article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés, ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Cette disposition constitutionnelle, bien que nous renseignant sur l'application des traités internationaux en droit interne, reste muette quant à leur éventuelle interprétation par les juridictions chargées de ladite application. En effet, la Constitution, de même que le droit écrit français, restent muet sur la question de l'interprétation des traités internationaux par les juridictions internes.
C'est notamment grâce à l'exploitation de cette notion d'interprétation que la Cour de Justice des Communautés européennes a pu poser le principe de prééminence du droit communautaire sur les droits nationaux internes. De même, et par le biais de sa décision du 15 janvier 1975 IVG, le Conseil Constitutionnel a lui aussi affirmé la primauté des traités internationaux sur la loi. Dans la mesure où le juge, qu'il soit administratif ou judiciaire, est chargé de la bonne application et du respect de la loi, il est alors légitime de se demander si ce même juge possède un quelconque pouvoir d'interprétation concernant les traités internationaux.
De ce fait, il conviendra de noter que, même si les traités internationaux existent depuis l'Antiquité, ce n'est que depuis une période très récente que les juges des juridictions internes s'autorisent à interpréter ces traités.
[...] Cette distinction se situe dans l'objet du litige. Ainsi, il faut distinguer les questions d'intérêt privé des questions d'ordre public international tout en notant que cette distinction n'était pas opérée par la chambre criminelle. L'arrêt du 24 janvier 1839 de la chambre civile de la Cour de cassation, dont le litige concerne l'attribution de la succession du duc de Richemond, instaure le principe suivant lequel l'autorité judiciaire a la possibilité d'interpréter les traités toutes les fois que les contestations qui donnent lieu à cette interprétation ont pour objet des intérêts privés Par l'expression intérêts privés il faut entendre les litiges ne mettant pas en jeu la responsabilité internationale de l'Etat chargé d'appliquer une convention internationale. [...]
[...] Il faut rappeler que cette interprétation des traités internationaux n'est valable que pour les juridictions civiles (et sociales) dans la mesure où la chambre criminelle de la Cour de cassation conserve encore sa réserve sur cette question en continuant de procéder au renvoi préjudiciel. Ainsi, elle continue d'affirmer que les conventions internationales sont des actes de haute administration qui ne peuvent être interprétés, s'il y a lieu, que par les puissances entre lesquelles elles sont intervenues (Crim juin 1985 Crim mai 1988). [...]
[...] De ce fait, il conviendra de noter que, même si les traités internationaux existent depuis l'Antiquité, ce n'est que depuis une période très récente que les juges des juridictions internes s'autorisent à interpréter ces traités. Ainsi, il faut constater une phase d'interprétation des traités internationaux quasi inexistante jusqu'au revirement de jurisprudence établie, d'abord, par le Conseil d'État avec son arrêt d'assemblée du 29 juin 1990, GISTI, puis ensuite, par la Cour de cassation en son arrêt de la première chambre civile du 19 décembre 1995, B.A.D., permettant ainsi aux juges français d'affirmer leur compétence d'interprétation dans la matière de ces traités internationaux (II.). [...]
[...] Il faut aussi noter l'influence de la Cour européenne des Droits de l'Homme sur ce revirement. En effet, la présente Cour, dans son arrêt du 24 novembre 1994, affaire Beaumartin, avait condamné la France pour cette pratique du refus d'interprétation des juridictions. Ainsi, pour la Cour seul mérite l'appellation de ''Tribunal'', un organe jouissant de la plénitude de juridiction et répondant à une série d'exigences telles que l'indépendance à l'égard de l'exécutif comme des parties en cause Par cette formule, qui, il est vrai, visait essentiellement le Conseil d'État, la Cour reprochait le fait que le pouvoir exécutif puisse être juge et partie. [...]
[...] Ainsi, jusque dans les années 1990, les juridictions internes privilégient le renvoi préjudiciel ou question préjudicielle posée au gouvernement, en l'occurrence le ministre des Affaires étrangères. La chambre criminelle, dans son arrêt du 30 juin 1976, énoncera par conséquent qu'en raison de questions d'ordre public [ la chambre d'accusation avait le devoir de surseoir à statuer jusqu'à ce que le ministre des Affaires étrangères ait officiellement interprété Concernant le droit européen, il est possible de prendre l'exemple de l'article (nouveau) 234 du Traité de Rome obligeant les juridictions internes statuant en dernier ressort à renvoyer à la Cour de Justice des Communautés Européennes les questions d'interprétation de ce même traité. [...]
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