La place occupée par la Communauté Européenne (CE) au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) est particulière et encore ambiguë à bien des égards. D'un point de vue historique, la CE(E) n'était pas partie aux accords du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ou General Agreement on Tariffs and Trade) de 1947. Sur base des compétences importantes qui lui sont attribuées par le Traité CE(E) en matière de politique commerciale commune, elle est néanmoins intervenue dans de nombreuses questions en lieu et place de ses États membres (compétences exclusives) ou au côté de ceux-ci (compétences partagées). Lorsque l'OMC fut créée en 1994, la CE en est devenue membre avec les États membres de l'Union européenne et lors des votes, la CE dispose d'autant de voix que les États membres réunis. La question essentielle qui s'est alors posé en filigrane à plusieurs reprises a été est de savoir quelles allaient être les relations entre l'Union Européenne et l'Organisation Mondiale du Commerce.
Nous allons nous intéresser ici à la question de l'effet direct (ou du self executing) des accords de l'OMC.
Le principe d'effet direct décrit de façon générale une intervention législative qui s'opère d'elle-même, sans condition préalable. Ce principe avait été à l'origine dégagé par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans l'arrêt du 5 février 1963 (26/62, Rec. p. 3) en ce qui concernait l'effet direct du droit communautaire. Selon la Cour, il ressort de l'esprit, de l'économie et des termes du Traité de Rome que le droit communautaire, de même qu'il impose des obligations aux particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique. Pour se voir reconnaître un effet direct, la norme de droit communautaire, selon une formule traditionnellement reprise par la jurisprudence, doit être suffisamment claire, précise et inconditionnelle. Toutefois, les deux premières conditions se recoupent. L'effet direct est donc subordonné aux conditions que la norme communautaire soit suffisamment précise et qu'elle puisse être appliquée par elle-même, c'est-à-dire sans qu'une mesure ultérieure des États membres ou de la Communauté soit nécessaire.
En l'espèce, le principe d'effet direct des accords de l'OMC décrirait la capacité de ses accords à engendrer directement des droits au profit des opérateurs économiques que ces derniers pourraient invoquer devant la Cour de Justice des Communautés Européennes. Contrairement aux traités et au droit dérivé, les accords internationaux liant la Communauté ne bénéficient pas d'une présomption d'effet direct. Selon la Cour, de la même manière que pour le droit communautaire, une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec un pays tiers doit être considérée comme étant d'application directe «lorsque, eu égard à ses termes, ainsi qu'à l'objet et à la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte extérieur». La Cour a reconnu un effet direct à plusieurs dispositions d'accords d'association, notamment à celles qui interdisent de traiter de manière discriminatoire les ressortissants du pays partie à cet accord (arrêt du 20 novembre 2001, C-268/99, Rec. p. I-8615). La question la plus discutée a cependant été celle d'un éventuel effet direct du GATT puis des accords OMC.
A l'époque du GATT, il était convenu que les normes juridiques contenues dans l'Accord général ne pouvaient pas être appliquées directement dans l'ordre interne du fait que celles-ci ne possédaient pas les qualités requises pour passer le test de l'applicabilité directe de la règle internationale dans l'ordre interne : leur faible clarté et absence de précision, l'absence d'obligations de faire ou de ne pas faire de nature inconditionnelle, et leur incapacité à modifier la législation existante contraire des Etats apparaissaient comme autant de déficiences dirimantes. Dès lors, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) déniait aux dispositions de l'Accord général du GATT de 1947 dont elle avait été saisie la qualité et le bénéfice de l'effet direct et ne reconnaissait donc qu'un simple « caractère intergouvernemental » à ces normes .
Les Accords de Marrakech ne disent rien quant à eux sur l'effet direct du droit OMC. La CJCE a choisi d'adopter face aux accords de l'OMC de 1994 une attitude similaire à celle qu'elle avait eue face aux accords du GATT de 1947. La Cour refuse, en principe, de reconnaître un effet direct aux accords de l'OMC.
Ce principe qui a réaffirmé par la Cour dans une jurisprudence nombreuse reste fortement controversé (I) malgré le fait que la jurisprudence de la Cour ne nie aucune forme d'invocabilité aux accords de l'OMC. (II).
[...] Pourtant la Cour conclut que tel n'est pas le cas et que l'acte en cause constitue plutôt un acte assimilable à un acte de ratification et que sa jurisprudence antérieure n'a pas à s'appliquer[14]. L'exception de référence claire Dans l'affaire Fediol Commission[15], la fédération Fediol avait déposé plainte auprès de la Commission aux vues du règlement mettant en place le Nouvel instrument de politique commerciale qui permettait à la Communauté de répondre aux pratiques commerciales illicites autres que le dumping et les subventions. [...]
[...] On peut supposer que cette position de la Cour s'explique en partie par des considérations politiques (désir de ne pas embarrasser les représentants de la Communauté dans les relations commerciales multilatérales avec les autres pays membres de l'OMC) mais aussi par la formulation de cette disposition contenue dans l'Accord ADPIC mise en cause. Ainsi, le paragraphe 6 de l'article 50 de l'Accord ADPIC énonce que Sans préjudice des dispositions du paragraphe les mesures provisoires prises sur la base des paragraphes 1 et 2 seront abrogées ou cesseront de produire leurs effets d'une autre manière, à la demande du défendeur, si une procédure conduisant à une décision au fond n'est pas engagée dans un délai raisonnable qui sera déterminé par l'autorité judiciaire ordonnant les mesures lorsque la législation d'un Membre le permet ou, en l'absence d'une telle détermination, dans un délai ne devant pas dépasser 20 jours ouvrables ou 31 jours civils si ce délai est plus long. [...]
[...] d'Hasselt (18e chambre) du 3 mai 2002, I.R.D.I C.J.C.E., arrêt Nakajima mai 1991, aff. C-69/89, Rec. P. I-2069. C.J.C.E., arrêt International Fruit octobre 1972, aff à 24/72, Rec. P C.J.C.E., arrêt Portugal contre Conseil de l'Union européenne novembre 1999, aff. C-149/96, Rec. P. [...]
[...] Celle-ci demandait au juge néerlandais de prendre des mesures provisoires contre des faussaires et de fixer un délai de deux trois mois pour que le défenseur puisse demander l'abrogation de la mesure provisoire conformément aux accords ADPIC. La Cour de Justice des Communauté Européenne estima ne pas avoir à se prononcer sur la question de l'effet direct de l'article 50 paragraphe 6 de l'ADPIC relatif à la portée des mesures provisoires de protection des DPI que pourraient décidés les tribunaux nationaux alors que dans ses conclusions l'avocat général Tesauro avait clairement estimé n'avoir à nourrir aucun doute quant à cette qualité de cette disposition suffisamment claire, précise et non conditionnée par l'adoption d'un acte ultérieure (voir ici le point 36 et l'ensemble de sa démonstration aux points 22 à 37). [...]
[...] I-08395, cons Id., voir également C.J.C.E., arrêt Fediol/Commission juin 1989, affaire 70/87, Rec. C.J.C.E cons. 19-22 ; C.J.C.E., arrêt Nakajima mai 1991, affaire C-69/89, Rec. C.J.C.E I-2069, cons C.J.C.E., arrêt Parfums Christian Dior et consorts, cons C.J.C.E., arrêt Parfums Christian Dior et consorts, cons Cass mai 2001, Pas I R.W. 2002- : il ressort de l'article 1.1 de l'accord ADPIC que l'intention des États contractants n'était pas de régler l'octroi de droits subjectifs et l'imposition d'obligations à des personnes par la voie de l'accord Voir également jugement du Trib. corr. [...]
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