Le XXe siècle n'aura pas seulement été un siècle de conflits mais aussi un siècle rongé par des crimes perpétrés à grande échelle contre des populations civiles : massacre des Arméniens, horreur systématisée de la Shoah, exterminations massives au Cambodge, purification ethnique en ex-Yougoslavie, génocide rwandais…
Le vocabulaire des sociétés contemporaines en témoigne : des expressions et des termes nouveaux - «crimes contre l'humanité », «génocide »…l'ont sinistrement enrichi. La définition de ces crimes au cours du XXe siècle est allée de pair avec les actions engagées dans le but d'en punir les auteurs. Ainsi, les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ont été la première expression de cette exigence de justice même si leur caractère exceptionnel a restreint leur portée au-delà du contexte et des circonstances dans lesquels ils avaient été institués.
Cependant, l'idée de créer une juridiction indépendante et permanente avait vu le jour dans les années 20; des projets avaient été élaborés puis abandonnés. La guerre froide et les réticences des Etats ont continué, après la seconde guerre mondiale, à freiner ce processus. Deux phénomènes ont contribué, après la fin de l'antagonisme est-ouest, à la réémergence de l'idée de justice pénale internationale. D'une part, les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda ont conduit à la mise en place de nouvelles juridictions indépendantes dans le cadre des Nations unies, les Tribunaux pénaux internationaux. Des juridictions d'Etats européens se sont engagées d'autre part dans la poursuite de responsables de crimes jusque là impunis, tel le général Pinochet.
Ces deux événements, et leur résonance dans l'opinion publique grâce aux médias et au travail des ONG, ont contribué à faire renaître l'idée de créer une juridiction permanente indépendante des Etats; la conférence de Rome, qui s'est tenue du 15 juin au 17 juillet 1998, a donné naissance à une nouvelle instance, la Cour pénale internationale.
A l'issue de ce qui fut le siècle de l'histoire humaine le plus sanglant, la communauté internationale a adopté un traité créant la première cour pénale internationale au monde qui soit indépendante et permanente. Cette cour devient actuellement réalité. La Cour Pénale Internationale (CPI) sera en mesure d'enquêter sur des individus accusés de crimes contre l'humanité, de génocide et de crimes de guerre et de les traduire en justice. La CPI sera un complément aux systèmes judiciaires nationaux existants et n'interviendra que si les cours nationales ne veulent ou ne peuvent enquêter sur de tels crimes ou traduire leurs auteurs en justice.
Cette institution, qui a vu le jour le 11 avril 2002 lorsque le soixantième Etat a ratifié le statut de Rome, n'est pas exempte de toute critique; la justice pénale internationale rendue à l'échelle des Etats ou au sein des Tribunaux internationaux ne l'est pas non plus.
La CPI résistera-t-elle à la conception « Westphalienne » du droit international qui veut que ce dernier ait été conçu par et pour des Etats souverains ?
La réponse à cette question passe par l'étude des conditions historiques de formation de la Cour pénale internationale (I), avant d'examiner la conciliation opérée par le statut de la CPI (II).
[...] ) il résulte du statut que la Cour pénale internationale pourrait être valablement saisie du seul fait de l'application d'une loi d'amnistie ou des règles internes en matière de prescription ( . ) et que " ( . ) la France, en dehors de tout manque de volonté ou d'indisponibilité de l'Etat, pourrait être conduite à arrêter et à remettre à la cour une personne à raison de faits couverts, selon la loi française, par l'amnistie ou la prescription ; qu'il serait, dans ces conditions, porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale Même si le Conseil constitutionnel entend ainsi marquer strictement, comme c'est son rôle, les contours de la souveraineté nationale, l'hypothèse d'une amnistie, par la France, de crimes relevant de la compétence de la Cour par leur caractère particulièrement odieux demeure hautement théorique. [...]
[...] L'arrêt Akeyesu du TPIR, en 1998, est la première déclaration de culpabilité par un tribunal international pour le crime de génocide même le Tribunal de Nuremberg n'a pas prononcé un tel arrêt. Il n'existait aux Nations Unies aucun précédent pour créer et administrer le bureau d'un procureur de la poursuite international. À la différence de l'équipe de procureurs mise sur pied pour le procès de Nuremberg, les procureurs du TPIY et du TPIR ne sont pas des équipes nationales distinctes d'avocats militaires partageant des hypothèses sur des questions juridiques et procédurales. [...]
[...] Ces conventions représentent de grands progrès en droit international. Il est très important de souligner que la Convention de La Haye IV fait référence, pour la première fois, à la responsabilité en cas de violations du droit international. Même si elle n'établit pas la responsabilité pénale personnelle et ne fait qu'énoncer des obligations, cette convention constitue la première ébauche de l'émergence d'une volonté d'appliquer des normes internationales qui jusqu'alors, depuis au moins le Traité de Westphalie conclu en 1648, avaient toujours été soumises à la doctrine de la souveraineté des États. [...]
[...] La création d'une instance judiciaire internationale a toujours été confrontée à cette difficulté. La Cour internationale de justice elle-même, organe judiciaire de l'ONU, en est un premier exemple : elle ne peut concerner que les Etats qui ont accepté sa création et sa juridiction, sachant qu'une soixantaine d'entre eux -dont la France et les Etats-Unis ont, par déclaration, précisé qu'ils n'acceptaient plus a priori -après des décisions de la Cour qu'ils avaient contestées-, sa juridiction obligatoire . La Cour pénale internationale reflète cette contradiction, tant par certaines dispositions de son statut que par les conditions qui ont entouré sa négociation. [...]
[...] Trois textes, de portée bien différente, étaient à la disposition des négociateurs de Rome : - le Statut de Nuremberg qui, dans son article 6 définit les crimes contre la paix comme " la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent - la définition de l'agression annexée à la résolution 3314 de l'Assemblée générale des Nations unies en date du 14 décembre 1974. Elle a été adoptée par consensus mais n'a pas de valeur normative. Elle ne donne au demeurant qu'une définition très vague qui relève de l'évidence : " l'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies . [...]
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