« La mise de la guerre « hors la loi », entreprise une première fois sans succès dans l'entre deux guerres sur la base du pacte Briand-Kellog, a en principe été consolidée par l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales, affirmée à l'article 2 paragraphe 4 de la Charte de l'Organisation des Nations Unies, pour se voir plus tard, en 1986, reconnaître par la Cour Internationale de Justice une valeur coutumière générale, dépassant même le cadre de la Charte ».
Pierre-Marie Dupuy, Droit International Public (« Conflit », page 6).
Les Etats-Unis, étant intervenu militairement sur le territoire du Nicaragua au début des années 1980 (1983, 1984), celui-ci a saisi la Cour Internationale de Justice. La Cour a été en effet amenée à se prononcer sur les agissements des Etats-Unis qui, à l'encontre du Nicaragua, ont utilisé la force, sont intervenus dans ses affaires intérieures, ont enfreint la liberté des mers, ont interrompu le commerce maritime pacifique et ont blessés et enlevé des citoyens Nicaraguayens.
Les Etats-Unis, à l'appui de leur défense, ont justifié ces atteintes à la souveraineté du Nicaragua au motif qu'ils disposaient d'un droit de légitime défense ainsi que d'un droit de prendre des contre-mesures impliquant l'usage de la force en riposte à une éventuelle intervention du Nicaragua au Salvador.
Ainsi, les questions de l'effectivité et de l'efficacité des principes protecteurs de la souveraineté étatique se posent alors avec acuité ce qui renvoie au problème plus général de l'adaptation du système de sécurité collective prévu par la Charte des Nations Unies, ainsi qu'aux règles coutumières en la matière, aux situations conflictuelles. Dès lors, la valeur juridique des principes d'interdiction du recours à la force, de non intervention et du respect de la souveraineté des Etats n'est-elle pas contestée dans ses fondements par l'apparition de pratiques tendant à légitimer le recours à la force ?
L'apport de cet arrêt est double : d'une part la position de la Cour Internationale de Justice constitue un affermissement de son indépendance par rapport aux Etats occidentaux et d'autre part elle définit les implications du respect du principe de la souveraineté des Etats. S'appuyant, à propos du principe de l'interdiction du recours à la force, sur l'opinion respective de l'une et l'autre partie mais aussi sur les travaux de la Commission du Droit International, la Cour Internationale de Justice elle-même, dans cet arrêt, semble avoir avalisé la distinction entre, d'une part, les « principes fondamentaux » ou « essentiels » du droit international et, d'autre part, la coutume générale. C'est ainsi qu'elle condamne les moyens employés par les Etats-Unis, condamnation fondée sur la violation de ses obligations expresses en vertu de Chartes et de traités à l'égard du Nicaragua ainsi que du droit international coutumier.
Il apparaît alors que les Etats sont tenus, en vertu des principes susvisés, de respecter la souveraineté des autres Etats (A) et que le Droit International, par la voie de la Cour, notamment, mais aussi de la Charte les Nations Unies, affiche la ferme volonté de limiter le recours à la force (B).
[...] En revanche, s'il ne fait aucun doute que l'intervention armée est interdite par le droit international contemporain, le seuil de la contrainte tolérable, inhérente aux relations entre entités inégales en fait, demeure indécis. La Cour a ainsi estimé que l'appui fourni par les Etats-Unis, jusqu'à la fin septembre 1984, aux activités militaires et paramilitaires des contras au Nicaragua, sous forme de soutien financier, d'entraînement, de fournitures d'armes, de renseignements et de soutien logistique constitue une violation indubitable du principe de non intervention II/La limitation du recours à la force par le Droit International La limitation du recours à la force par le droit dans le système des Nations Unies est marquée par une certaine cohérence, étant organisée à un double niveau : le principe d'interdiction du recours à la force revêt un caractère fondamental (A') et les exceptions relatives au recours à la force sont strictement définies (B'). [...]
[...] La condamnation de l'intervention a été exprimée en termes particulièrement énergiques par la CIJ, dans l'affaire du Détroit de Corfou : Le prétendu droit d'intervention ne peut être envisagé par la Cour que comme une manifestation d'une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne sauraient, quelque soient les déficiences présentes de l'organisation internationale, trouver aucune place dans le Droit international (arrêt du 9 avril 1949). En l'espèce, le gouvernement britannique avait procédé d'autorité au déminage du chenal navigable, dans le but de saisir des éléments de preuve de la culpabilité de l'Albanie, ce qui l'apparentait à une intervention armée. En effet, si le principe est solidement ancré dans le droit positif, sa portée demeure incertaine, aussi bien en ce qui concerne l'objet que les modalités de l'intervention prohibée. [...]
[...] Dans son arrêt relatif aux activités militaires (Nicaragua contre Etats- Unis), la CIJ, sans prétendre donner une définition générale du principe de non intervention, a cependant fourni d'importantes précisions sur ses éléments constitutifs : D'après les formulations généralement acceptées, ce principe interdit à tout Etat ou groupes d'Etats d'intervenir directement ou indirectement dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat L'intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d'entre eux de se décider librement. Il en est ainsi du choix du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des relations extérieures. L'intervention est illicite lorsqu'à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elle utilise des moyens de contrainte Ce passage met en évidence le caractère fondamental de l'intervention prohibée : elle comporte un élément de contrainte. Il en résulte en particulier que de simples critiques verbales ou des offres de négociations n'entrent pas dans cette catégorie. [...]
[...] On a pu pendant un temps considérer que l'interdiction du recours à la force, en particulier, ne s'imposait véritablement qu'aux Etats membres de l'ONU, à titre d'obligation conventionnelle. La Cour Internationale de Justice a eu cependant l'occasion d'indiquer clairement en 1986, dans l'affaire des activités militaires au Nicaragua, que le principe du non emploi de la force peut être considéré comme un principe de droit international coutumier, non conditionné par les dispositions relatives à la sécurité collective la conviction juridique ou opinio juris des Etats s'étant dégagée à son égard indépendamment du jeu même des normes et des institutions établies par la Charte. [...]
[...] Ainsi, l'argument selon lequel l'attaque armée des Etats-Unis contre l'Irak ne serait pas illégal dans la mesure où elle ne remettait pas en cause l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de cet Etat, mais à rétablir la démocratie et le respect des droits de l'homme, doit être, à notre sens, catégoriquement rejeté. Ce principe d'interdiction du recours à la force fait d'ailleurs l'objet d'une application récurrente. Ce principe est constamment réaffirmé aussi bien par les organes onusiens que par les Etats. [...]
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