Le droit issu de l'Organisation mondiale du commerce est-il invocable par le particulier qui voudrait judiciairement objecter à l'application d'une législation nationale ou régionale contraire ? Cette question est à nouveau posée à la Cour de justice des Communautés européennes, dans une affaire pendante (Merck Genéricos c/ Merck, 23 janv. 2007) ; et les précédents jurisprudentiels devraient pousser à y répondre par la négative.
Dans la présente hypothèse, c'est à l'occasion d'un contentieux de contrefaçon de brevet introduit devant les juridictions espagnoles que fut invoquée la contrariété du droit interne espagnol, prévoyant une déchéance du titre de propriété quinze ans après sa délivrance, à l'article 33 de l'accord ADPIC, selon lequel « la durée de protection offerte ne prendra pas fin avant l'expiration d'une période de 20 ans à compter de la date de dépôt ». La Cour suprême espagnole aurait voulu appliquer directement ce texte à raison de sa primauté sur le droit interne et de son caractère auto-exécutoire. Mais elle a cru devoir surseoir à statuer, en vertu de l'article 234 du Traité CE, à raison d'une interprétation contraire antérieurement donnée par la Cour de justice, qui avait jugé que l'accord ADPIC était dépourvu d'effet direct dans le champ du droit communautaire de la propriété intellectuelle (CJCE 16 juin 1998, Hermès International). La difficulté juridique était ici d'ordre institutionnel ; elle était relative à la répartition complexe des pouvoirs nationaux et communautaires, s'agissant de l'interprétation et donc de l'exécution des « accords mixtes », ceux des traités qui sont parallèlement souscrits par la Communauté et les Etats membres.
[...] Non sans une pointe de paradoxe, cette appréciation a été censurée par un arrêt dont on croit pourtant comprendre qu'il conforte le quasi-effacement de la présomption du paragraphe 2. La Haute juridiction commence, en effet, par énoncer qu'en application de l'article paragraphe le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits et qu'il résulte de la combinaison des paragraphes 2 et 5 que, pour déterminer la loi la plus appropriée, le juge saisi doit procéder à une comparaison des liens existant entre le contrat et, d'une part, le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle, et, d'autre part, l'autre pays en cause, et rechercher celui avec lequel il présente les liens les plus étroits Pour motiver la cassation, la cour poursuit en reprochant aux juges d'appel de n'avoir pas exposé les éléments du premier terme de la comparaison à laquelle il lui appartenait de procéder entre les attaches avec la loi allemande [ . [...]
[...] Les juges avaient également considéré que la loi française sur le crédit à la consommation n'était pas justiciable de la qualification de loi de police au sens de l'article 7 de la Convention. Le second volet de cette motivation a été censuré par la Cour de cassation. Visant ledit article 7 et l'article L. 311-37 du code de la consommation, l'arrêt enseigne que selon le second de ces textes d'application impérative au sens du premier, le tribunal d'instance est seul compétent en matière de crédit à la consommation quelle que soit la loi applicable Bibliographie V. Isaac et Blanquet, Droit général de l'Union européenne Sirey V. [...]
[...] A ce point de vue, il n'est pas bon de confier un rôle central à la montre molle de l'article paragraphe 5. Ensuite, le grief adressé aux juges du second degré peut apparaître étrange. Ceux-ci avaient semble-t-il fait état de ce que le siège du commissionnaire de transport était situé en Allemagne, et la comparaison entre les attaches du contrat avec chacune des deux lois était sans doute bien présente dans leur raisonnement, au moins de manière implicite : en relevant les points de contacts avec l'Allemagne (siège du débiteur de la prestation caractéristique, organisation de la seconde phase de transport) et la France (destination et exécution partielle du transport, lieu de livraison), pour affirmer la prépondérance des premiers, la cour d'appel ne s'était-elle pas acquittée de sa tâche ? [...]
[...] Analysée globalement cette pratique correspond, au regard du droit des sociétés, à ces montages purement artificiels poursuivis au plan fiscal ; et il n'est pas moins de motif de lutter contre ces contournements, si bien que la lutte contre la fraude, de la part des Etats concernés, devrait être aussi admise comme motif de justification de l'entrave à la libre circulation des sociétés. Le temps semble donc venu de réhabiliter, en droit des sociétés et ailleurs, cette jurisprudence initiale de la Cour de justice, selon laquelle un Etat peut valablement lutter contre les stratégies de contournement de son droit, lorsqu'un opérateur s'établit à l'étranger alors que toute son activité est dirigée vers cet Etat (CJCE 3 déc Van Binsbergen). [...]
[...] Cette liberté permet certes de constituer librement une société à l'étranger pour s'insérer dans le marché économique du pays et, éventuellement, se déployer ultérieurement ailleurs en Europe. Elle ne devrait pas en revanche permettre, en faisant fictivement deux usages successifs de la liberté d'établissement, de constituer, à l'aller, une coquille vide avantageuse de droit étranger, pour sitôt invoquer, au retour, le déploiement de cette coquille sur le seul marché du pays de départ. Des deux usages successifs de la liberté d'établissement, le premier - celui de l'aller - apparaît abusif au regard du second - celui du retour - qu'il a pour seul but de permettre. [...]
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