L'incertitude sur le tracé des frontières est la source d'un contentieux international important : il s'agit d'un problème de souveraineté extrêmement sensible, dont l'enjeu concret est fondamental puisque c'est l'extension de la souveraineté territoriale de l'Etat qui est en cause.
En l'espèce, le Bénin et le Niger, anciennes colonies françaises, qui connaissent un différend frontalier depuis leurs indépendances (respectivement le 1 et le 3 aout 1960), ont soumis à la Cour un litige concernant « la délimitation définitive de l'ensemble de leur frontière ». Cette saisine résulte de l'échec d'un long processus de règlement pacifique du conflit frontalier. En effet, la commission mixte paritaire pour la délimitation de leur frontière commune, n'est pas parvenue à un accord entre les parties.
Il s'agit ici d'étudier dans quelle mesure, l'uti possidetis juris intervient-il dans la détermination de la frontière litigieuse ?
[...] Du coup, la cour a dû prendre en compte la dimension temporelle du principe. Ainsi, elle juge que le tracé de la frontière doit être établi, conformément au principe de l'uti possidetis, par référence à la situation physique à laquelle le droit colonial français s'est appliqué, telle qu'elle existait à la date des indépendances Mais les conséquences de ce tracé doivent cependant s'apprécier par rapport aux réalités physiques contemporaines Par conséquent, la cour accepte de recevoir des documents et cartes postérieurs à la date critique. [...]
[...] La dimension matérielle du principe et sa preuve : l'existence d'un titre J. de Pinho Campinos définit l'uti possidetis comme le principe selon lequel doivent être respectées et maintenues en l'état des frontières coloniales héritées, au moment de leur indépendance, par les nouveaux États Ainsi, la cour rappelle que le principe vise, avant tout, à assurer le respect des limites territoriales au moment de l'accession à l'indépendance, y compris des anciennes délimitations administratives établies pendant l'époque coloniale et devenue frontières internationales Originellement appliqué de manière régionale aux litiges frontaliers d'Amérique du Sud, l'uti possidetis est aujourd'hui incontestablement un principe général pour les territoires anciennement dépendants. [...]
[...] La cour doit donc recherchée quelle la frontière héritée de l'administration française. B. Le droit colonial La chambre rappelle que le droit colonial, en tant que droit interne, doit être considéré comme un fait et utilisé à titre de preuve du legs colonial. On doit donc procéder à son étude afin de déterminer si le pouvoir de créer des colonies et des subdivisions administratives emportait celui de fixer l'étendue et la délimitation territoriale. La cour détermine quelles autorités sont susceptibles d'être compétentes en matière de délimitation territoriale : la création et la suppression des colonies relèvent de l'autorité métropolitaine, la compétence de créer les subdivisions territoriales dans une même colonie appartient à l'autorité de l'AOF jusqu'en 1957 puis est transférer aux institutions représentatives locales Le gouverneur général reçoit la compétence pour déterminer les circonscriptions administratives dans chacune des colonies, notamment les cercles et les lieutenants-gouverneurs conservent la faculté de créer les subdivisions territoriales à l'intérieur des cercles Il est souvent difficile de déterminer sur la base du droit colonial quel est celui des deux États ayant hérité d'un titre territorial indiscutable. [...]
[...] Le principe de l'uti possidetis ayant pour effet de geler le titre territorial, la prise en considération postérieure à la date des indépendances, ne saurait conduire à une quelconque modification de l'instantané territorial» à la date critique, sauf bien entendu, dans l'hypothèse ou semblables documents exprimeraient clairement l'accord des parties à une telle fin. B. Le poids des effectivités et leur valeur juridique : une affaire d'espèce En l'absence d'un titre conventionnel ou législatif où si les informations fournies sont trop générales ou ambiguës, les juges déterminent le tracé des frontières contestées en combinant les éléments de preuves apportés par les parties, qui prouvent l'exercice respectif d'une autorité effective sur les parcelles litigieuses (les fameuses effectivités Ainsi, la cour les définit comme la façon dont les autorités administratives françaises avaient non seulement réparti, mais surtout fait effectivement exercer les compétences de gestion des territoires contestés entre les différentes circonscriptions Aussi, elle accepte conformément à ce qu'avait indiqué la chambre chargée de résoudre le différend frontalier, terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/ Honduras) en 1986 qu'il peut être tenu compte, dans certains cas, d'éléments de preuve documentaires qui découlent d'effectivités postérieures à l'indépendance quand ces éléments apportent des précisions sur la frontière de l'uti possidetis , à condition qu'il existe une relation entre les effectivités en cause et la détermination de cette frontière En l'espèce, la cour se basera finalement sur une lettre du commandant et administrateurs adjoints du secteur Niger datant de juillet 1914 consacrant le chenil navigable comme critère déterminant puisque les parties l'ont respecté. [...]
[...] Il s'agit ici d'étudier dans quelle mesure, l'uti possidetis juris intervient-il dans la détermination de la frontière litigieuse ? Si la cour choisit d'appliquer le principe de l'uti possidetis juris pour déterminer l'appartenance des îles de la zone du fleuve Niger elle doit cependant prendre en compte les effectivités coloniales en raison de l'imprécision des titres juridiques invoqués respectivement par le Bénin et le Niger (II). I. L'application du principe de l'uti possidetis juris La cour fonde sa décision sur le principe de l'uti possidetis dont elle fait une application matérielle et doit pour ce faire, étudier le droit colonial de l'époque A. [...]
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