En 1998 et 1999, deux ressortissants ouzbeks (Messieurs Rustam Mamatkulov et Azkarov Abdurasulovic) sont arrêtés en Turquie. Membres d'un parti de l'opposition en Ouzbékistan, ils sont suspectés d'avoir commis des homicides et voulu organiser un attentat terroriste. L'Ouzbékistan demande à la Turquie leur extradition, en vertu d'un Traité bilatéral entre les deux Etats, signé en 1997. Les 11 et 12 mars 1999, les deux requérants saisissent la Cour européenne des droits de l'homme (en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des Libertés fondamentales), alléguant une violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture) de la Convention s'ils étaient extradés, compte tenu de leur statut d'opposants politiques. Le 18 mars, la Chambre chargée de l'affaire décide d'une mesure provisoire, en vertu de l'article 39 de son règlement, afin d'indiquer aux autorités turques, qu'il serait souhaitable de ne pas extrader les requérants vers l'Ouzbékistan, avant que la Cour ait examiné l'affaire. La Turquie ayant pris un décret d'extradition le 19 mars, la Chambre proroge la mesure provisoire jusqu'à nouvel ordre. En dépit de cela, les requérants sont extradés en Ouzbékistan le 27 mars 1999. Ils sont jugés en Ouzbékistan et condamnés à des peines d'emprisonnement, sans avoir pu, à aucun moment de la procédure, entrer en contact avec leurs avocats (...). il s'agit de montrer en quoi le non-respect des mesures provisoires constitue un obstacle au maintient de l'effectivité du règlement pacifique des différents (donc une faiblesse du droit international), et ainsi, de justifier de la nécessité de l'observation de telles mesures. Dans le cas étudié, les juges s'attachent donc se positionner sur l'obligatoriété des mesures provisoires. Rappelons ici que c'est l'article 39 du règlement de la Cour qui lui permet d'user de telles mesures, un règlement qui n'a pas été signé par les Etats membres, et dont le statut juridique n'est pas fixé dans la Convention. Pour répondre à cette problématique, les juges ont construit leur raisonnement autour de deux axes. Tout d'abord, la Cour va puiser dans le droit international général pour justifier le caractère obligatoire des mesures conservatoires (I). Puis, elle s'attache à démontrer en quoi l'observation de telles mesures est une condition au respect du droit de recours individuel, qui apparaît alors comme une garantie de l'effectivité du règlement pacifique des différends (II).
[...] En effet, le recours individuel favorise la saisie par les individus d'institutions juridictionnelles ; le mode juridictionnel est en effet un des modes (avec le mode diplomatique) de règlement pacifique des différends. D'ailleurs, avec la pratique, le droit de recours individuel s'est vu reconnaître un rôle capital dans la réalisation des buts de la Convention européenne des droits de l'homme. Une mise en valeur formalisée par la mise en place du protocole 11. Ainsi, cette reconnaissance du droit d'action de l'individu au plan supranational doit être suivie du respect de toutes les mesures prises à cet égard. [...]
[...] Pour répondre à cette problématique, les juges ont construit leur raisonnement autour de deux axes. Tout d'abord, la Cour va puiser dans le droit international général pour justifier le caractère obligatoire des mesures conservatoires Puis, elle s'attache à démontrer en quoi l'observation de telles mesures est une condition au respect du droit de recours individuel, qui apparaît alors comme une garantie de l'effectivité du règlement pacifique des différends (II). Justification du caractère obligatoire des mesures provisoires par le recours au droit international général 1 Le vide textuel de la Convention européenne des droits de l'homme concernant les mesures provisoires appelle à une référence à la Convention de Vienne de 1969 La Cour reconnaît qu'il y a un vide dans la Convention européenne des droits de l'homme concernant la portée des mesures provisoires (paragraphe 97) : rien dans le texte ne permet de leur attribuer un caractère obligatoire (comme l'ont confirmé les décisions antérieures de la Cour dans les affaires Cruz Varas et autres, et Conka et autres c. [...]
[...] Peut-on conclure à la généralisation du caractère obligatoire des mesures provisoires ? Aux paragraphes 109 et 111, la Cour conclut donc de ce qui précède que le non-respect de la mesure provisoire qu'elle avait indiquée en vertu de l'article 39 de son règlement est à l'origine de la violation par la Turquie de l'art de la Convention ; cette violation constitue en outre une atteinte à l'effectivité de la décision finale de la Cour. Cependant, à la lecture de l'arrêt, on peut se demander si la Cour s'est contentée de se prononcer sur le cas étudié, ou si elle a voulu donner un caractère général à sa décision. [...]
[...] Cour EDH, Affaire Mamatkulov et Abdurasulovic c. Turquie février 2003 En 1998 et 1999, deux ressortissants ouzbeks (Messieurs Rustam Mamatkulov et Azkarov Abdurasulovic) sont arrêtés en Turquie. Membres d'un parti de l'opposition en Ouzbékistan, ils sont suspectés d'avoir commis des homicides et voulu organiser un attentat terroriste. L'Ouzbékistan demande à la Turquie leur extradition, en vertu d'un Traité bilatéral entre les deux Etats, signé en 1997. Les 11 et 12 mars 1999, les deux requérants saisissent la Cour européenne des droits de l'homme (en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des Libertés fondamentales), alléguant une violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture) de la Convention s'ils étaient extradés, compte tenu de leur statut d'opposants politiques. [...]
[...] Le gouvernement turc, en réponse, invoquait l'affaire Cruz Varas et autres, pour déduire la non-obligation de se conformer à la mesure provisoire de la Cour. Un commentaire pertinent de cet arrêt devra vraisemblablement se concentrer sur l'invocation de ce dernier grief. C'est la position de la Cour concernant la violation de l'art par la Turquie, qui a une portée essentielle, en ce qu'elle soulève la question de l'obligatoriété des mesures provisoires ; question centrale dans l'étude de l'effectivité du règlement pacifique des différends. [...]
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