L'un des principes phares du droit international de la mer est celui de la liberté de la haute mer, illustré notamment par le célèbre ouvrage de Grotius, Mare liberum. Selon l'auteur, nul ne possède de droit privatif et exclusif sur les mers, proposition qui trouve sa justification dans le fait que le commerce entre nations est une liberté inattaquable. La haute mer est une res nullius qui ne souffre en théorie aucune emprise de souveraineté. Par conséquent, l'Etat côtier ne peut intervenir en haute mer contre un navire ne battant pas son pavillon.
L'article 2 de la Convention de Genève sur la haute mer du 29 avril 1958 rappelle que « la haute mer est ouverte à toutes les nations ». L'article 89 de la Convention de Montego Bay réaffirme ce principe et invalide toute revendication de souveraineté sur la haute mer, ce dont découle la compétence exclusive de l'Etat du pavillon pour les navires se trouvant en haute mer : c'est la loi du pavillon (article 92 CMB).
La convention de Montego Bay énumère certaines situations permettant des dérogations au principe de la liberté de la haute mer : la piraterie, la traite des esclaves, le trafic de stupéfiants, le droit de poursuite pour une infraction commise dans la zone de juridiction de l'Etat côtier. En dehors de ces cas exceptionnels, l'exclusivité du pavillon reste le principe.
Avec l'accident du Torrey Canyon de 1967, on a ensuite pris conscience de la nécessité de protéger la mer contre les accidents des navires transportant des hydrocarbures. C'est dans cette optique qu'une nouvelle compétence fonctionnelle va être attribuée à l'Etat côtier par la Convention de Bruxelles sur l'intervention en haute mer. Il s'agit de lui reconnaitre une compétence spécifique afin de réaliser l'objectif qui lui est assigné par l'ordre international. Selon le Préambule de la Convention il est devenu primordial de protéger les intérêts de la population des états côtiers contre les graves conséquences d'un accident de mer.
Concernant la législation antérieure, la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer avait prévu un article pour lutter contre la pollution des hydrocarbures, mais le principe de la liberté de la haute mer y était largement défendu. Quant à la Convention internationale pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures du 12 mai 1954, elle était limitée aux pollutions intentionnelles d'hydrocarbures puisqu'elle ne s'appliquait pas lorsque le déversement d'hydrocarbures provenait d'une avarie ou d'une fuite impossible à éviter, si toutes les précautions raisonnables avaient été prises après l'avarie ou la découverte de la fuite pour empêcher ou réduire le déversement. Cette convention n'avait donc pas pu s'appliquer pour l'accident du Torrey Canyon.
La Convention internationale sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures a été signée le 29 novembre 1969. Elle a été ratifiée par 82 États et est entrée en vigueur le 6 mai 1975. Elle reconnait la nécessité de réglementer l'exercice du droit de prendre des mesures efficaces pour prévenir, atténuer ou éliminer le danger de pollution des milieux marins par matières polluantes à la suite d'un accident.
[...] Elle se contente de mesures nécessaires ce qui implique que l'Etat peut prendre toute mesure de contrainte telle qu'arraisonner, dérouter ou bombarder un navire. Un risque d'interprétation subjective de la part de l'état côtier est donc à prévoir. Toutefois, malgré cette latitude peut- être regrettable qui est laissée à l'Etat côtier, des conditions strictes sont imposées quant à la mise en œuvre de ce droit. Tout d'abord, la convention ne s'applique qu'en cas d'accident de mer strictement défini : l'expression «accident de mer s'entend d'un abordage, échouement ou autre incident de navigation ou autre événement survenu à bord ou à l'extérieur du navire qui aurait pour conséquence soit des dommages matériels, soit une menace immédiate de dommages matériels, dont pourrait être victime un navire ou sa cargaison Ensuite, aucune mesure ne sera prise à l'encontre des bâtiments de guerre ou d'autres navires appartenant à un Etat ou exploités par lui et affectés exclusivement à un service gouvernemental non commercial. [...]
[...] Le Torrey Canyon a commencé à se briser et une cellule de crise s'est tenue à la base aéronautique de Culdrose. Il fut décidé de mettre le feu au reste de la cargaison afin d'éviter que la pollution ne s'aggrave. Le mardi 28 mars 1967, l'armée de l'air envoie 42 bombes sur l'épave, suivies de jerricans de gasoil afin de former un gigantesque brasier sur les deux sections de l'épave. L'armée de l'air a ensuite envoyé du napalm afin d'allumer le pétrole jusqu'à ce que l'épave ne contienne plus du tout de pétrole. [...]
[...] En effet, on estime à près d'un million de tonnes l'ampleur annuelle des rejets d'hydrocarbures dans la mer, dont sont imputables aux "accidents" pétroliers en haute mer. La catastrophe du Torrey Canyon[9] va sensibiliser l'opinion publique sur la gravité du problème de la pollution (Serge Gainsbourg a ainsi écrit en 1968 une chanson portant pour titre le nom du navire[10]) et va mettre en évidence la nécessité pour l'Etat côtier concerné de pouvoir intervenir au- delà des zones soumises à sa souveraineté. [...]
[...] L'article L218-72 du Code de l'Environnement figurant à la Section intitulée Mesures de police maritime d'urgence constitue la pierre de touche en droit interne de la lutte contre les pollutions accidentelles. Selon lui l'Etat côtier bénéficie d'une faculté d'intervention étendue en cas d'avarie ou d'accident de mer survenu à tout navire, aéronef, engins ou plates-formes transportant ou ayant à leur bord des substances nocives, dangereuses ou des hydrocarbures. Ce droit d'intervention de l'Etat s'exerce dans un premier temps par le biais d'une mise en demeure de l'armateur ou du propriétaire du navire de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à ce danger. [...]
[...] L'élargissement du droit d'intervention en haute mer Limité en 1969 au risque de marée noire, le droit d'intervention a été étendu par le Protocole de Londres du 2 novembre 1973 à des substances autres que les hydrocarbures. En droit interne, un décret du 24 septembre 1993 énumère de façon détaillée les nombreuses substances concernées. A la suite de l'accident de l'Amoco Cadiz, plusieurs Etats ont réclamé un élargissement du droit d'intervention en haute mer : la France a fait une proposition dès le 20 avril 1978, soit à peine un mois après l'accident de l'Amoco Cadiz Le 16 mars 1978, le pétrolier, qui transportait tonnes de brut, s'échoua sur les côtes de Portsall (Nord Finistère). [...]
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