Le développement du droit communautaire et sa nécessaire « cohabitation » avec les ordres juridiques des Etats membres conduisent aux incessantes tentatives d'approfondissement du dialogue des juges des juridictions communautaire et internes. Les rapports entre ces deux corps juridiques ont fait l'objet de l'examen par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004. Le Conseil a été saisi le 29 octobre 2004, date de la signature du Traité de Rome, par le Président Chirac demandant si la ratification du Traité devait être précédée d'une révision de la Constitution.
Le Traité a été officiellement dénommé le Traité établissant une Constitution pour l'Europe. Le texte constitue une certaine marque finale, en codifiant et réformant l'ensemble des dispositions communautaires mises en place depuis plus de cinquante ans. En même temps, on pourrait y voir une annonce réformatrice, dotant l'Union européenne de la personnalité juridique et lui conférant une « Constitution ».
La saisine immédiate du Conseil constitutionnel par le Chef de l'Etat n'est pas un hasard. Elle a permis d'éviter la saisine par les parlementaires hostiles au Traité qui pourraient alors soulever des points plus sensibles que le Président. C'est ainsi que le Conseil constitutionnel, avant le début de vifs débats sur la ratification du texte, a été amené à se prononcer sur le plan purement juridique. Il est intéressant à noter que le Conseil constitutionnel français était la première des Cours constitutionnelles européennes à se prononcer sur le Traité établissant une Constitution pour l'Europe.
La décision sur le Traité a été menée dans les conditions d'une grande diligence. Il a fallu au Conseil constitutionnel trois semaines pour examiner le texte qui lui avait été déféré, et cet examen a été conduit avec beaucoup de prudence. Valéry Giscard d'Estaing, bien que membre de plein droit du Conseil constitutionnel a choisi de se déporter, ayant présidé les travaux de la Commission chargée de rédiger le texte du Traité, même si juridiquement rien ne lui imposait de la faire.
La décision du 19 novembre 2004 du Conseil constitutionnel a été l'une des plus attendue. Elle se focalise sur les points très discutés, comme la nature même de l'Union européenne, les rapports entre l'Union et ses membres, le fondement de l'ordre juridique communautaire, et bien d'autres. La décision sur le Traité établissant une Constitution pour l'Europe ne saurait être analysée indépendamment de toute la jurisprudence qui l'a précédé, surtout la série de décisions de l'été 2004.
Le Conseil constitutionnel s'est voulu rassurant. Curieusement, il a déclaré conformes à la Constitution française, les dispositions les plus polémiques, en estimant que la révision constitutionnelle était nécessaire pour les points plus techniques, en ce qu'ils renforçaient les pouvoirs de l'Union.
Mais avec toute la diligence, tous les efforts de calmer les esprits en affirmant que l'essentiel étant préservé, le peuple français restait souverain et gardait ses valeurs traditionnelles, on peut se poser la question si la décision du Conseil constitutionnel n'était pas, in fine, imprudente.
Le Conseil consacre l'existence de l'ordre juridique communautaire et sa primauté par rapport à l'ordre juridique interne (1). Mais en considérant que cette primauté n'est pas absolue, le juge constitutionnel n'a fait que reporter les conflits, qu'il voulait tant éviter, sur le juge ordinaire (2).
[...] Cela revient à admettre un contrôle de constitutionnalité du droit communautaire dérivé, pourtant interdit depuis déjà une vingtaine d'années (CJCE octobre 1987, Foto Frost). Le Conseil constitutionnel pourrait déclarer la loi transposant une directive contraire à la Constitution et faire obstacle à l'application du droit communautaire (même si cet obstacle ne serait que provisoire). En respectant la stricte logique juridique, et en refusant d'accorder au principe de primauté une portée absolue, le Conseil constitutionnel a cru trouver une solution pour éviter les conflits. [...]
[...] Le Traité établissant une Constitution pour l'Europe inscrit, pour la première fois, de manière expresse le principe de primauté dans un texte (article I-6). Il réalise ainsi la codification tout à fait attendue du principe jurisprudentiel, et il lui confère la portée absolue, comme l'avait fait la Cour de justice. La primauté totale c'est la primauté de tout le droit de l'Union, et la primauté sur l'ensemble du droit national. La reconnaissance d'un fondement à la primauté par le Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel détermine un nouveau fondement au principe de la primauté du droit de l'Union sur le droit interne. [...]
[...] Elle fait référence aux contradictions pouvant générer des situations conflictuelles, même si la logique du Conseil constitutionnel lui permet de retarder leur apparition. Une conformité à la constitution à l'origine d'un conflit constitutionnel En considérant que l'article I-6 du Traité constitutionnel n'implique pas de révision de la Constitution le Conseil semble ne pas avoir pris en compte l'article 62 de la Constitution française. A premier abord, il n'y a aucune contradiction. Mais en vertu de cet article, le juge ordinaire est soumis au respect des décisions du Conseil constitutionnel. [...]
[...] Nous venons de développer le raisonnement du Conseil constitutionnel sur le champ d'application de la primauté (1.B). Le Conseil constitutionnel fait référence à l'article I-1 du Traité constitutionnel qui insiste sur le rôle de la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun et sur le transfert souverain des compétences à l'Union pour atteindre leurs objectifs communs Le Conseil rappelle ensuite l'article I-5 affirmant le respect par l'Union européenne de l'identité nationale des Etats membres inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles Le Conseil constitutionnel conclut ainsi qu'il résulte de la déclaration annexée au Traité que l'article I-6 ne confère pas au principe de primauté une portée autre que celle qui était antérieurement la sienne L'interprétation à la française du principe de primauté La jurisprudence de la Cour de justice entend faire obstacle aux dispositions constitutionnelles nationales contraires. [...]
[...] Commentaire du passage Sur le principe de la primauté du droit de l'Union européenne» Décision n°2004-505 du 19 novembre 2004 du Conseil constitutionnel Le développement du droit communautaire et sa nécessaire cohabitation avec les ordres juridiques des Etats membres conduisent aux incessantes tentatives d'approfondissement du dialogue des juges des juridictions communautaires et internes. Les rapports entre ces deux corps juridiques ont fait l'objet de l'examen par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004. Le Conseil a été saisi le 29 octobre 2004, date de la signature du Traité de Rome, par le Président Chirac demandant si la ratification du Traité devait être précédée d'une révision de la Constitution. [...]
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