Commentaire de la citation :
"En tout cas, il est indiscutable que les intuitions d'Ago ont permis de sortir de l'impasse où les maladresses "manoeuvrières" de Garcia Amador (plus que la faiblesse imputée à tort à ses rapports) avaient conduit le projet. Grâce à l'approche "secondaire" et générale retenue, les oppositions les plus voyantes entre les Etats (et entre les membres de la Commission) s'en sont trouvées occultées et l'examen du sujet a pu reprendre sur des bases plus prometteuses".
A. Pellet, "La codification du droit de la responsabilité. Tâtonnements et affrontements".
Max Huber, dans une Sentence de 1929 sur les intérêts britanniques au Maroc espagnol, énonçait comme principe essentiel que la responsabilité était le corollaire de tout droit, donc du droit international également. En effet, c'est sa sanction qui assure l'effectivité de sa fonction.
La possibilité de voir la responsabilité d'un Etat engagée au niveau international et d'après les règles du droit international, s'est ensuite affirmée face aux positions souverainistes. Le droit de la responsabilité internationale s'est développé de manière jurisprudentielle et coutumière et il fut acquis que responsabilité et souveraineté sont tout à fait conciliables.
Le rôle de la Commission de Droit International (CDI), organe subsidiaire de l'Organisation des Nations Unies créé par une résolution de son Assemblée générale (AG), est de mettre en œuvre des projets de codification du droit international. Il s'agit, lorsque l'AG le demande, de faciliter l'interprétation et l'application des coutumes et de la jurisprudence internationale, les préciser, ainsi que de les adapter à l'évolution historique et sociologique de la Communauté internationale et ainsi, faire évoluer le droit de manière pragmatique. C'est donc à elle qu'est revenu le rôle de codifier le droit international de la responsabilité. Les rapports n'ont pas de valeur normative, mais ils ont vocation à servir de modèles ou être directement repris dans des résolutions de l'AG ou dans des Conventions.
Le projet de codification du droit international de la responsabilité pour fait illicite fût pour la première fois à l'ordre du jour en 1955. Il n'aboutit qu'en 2001 et doit beaucoup aux cinq rapporteurs spéciaux qui se sont succédé à la CDI, étant donné que c'est eux qui effectuent la majeure partie du travail de codification. Le premier rapporteur chargé du projet fut un Cubain : Frederico Garcia Amador. Roberto Ago, un Italien lui a succédé. Riphagem et Arangio-Ruiz furent les suivants. C'est enfin l'Australien Crawford qui a permis à l'aboutissement du projet.
Le projet de Garcia Amador fut un échec. Par contre, celui de Roberto Ago constitue l'essentiel du projet actuel et est le fondement du travail de codification de ses successeurs.
Dans son article « La codification du droit de la responsabilité internationale. Tâtonnements et affrontements » publié dans les Mélanges Abi Saab en 2001, Alain Pellet, professeur de droit international public et auteur de nombreux textes, explique que les « intuitions » d'Ago lui ont permis de ne pas répéter les erreurs de Garcia Amador, celles-ci étant dues plus à des « maladresses » plus qu'à des « faiblesses ». En effet, le second rapporteur a réussi à écarter les « oppositions les plus voyantes entre les Etats » afin de pouvoir leur faire accepter un projet.
En quoi l'approche de Roberto Ago a-t-elle donc été plus perspicace et efficace que celle de son prédécesseur et l'a-t-elle ainsi mené à la réussite, là où ce dernier a échoué ?
Alors, il sera nécessaire de montrer comment Ago a su repérer les erreurs de Garcia Amador pour ne pas les répéter (I). Ensuite il faudra expliquer comment sa logique lui a permis d'aboutir à un projet réussi et beaucoup mieux accueilli par la Communauté internationale (II).
[...] Les représentants des Etats occidentaux réclamaient une forte protection de leurs ressortissants et de leurs biens sur les terres latino-américaines, où la situation politique était très instables ; de nombreux conflits armés dus à des soulèvements y avaient notamment lieu. Les Etats d'Amérique du Sud refusaient bien sûr une telle responsabilité. De plus, ces désaccords étaient présents même au sein de l'AG et de la CDI, qui regroupaient des représentants des deux régions du Monde concernées. C'est surtout à cause de ça que le projet s'est retrouvé coincé, dans une impasse comme précisé par Alain Pellet dans le texte étudié. Roberto Ago a trouvé la méthode à adopter face à une telle attitude des Etats. [...]
[...] Il critique Garcia Amador, en ce qu'il a fait un partage vertical et traité la responsabilité par secteur. Ainsi, Roberto Ago s'est proposé de travailler sur des règles communes à tous les domaines et donc, en se concentrant sur ce qui ne prêtait pas à controverse. Il a mis l'accent sur les règles de fond, de structure du droit de la responsabilité, qui devaient être les mêmes pour tous les domaines. En effet, le centrisme sur les règles secondaires lui a permis de mettre de côté les querelles, très idéologiques, sur les règles primaires. [...]
[...] Un projet avec des règles de base acceptées par la Communauté international Le projet consacre, entre autres et surtout, l'objectivisation de la responsabilité en droit international L'approche d'Ago fut essentielle et fondatrice pour tout le processus de codification du droit international de la responsabilité Des principes essentiels reconnus Certains auteurs ont considéré que Roberto Ago avait procédé à une reconceptualisaton du projet par rapport au travail de Garcia Amador. Il est essentiel d'examiner son approche de la question du dommage, du préjudice, dont Garcia Amador faisait une condition de la responsabilité. Alors, les Etats auraient pu violer le droit international sans en être tenus responsables, tant qu'un dommage n'aurait pas été démontré. L'approche d'Ago peut être qualifiée de révolutionnaire puisqu'il fait de la responsabilité la conséquence de la violation du droit, et non d'un préjudice. [...]
[...] Cette notion est apparue suite à l'évacuation, par Ago, du dommage comme condition de la responsabilité. La France, entre autres, y voyait une atteinte à la souveraineté étatique. En fait, le terme de la notion fut changé dans le projet de 2001 (cf. ci-dessous), mais l'idée est restée à peu près la même. D'autres critiquaient certaines précisions qu'ils considéraient comme inutiles comme par exemple la distinction entre l'obligation de moyen et celle de résultat, étant donné que leurs régimes ne différaient pas. [...]
[...] Il écarte la question du dommage ; la violation du droit doit suffire à engendrer la responsabilité. C'est une idée fondamentale de son projet de responsabilité pour fait internationalement illicite. L'évacuation du dommage fait du respect du droit une exigence en soi et ce, indépendamment des préjudices subis par les sujets du droit international. Cependant, même s'il lui est possible de faire adopter son projet, ce dernier n'a pas échappé à toute critique. Par exemple, les tenants d'une conception civiliste de la responsabilité défendue à l'époque entre autres par la France, se sont opposés à ses idées. [...]
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