Le 5 janvier 2005, dans son arrêt Deprez et Baillard, le Conseil d'Etat admettait explicitement la théorie du commissaire du gouvernement Frydman, rendue dans ses conclusions sous l'arrêt Nicolo. Lors d'un contrôle de conformité d'une loi à un traité (contrôle de conventionnalité), si le juge écarte la loi c'est parce qu'il considère que son opposition au traité la rend inapplicable. L'arrêt Deprez et Baillard rappelle tout d'abord que le contrôle de constitutionnalité des lois incombe à la Constitution mais que « cependant » (et tout est dans ce « cependant »), il bénéficie en vertu de l'article 55 de la Constitution d'une habilitation à contrôler la conformité de la loi aux traités internationaux.
La Constitution révisée du 23 juillet 2008 instaure un autre type de contrôle de par l'article 61-1 : la question préjudicielle d'inconstitutionnalité. Désormais, au cours d'une instance les parties pourront soutenir devant toutes les juridictions, cours d'assises exceptées, qu'une loi est inconstitutionnelle. Ici la concordance est marquée entre la question préjudicielle d'inconstitutionnalité et le contrôle de conventionalité, contrôle de conformité de la loi à la Constitution française dans le premier cas, aux engagements internationaux de la France dans le second.
Considérant la place qu'occupe désormais le droit international dans le droit interne, il convient donc de se demander si l'article 61-1 est véritablement utile, s'il n'instaure pas un contrôle de conformité des lois par voie d'exception déjà pratiquée depuis plusieurs années par la Cour de cassation et le Conseil d'État.
[...] Cependant, l'insertion massive du droit communautaire dans le droit interne des États membres a entraîné une progressive primauté, telle qu'affirmée par la CJCE en 1964, dans l'arrêt Costa vs Enel. La place du droit communautaire dans la hiérarchie interne se différencie du droit international, tel que résultant par exemple d'accords entrent la France et l'ONU. L'importance telle du droit international dans le droit interne français a rendu nécessaire un contrôle de conformité des lois aux traités ou accords internationaux. Par sa jurisprudence de 1975, relative à la loi IVG, le Conseil Constitutionnel refuse de vérifier lui-même cette harmonie. [...]
[...] L'article 61-1 est-il utile compte tenu de la place du droit international en France ? Le 5 janvier 2005, dans son arrêt Deprez et Baillard, le Conseil d'État admettait explicitement la théorie du commissaire du gouvernement Frydman, rendue dans ses conclusions sous l'arrêt Nicolo. Lors d'un contrôle de conformité d'une loi à un traité (contrôle de conventionalité), si le juge écarte la loi c'est parce qu'il considère que son opposition au traité la rend inapplicable. Pour Frydman, le juge ne limite ainsi pas uniquement la loi à une espèce, il la censure indirectement, ce qui est similaire au contrôle de validité des lois américaines, exercé par les juridictions ordinaires. [...]
[...] En France, on retrouve ce système de hiérarchie dans le droit interne résultant de la Constitution de 1958. La Constitution prévoit plusieurs moyens juridiques qui tendent à garantir la conformité des normes inférieures aux normes supérieures. L'importance accrue du droit international et le développement du droit communautaire bouleversent cette vision hiérarchique et le respect de celle- ci par le contrôle. Les traités, les conventions et les pactes internationaux sont des accords signés entre deux ou plusieurs États souverains. La Constitution française organise leur insertion dans le droit interne, de par un système moniste. [...]
[...] Le débat persiste, malgré les nombreux amendements à la loi organique se référant à l'article 61-1. Les points de contact entre droit constitutionnel et droit international sont nombreux lorsqu'il s'agit de contrôler la conformité aux normes supérieures. Si l'ordre de priorité choisi est vu comme un rééquilibrage constitutionnel, seul le recours, dans un futur proche, à l'article 61-1, pourra en attester l'utilité. Des pierres d'achoppement redoutées La première difficulté réside dans le niveau de concordance existant entre les droits et libertés garantis par la Constitution d'une part et établis par le droit international de l'autre. [...]
[...] La place du droit international pourrait peut-être faire évoluer le renvoi préjudiciel d'exceptionnalité. Seule l'utilisation du mécanisme de contrôle de constitutionnalité a posteriori pourra le confirmer. Cependant, l'ordre de priorité accordé à la Constitution se justifie par une volonté de rééquilibrage des institutions non négligeable. Un rééquilibrage du champ constitutionnel, dont la stabilité reste encore à confirmer En donnant une priorité au droit constitutionnel, on a cherché à assurer la priorité de la question de constitutionnalité sur la question de conventionalité. [...]
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