Signée en 1990, la Convention de New York relative aux droits de l'enfant a suscité beaucoup de débats doctrinaux et jurisprudentiels en France. Tous ces débats renvoyaient à la question de savoir si la convention était directement applicable dans l'ordre juridique interne, question qui revient à se demander si les justiciables pouvaient invoquer directement le bénéfice des dispositions de la Convention internationale devant les juridictions françaises. Autrement dit, ces derniers tirent-ils directement des droits de la Convention de New York ou ladite Convention n'a-t-elle que pour objet de créer des obligations à la charge des Etats signataires ?
Si pour la doctrine il ne fait aucun doute qu'en signant la Convention de New York les Etats parties avaient l'intention de créer dans le patrimoine juridique des individus un certain nombre de droits, la solution n'est pas apparue avec autant d'évidence en jurisprudence. En effet, de façon générale, les juridictions nationales ne reconnaissent l'application directe que des seules normes internationales dites « auto-exécutoires », c'est-à-dire ne nécessitant pour leur application aucune mesure nationale législative ou règlementaire. En d'autres termes, pour être directement applicable, la norme internationale doit se suffire à elle-même, ce qui n'est pas sans évoquer les critères de l'effet direct dégagés par la Cour de justice des Communautés européennes.
En ce qui concerne, plus précisément, l'applicabilité directe de la Convention de New York, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat français ont pendant longtemps adopté des solutions diamétralement opposées (I), jusqu'à ce qu'un revirement récent de la Haute juridiction judiciaire vienne mettre un terme à cette divergence (II).
[...] Limitant la portée à donner à la jurisprudence Cinar M. Murat avait toutefois précisé, dans une note sous arrêt, que cette solution jurisprudentielle n'avait vocation à intervenir que dans les cas où les autorités nationales disposaient d'une marge d'appréciation discrétionnaire pour faire valoir l' intérêt supérieur de l'enfant Quoi qu'il en soit, tandis que le Conseil d'Etat en était arrivé jusqu'à annuler un jugement national sur le fondement de l'article 3-1 de la Convention de New York, la Cour de cassation rejetait pour sa part toute possibilité d'invoquer ledit article devant les juridictions nationales. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, le revirement de jurisprudence amorcé en mai 2005 va être conforté par la Cour de cassation, à l'occasion d'une affaire très médiatisée relative au sort de la petite Charlotte Washington, fille d'un couple divorcé franco-américain. Dans l'arrêt du 14 juin 2005, la Cour de cassation décide de confier la garde de Charlotte à son père vivant aux Etats-Unis, en se fondant sur la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant consacré par l'article 3-1 de la convention de New York. La 1ère Chambre civile reconnaît ainsi explicitement l'applicabilité directe de cette disposition conventionnelle. [...]
[...] Bibliographie Textes juridiques - Articles 1 à 21 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant - Articles 338-1 à 338-9 du NCPC - Article 388-1 du Code civil Jurisprudence et notes sous arrêts - CE juillet 1996 ; Droit de la famille 1997, commentaire observations P. Murat - CE avril 1997 ; Dalloz 1998, p ccl° R. Abraham - CE septembre 1997 ; JCP G 1998, II note A. Gouttenoire- Cornut ; observations P. Murat, Revue générale des procédures 1998, p - Cass. [...]
[...] Dans cette affaire, la Cour de cassation a écarté l'application de la Convention de New York au motif que l'intéressé, âgé de plus de 18 ans, ne pouvait être considéré comme un enfant au sens de l'article 1 de cette Convention. Les auteurs remarquent à cet égard que la Chambre civile n'adopte pas la même position qu'auparavant en ce qu'elle ne se prononce pas sur la non applicabilité générale de la Convention de New York mais se contente de relever que le cas d'espèce n'entrait pas dans le champ matériel d'application de cette dernière. [...]
[...] Le Conseil d'Etat en l'espèce, considéré que la décision d'un préfet de renvoyer en Turquie un jeune enfant que sa mère avait illicitement fait entrer sur le territoire français était contraire à l'article 3-1 de la Convention de New York et que, partant, le jugement du tribunal administratif refusant de prononcer l'illégalité de la décision préfectorale devait être annulé. Le Conseil d'Etat admet donc que l'article 3-1 de la Convention de New York puisse être directement invoqué au soutien d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif pourtant conforme à l'ordre juridique interne. [...]
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