Dans les années 70, Illich Ramirez Sanchez, alias « Carlos », était considéré comme l'un des terroristes les plus dangereux dans le monde. Il a été condamné le 24 décembre 1997 à la réclusion criminelle à perpétuité pour un triple meurtre commis le 27 juin 1975 à Paris. Il fut mis en isolement prolongé durant huit ans et deux mois, depuis son incarcération à la prison de la Santé le 15 août 1994 jusqu'à son transfert à la centrale de Saint-Maur le 17 octobre 2002.
Le terroriste Vénézuélien, a saisi la cour européenne des droits de l'homme, et déposé une requête contre la France qu'il accuse de traitements inhumains dans le cadre de son maintien en isolement prolongé. Le 27 janvier 2005, les juges de Strasbourg n'avaient pas suivi Illich Ramirez Sanchez, qui soutenait que son maintient prolongé en isolement, du 15 août 1997 au 17 octobre 2002, a violé l'article 3 de la Convention européenne qui interdit les « traitements inhumains et dégradants ». La chambre avait conclu, par 4 voix contre 3 à la non-violation de cet article « compte tenu notamment de la personnalité et de la dangerosité hors norme » du requérant. Il avait en revanche obtenu l'unanimité des juges en janvier 2005 sur le deuxième volet de sa requête : ils avaient conclu à la violation de l'article 13 (droit à un recours effectif), estimant qu'il n'avait pas pu présenter un recours devant la justice française contre la décision de prolongation de son isolement. Celui-ci a ensuite demandé le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre.
Nous allons voir comment la cour européenne des droits de l'homme a rempli sa mission de protection et de contrôle des obligations relative aux droits de l'homme. En l'espèce, il s'agit d'étudier le rôle que peut jouer la durée prolongée de l'isolement sur les conditions de détention d'un prisonnier à haut risque, et notamment de constater si cela constitue ou non une violation de l'article 3 de la Convention interdisant les « traitements inhumains et dégradants ».
La jurisprudence européenne a étendu le champ d'application de l'article 3, c'est à dire, de l'interdiction des mauvais traitements. En effet, les juges européens ont très tôt dégagé un critère spécifique d'interprétation de l'article 3 : le seuil de gravité. Il est ainsi admis que pour tomber sous le coup de cet article, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité, étant entendu que l'appréciation de ce minimum ne peut être que relative. C'est ainsi que tout en déterminant le champ d'application de l'article 3, le juge peut déplacer le seuil minimum de déclenchement de l'article 3, en fonction de la menace qui pèse sur le corps social. Cependant par ce critère de l'appréciation relative, la Commission fixe le seuil de gravité du traitement inhumain à un niveau pratiquement infranchissable et procède à une appréciation restrictive du caractère total de l'isolement.
[...] Pourtant ; déjà le 23 mai 2001, le médecin responsable de l'Unité de consultation (UCSA) écrivit au Directeur de la prison de la Santé que même si le requérant présentait un état de santé physique et psychique correct, il est certain qu'un isolement strict de plus de 6 ans et 9 mois ne peut entraîner à terme que des conséquences néfastes au plan psychologique et qu'il était de son devoir de médecin de signaler la possibilité de ces conséquences Le 29 juillet 2002, un médecin responsable à la prison de la Santé déclara je ne suis pas compétent pour définir son état de santé psychologique Ensuite, à partir du 18 mars 2004, tous les certificats médicaux, malgré une certaine ambiguïté, sont concordants et évocateurs des risques pour la santé du requérant. A partir du moment où l'isolement provoque des conséquences néfastes sur la santé du détenu, ne peut-on pas parler de traitement dégradant ? [...]
[...] En l'occurrence, la Cour a observé que l'appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge, de l'état de santé de la victime, etc. (Arrêt Irlande c. Royaume-Uni, précité, p 162). Pour les peines, il convient de tenir compte notamment de la nature et du contexte de la peine ainsi que de ses modalités d'exécution (arrêt Tyrer, précité, p 30). A côté de ces données propres au traitement et à la victime, les organes de la Convention se réfèrent, tout au moins implicitement, au contexte sociopolitique de l'affaire. [...]
[...] C'est ainsi que dans l'affaire Krocher et Mollër, deux dangereux terroristes allemands avaient été séparés dans deux cellules d'une prison suisse, qui se trouvaient à un étage n'abritant aucun autre détenu et ne comportaient aucune ouverture sur l'extérieur. Les deux détenus avaient été soumis à un éclairage artificiel constant et à la surveillance permanente par circuit de télévision. Ils furent privés d'exercice physique, de la radio et de toute lecture de la presse. Après un mois ce régime carcéral avait cependant été progressivement assoupli. [...]
[...] Royaume-Uni. Le seuil de gravité détermine l'applicabilité de l'article 3. Celui-ci n'entre en jeu que si la souffrance infligée dépasse le seuil d'intensité minimum. Le critère du seuil de gravité permet, pour les actes prohibés, d'établir deux paliers à l'intérieur de l'article 3 qui distinguent la torture des autres traitements. Le seuil de gravité est placé très haut par la Cour dans la graduation des souffrances infligées. La jurisprudence de la Cour a pour effet d'établir à l'intérieur de l'article 3 une hiérarchie des seuils de souffrance dont le franchissement commande respectivement la qualification de peine ou traitement dégradant, de peine ou traitement inhumain et enfin de torture. [...]
[...] Ils procèdent à une appréciation in concreto des différentes situations. Le seuil minimum de gravité requis pour constituer un mauvais traitement ne peut donc être que relatif. A. L'intervention des juges européens Il est évident qu'il n'y a pas de cloisonnement étanche entre les divers comportements relatifs au mauvais traitement. Les distinctions sont fondées sur une différence d'intensité et non pas de nature. Le champ d'application de l'article 3 est vaste est cela tient principalement au fait que les mauvais traitements sont définis de façon assez large. [...]
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