Selon Prosper Weil « pas plus qu'avec trois fois rien on ne fait quelque chose, avec du non - droit et du pré – droit, on ne fait pas du droit ». Ce constat est très approprié au droit international public en général et au droit du développement en particulier.
Ceci semble évident malgré la prédominance, dans la doctrine, de l'approche visant à qualifier de « droit » un ensemble de règles créées par les sujets eux-mêmes, à proportion de leurs puissances économiques et militaires respectives (cf. le droit de l'OMC) et/ou dont une éventuelle sanction n'est assurée qu'avec leur accord (coutume, droit des traités et autres engagements).
Dans la majorité des cours de master de droit, les idées qui fondent et justifient le droit positif étudié ont été exposées. Ainsi, il ressort du discours soi-disant « purement juridique » de certains professeurs, que le libéralisme permet l'avancée de la paix dans le monde et la concurrence pousse les avancées sociales. Quant à la catastrophe due à la privatisation des services publics dans les pays pauvres qui ont reçu des aides publiques internationales, elles ne seraient dues qu'aux traditions de corruption qui y séviraient.
Parce qu'il sera ici question du droit du développement, ce sont les idées qui sont à l'origine de son absence, étant donné que celui-ci n'existe pratiquement pas, qui seront présentées.
En effet, il s'agit de principes rares plus ou moins vagues dont la mise en œuvre précise et concrète n'est pas assurée par des moyens juridiques.
Ceci serait de toute façon impossible, parce que dans une société fondée sur une logique inégalitaire, le modèle libéral appuyé par les droits internes des Etats riches et puissants ayant été « transposé » au niveau international avec plus ou moins de subterfuges et de forcing, les dominants de la scène internationale n'ont pas d'intérêt à ce que de telles règles se développent et empêchent alors par de multiples moyens leur apparition (I). Cependant, parce que les droits fondamentaux de l'homme sont ainsi bafoués et que le simple constat du sous-développement est choquant pour l'opinion publique en général, il a été nécessaire d'admettre certains principes, voire la mise en place de certains programmes d'action, afin d'afficher une volonté d'aider les pays du Tiers-monde à sortir d'une position dégradante (II).
[...] Cependant, c'est de moins en moins le cas aujourd'hui. En effet, les gouvernants des pays riches ont réussi à largement faire évoluer l'idéologie dominante. Il est aujourd'hui plus aisé, pour un homme politique, d'affirmer que les pays riches n'ont pas les moyens financiers d'apporter de l'aide aux pays pauvres et de faire des concessions pour permettre à ces derniers de se développer. Il est facile de développer cette croyance dans un contexte de paupérisation des travailleurs des pays riches, afin qu'ils oublient que c'est la répartition des revenus d'une entreprise entre la capital et le travail qui a évolué en faveur du capital et que c'est ce phénomène qui est à l'origine de la baisse de leur niveau de vie. [...]
[...] Mais le bloc de l'Est a fini par tomber. De plus, les politiques de conditionnalité des aides accordées après la décolonisation ont commencé à produire leurs effets ; les pays pauvres sont maintenant entièrement plongés dans un système libéral et souffrent d'une dépendance totale, surtout en matière humanitaire, de l'assistanat des grandes puissances. Il ne reste plus personne qui ait la volonté et la force d'imposer de quelconques règles de droit du développement. Le volet économique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, c'est-à-dire la souveraineté sur les ressources naturelles est bafoué indirectement, parce que les grandes puissances ont la main mise sur les mines d'extraction, du pétrole entre autres, à travers leurs entreprises. [...]
[...] S'ils l'avaient, ils ne seraient pas en situation de pays sous-développés. Et ceux qui bénéficient de ce pouvoir ne souhaitent pas l'apparition de telles règles. Les avantages que le vieux continent a pu tirer de la colonisation et qui ont permis à l'Europe de garder de l'importance sur la scène internationale, cette puissance étant proportionnelle à la puissance économique. Adam Smith affirmait que pour que le système libéral fonctionne, il fallait laisser aux travailleurs juste de quoi se nourrir et se reproduire. [...]
[...] C'est ce modèle d'exploitation qui est reproduit à l'échelle internationale. Ainsi, au schéma, quoique simpliste, de représentation des relations entre maîtres et esclaves, seigneurs et serfs, travailleurs et patrons, en fait dominants/dominés il faut rajouter la relation qu'entretiennent les pays du Nord avec les pays du Sud Il fut beaucoup plus tentant, pour les anciennes colonies, de choisir des aides immédiates plutôt que de mettre en place un système collectiviste de production. C'est, en effet, le passage à une économie socialiste des Etats nouvellement indépendants que les pays occidentaux redoutaient le plus. [...]
[...] Afin de garder leur main mise sur les richesses des pays pauvres et protéger le système actuel, les gouvernants des pays riches n'ont aucun intérêt à ce que les pays riches acquièrent un jour les moyens de production satisfaisant à leur subsistance. Par ailleurs, l'absence du droit du développement est de plus en plus masquée et excusée par la présence de l'aide humanitaire privée. Celle-ci pallie quelque peu à la catastrophe sur le plan humain liée au sous- développement. Mais elle place les pays pauvres dans une situation d'infériorité, de mendicité presque. Ils attendent une aide qui dépend de la bonne volonté de personnes privées qui n'ont aucune obligation juridique d'agir de la sorte. [...]
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