L'arrêt émis par la Cour de justice des Communautés Européennes (CJCE) le 27 avril 2006 est une illustration des interrogations créées par le droit communautaire sur la validité de certaines dispositions nationales, dans les domaines les plus inattendus comme la détermination du droit patronymique d'un individu.
Un enfant est né au Danemark de parents de nationalité allemande. Il est aussi déclaré de nationalité allemande, mais conformément au droit danois, il lui a été attribué un nom patronymique composé du nom de ses deux parents. Le service d'état-civil allemand a refusé de reconnaître ce nom au motif que, selon l'art. 10 de l'EGBGB (Code civil allemand), d'abord le nom d'un individu est régi par l'Etat dont il a la nationalité et ensuite que le droit allemand ne reconnait pas le droit de porter le nom de ses deux parents à un enfant. L'article 1617 de ce même code dispose qu'en cas de garde conjointe sur l'enfant par des parents ne portant pas le même nom, une déclaration des parents doit être transmise à l'officier d'Etat cil dans un délai d'un mois, déterminant le nom du père ou de la mère que l'enfant va porter. Le délai dépassé, le tribunal de famille transfère le droit de déterminer le nom de l'enfant à un seul des parents. Plusieurs recours ont été introduits par les parents qui ont tous été rejetés. Le tribunal de famille, saisi conformément à l'art. 1617, sursoit à statuer et pose à la cour la question préjudicielle suivante : l'art. 10 du Code civil allemand est-il compatible avec les art. 12 et 18 du droit communautaire, relatifs au principe de non discrimination en raison de sa nationalité d'une part, et de la libre circulation dans l'Union européenne d'autre part. Implicitement il s'agissait de déterminer si la règle de conflit nationale liant strictement le nom d'un individu à sa nationalité et sans considérer la loi de l'Etat de sa naissance, restait valide au regard du droit supranational consacrant la liberté de circulation et la non discrimination (...)
[...] La CJCE ne répondra pas à la question au fond. Elle posera au préalable la question de la recevabilité du renvoi préjudiciel : en l'espèce, la juridiction de renvoi s'inscrit-elle dans une procédure résultant d'une décision de caractère juridictionnel ou bien n'a-t-elle qu'une fonction uniquement administrative ? La CJCE examinera les conditions posées par l'art alinéa 1 du traité CE, en particulier la définition accordée à la juridiction pouvant effectuer le renvoi préjudiciel. Elle établira alors que le tribunal de famille demandeur n'a pas les qualités requises en l'espèce. [...]
[...] -Selon l'art.46a de la loi sur les procédures gracieuses, la décision du tribunal de famille de transférer à un seul parent le droit de désigner le nom patronymique de son enfant selon l'art du Code civil allemand, n'est susceptible d'aucun recours. Le tribunal de famille s'est donc estimé dans les conditions définies par l'al.3 de l'art.234 TCE, suivant lequel il est dans l'obligation de soumettre la question de l'interprétation par la Cour de la compatibilité de l'art.10 du Code civil allemand vis-à-vis du droit communautaire. [...]
[...] l'affaire présente ne traite pas de discrimination fondée sur la nationalité. La législation allemande traite en effet tous ses nationaux de la même façon et ceux ayant plus d'une nationalité de autre façon mais sans discrimination. Est-ce la raison implicite pour laquelle la CJCE ne s'est pas aligné sur les conclusions des deux arrêts précédents et s'est déclaré incompétente ? -Il est clair en tout cas que la Cour n'a pas jugé nécessaire son intervention pour permettre au tribunal de famille de prendre sa décision. [...]
[...] une position plus courageuse de la Cour sur le fond aurait probablement pu indiquer au tribunal de famille une nouvelle solution, autre que celle de donner au père ou à la mère le droit de déterminer la patronyme de leur enfant. Bien que les Etats membres soient compétents pour déterminer les règles régissant le patronyme de leurs ressortissants, ils doivent néanmoins respecter le droit communautaire. Comme souvent, la justice communautaire aurait été dans son rôle de créer du droit et en conséquence d'influencer la justice nationale. [...]
[...] -Cependant, dans la présente affaire, la CJCE se montre particulièrement procédurière. Elle mentionne, comme le droit communautaire le permet, tous les éléments à sa disposition pour déterminer si le tribunal de famille peut être reconnu comme une juridiction : l'origine légale de l'organisme, son caractère permanent, son caractère obligatoire, son indépendance vis-à- vis de l'exécutif et le législatif ; elle vérifie aussi l'application des règles de droit par cet organisme et l'existence d'une procédure contradictoire. Finalement, la Cour indique vérifier si l'affaire pendante pour laquelle l'organe sursoit à statuer est appelée à se conclure par une décision juridictionnelle. [...]
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