L'appréciation par le juge français de décisions étrangères peut susciter d'importantes difficultés. Le constat est particulièrement vrai pour les institutions des systèmes de droit musulman, notamment en matière de répudiation, laquelle génère un véritable « conflit de civilisations ».
L'arrêt qui nous est donné à commenter offre une bonne illustration de ces difficultés au sujet d'une répudiation prononcée à l'étranger.
En l'espèce, deux époux algériens résident en France. Le mari se rend dans son pays d'origine pour y répudier son épouse. Il obtient la répudiation de sa femme par un jugement d'un tribunal algérien du 16 mai 1994. Par la suite, il y contracte également un second mariage, puis revient en France où il continue de résider.
La première épouse tente alors de s'opposer à l'exequatur du jugement algérien de divorce invoquant le comportement frauduleux du mari, mais aussi la contrariété de la décision étrangère à la Convention européenne des droits de l'homme et, notamment, au principe de l'égalité des époux.
La Cour d'appel de Douai rend une décision le 10 septembre 1998 par laquelle elle reconnaît que la conception française de l'ordre public international ne s'opposait pas à la reconnaissance en France d'un divorce étranger par répudiation unilatérale. Elle a vérifié que le choix du tribunal par le mari n'avait pas été frauduleux, que la répudiation avait ouvert une procédure à l'occasion de laquelle chaque partie avait fait valoir ses prétentions et défenses et que le jugement algérien, passé en force de chose jugée et susceptible d'exécution, avait garanti des avantages financiers à l'épouse.
[...] Cela lui permet d'effectuer un tri au sein de celles-ci et d'accueillir uniquement celles qui paraissent conformes au seuil d'exigences minimales d'ordre processuel et alimentaire et les rendant ainsi tolérables au regard de l'ordre juridique français. L'appréciation que propose la Première chambre civile de l'ordre public processuel et de l'ordre public alimentaire ne semble pas devoir dresser de sérieux obstacles à la recevabilité de la répudiation. En l'espèce, à propos d'ordre public processuel, il est imposé que la femme soit présente à la procédure et qu'elle est la possibilité de faire valoir ses prétentions et ses défenses. Cette exigence a une portée très limitée sur la répudiation qui échappe à tout contrôle juridictionnel. [...]
[...] La Cour d'appel énumérait une liste exhaustive des garanties pécuniaires accordées à l'épouse répudiée, dommages-intérêts pour divorce abusif, une pension de retraite légale et une pension alimentaire d'abandon Le montant total définitif de ces indemnités perçues par l'épouse répudiée n'excède pas les dinars, ce qui équivaut à 610 environ. Les avantages financiers font l'objet d'une conception singulière. On peut donc être soucieux de réalisme de ces garanties pécuniaires qui peuvent demeurer virtuelles. En effet, comment l'ordre public français peut-il s'assurer que les condamnations prononcées par le juge étranger à l'encontre du mari seront exécutées ? C'est donc un inconvénient majeur de cette solution en l'espèce, doublé par la consécration d'une disparité de statut intolérable entre les personnes résidant en France. [...]
[...] D'autre part, la Première chambre civile se réfère à des garanties pécuniaires ; des avantages financiers à l'épouse en condamnant le mari à lui payer des dommages-intérêts pour divorce abusif, une pension de retraite légale et une pension alimentaire d'abandon La crainte était certainement que l'épouse se retrouve sans ressources. Cet arrêt oblige donc le mari à subvenir de manière conséquente aux besoins de l'épouse répudiée. De plus, ces subsides alloués permettent de préserver les organismes sociaux français qui n'auront pas à pallier les manques de l'époux défaillant. La Première chambre civile de la Cour de cassation revient donc à une attitude plus modérée, sans renouer cependant avec le libéralisme de la jurisprudence Rohbi (II). II. [...]
[...] De plus, dans plusieurs pays du Maghreb, des combats sont livrés pour concilier Islam et institutions juridiques modernes. Beaucoup de milliers de manifestantes au Maroc revendiquent une rénovation du code marocain de statut personnel. Une jurisprudence tunisienne n'a d'ailleurs pas hésité à opposer le principe de l'égalité des sexes à la reconnaissance d'une répudiation prononcée en Egypte (tribunal d'instance de Tunis juin 2000). Faudrait-il donc se demander s'il ne serait pas préférable de ne pas reconnaître ces répudiations en France qui ne font que révéler le caractère précaire et discriminatoire auquel sont soumises ces femmes musulmanes ? [...]
[...] La mise en œuvre de la règle de conflit : arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation juillet 2001 L'appréciation par le juge français de décisions étrangères peut susciter d'importantes difficultés. Le constat est particulièrement vrai pour les institutions des systèmes de droit musulman, notamment en matière de répudiation, laquelle génère un véritable conflit de civilisations L'arrêt qui nous est donné à commenter offre une bonne illustration de ces difficultés au sujet d'une répudiation prononcée à l'étranger. [...]
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