Cet arrêt du 21 septembre 2005 de la première Chambre civile de la Cour de cassation nous invite à traiter de la technique du renvoi utilisée en droit international privé.
Dans cet arrêt, les faits relatent la situation d'une dame, Madame X, née le 24 avril 1914, de nationalité canadienne mais domiciliée en France.
Par un jugement du 31 juillet 2003, le juge des tutelles de Saint-Malo a prononcé l'ouverture de la tutelle et désigné Madame Y en qualité de gérant de tutelle. Le 7 novembre 2003, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Saint-Malo est allé plus loin et a prononcé l'ouverture de la tutelle tout en désignant Monsieur Patrick X en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire.
Mais Monsieur Patrick X va former un pourvoi en cassation. Pour lui, la norme canadienne « ayant évolué vers la loi qui a les liens les plus étroits » avait seulement pour objectif de régler les conflits au Canada et ne constituait pas une règle de droit international privé, de sorte que cela ne pouvait pas entraîner un renvoi à la loi française qui n'avait donc pas à décider de la mesure de tutelle en question.
Les juges peuvent-ils alors interpréter une norme pour en déduire un critère de rattachement et par conséquent la loi applicable au rapport de droit ?
[...] Afin de répondre à cette question, nous étudierons dans un premier temps le mécanisme du renvoi et dans un second temps nous expliciterons l'apport de cet arrêt dans la théorie générale du renvoi. Le mécanisme du renvoi Tout d'abord, nous allons voir comment la technique du renvoi fonctionne puis nous verrons ses buts. Le fonctionnement du renvoi au premier degré Le mécanisme du renvoi suppose l'application de la règle de conflit française qui va désigner une loi étrangère qui, elle, va renvoyer à la loi du for : c'est le renvoi au premier degré, comme celui qu'on trouve dans l'affaire Forgo. [...]
[...] Etant donné que Madame X est domiciliée en France depuis des décennies et que c'est donc avec la France que la situation a les liens les plus étroits, c'est la loi française qui doit s'appliquer, la même loi sur le fondement de laquelle la tutelle, contestée, a été prononcée. Ainsi, de ce chef, Madame X et Monsieur Patrick X ne peuvent pas reprocher au jugement d'avoir appliqué la loi française. Les juges du fond ont bien appliqué la règle de conflit française qui a désigné la loi canadienne, mais c'est celle-ci qui a effectué, à son tour, un renvoi à la loi du for. Il nous faut, à présent, voir les buts du renvoi. Les buts du renvoi Le renvoi a différents buts, différents avantages. [...]
[...] Un problème d'insécurité juridique peut alors survenir, mais ce n'est pas le cas en l'espèce étant donné que l'ordre juridique français accepte sa compétence dans cette affaire. La mesure de tutelle est donc validée ici et le pourvoi en cassation de Monsieur Patrick X est rejeté. Mais l'interprétation de la règle de conflit étrangère par les juges du fond sera-t-elle toujours la même ? Pour des affaires semblables, la solution sera-t-elle par conséquent toujours la même ? Ou les parties doivent-elles s'attendre à des solutions imprévisibles ? [...]
[...] D'autre part, le renvoi permet au juge français d'appliquer la loi française, ce qui entraînera un gain de temps et d'argent pour les parties, évitera des erreurs et par conséquent l'encombrement des tribunaux, puisqu'il n'aura pas à chercher et à établir le contenu du droit étranger tel qu'il est à l'étranger. Le renvoi simplifie donc la tâche du juge qui peut alors se contenter du Code civil français et n'a pas à rechercher la loi matérielle canadienne. Mais le renvoi comporte aussi des avantages au niveau international. Les avantages au niveau international L'objectif du renvoi est d'assurer l'harmonie internationale. [...]
[...] Mais que pense la Cour de cassation de cette argumentation ? L'approbation de la Cour de Cassation En principe, la Cour de cassation refuse de contrôler l'interprétation du droit substantiel étranger par les juges du fond, qui relève du fait, puisqu'elle ne contrôle que le droit. Dans le prolongement de cette logique, elle refuse aussi de contrôler l'interprétation par les juges du fond des règles de conflit étrangères qui mettent en œuvre un renvoi. (arrêt Sommer de 1953) La Cour de cassation se limite à vérifier s'il y a bien eu une motivation de la décision rendue par les juges du fond. [...]
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