Selon M. Lagarde, « une disposition légale étrangère déniant à un enfant, au motif qu'il est né hors mariage, tout droit à établir sa filiation est fondamentalement opposée à la conception française des droits de l'enfant et, comme telle, heurte l'ordre public français ».
La délicate question de l'établissement de la filiation des enfants étrangers nés hors mariage est en effet un problème qui donne lieu à une doctrine abondante. Toutefois, la jurisprudence française semble ne pas vouloir étendre le bénéfice du mode d'établissement de la filiation aux enfants ne présentant aucun lien avec la France, comme en témoigne l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 mai 2006.
En l'espèce, une Algérienne résidant en Algérie a donné naissance dans son pays à une fille. La mère a saisi les juridictions françaises en recherche de paternité à l'encontre de celui qu'elle estime être le père biologique de l'enfant.
La Haute cour rejette l'argumentation de la Cour d'appel de Versailles et retient au visa des articles 3 et 311-14 du Code civil qu'« une loi étrangère qui ne permet pas l'établissement d'une filiation naturelle n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international, dès lors qu'elle n'a pas pour effet de priver un enfant de nationalité française ou résidant habituellement en France du droit à établir sa filiation »
[...] Il apparaît ici que la jurisprudence française ne souhaite pas élargir le régime applicable en France en matière d'établissement de la filiation, elle le cantonne à la nécessité que l'enfant ait un lien avec la France. Or en l'espèce l'enfant n'en avait aucun si ce n'est un éventuel père dont la paternité n'a pu être prouvée. On peut ainsi s'interroger sur l'opportunité d'une telle décision pour l'intérêt de l'enfant, intérêt sensé pourtant être au cœur du droit de la filiation. [...]
[...] Un jugement de la Cour d'appel de Paris rendu le 23 avril 1979 avait même opté pour la solution inverse, en retenant qu' une disposition légale étrangère déniant à un enfant, au motif qu'il est né hors mariage, tout droit à établir sa filiation est fondamentalement opposée à la conception française des droits de l'enfant, et comme telle, heurte l'ordre public français Une justification au rejet de cette thèse tend à faire remarquer que l'arrêt commenté vise les lois qui prohibent l'établissement de la filiation, l'action en recherche de paternité n'est donc pas la seule concernée. [...]
[...] C'est précisément cela qui est innovant dans l'arrêt du 10 mai 2006, il était attendu de savoir si la solution de 1993 allait perdurer après l'adoption de l'ordonnance de 2005. On aurait pensé que cette disposition serait désormais considérée comme d'ordre public et que comme bien souvent les juridictions françaises souhaiteraient élargir la solution au-delà de leurs frontières. Mais la Cour régulatrice reste rigide et ne modifie pas sa position, le principe restant que la loi étrangère qui ne permet pas l'établissement d'une filiation naturelle n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international Il y a ici une forte contrariété entre d'un côté la profonde volonté de ne plus traiter différemment les enfants naturels et légitimes et d'un autre côté la volonté de ne pas accorder le même traitement à tous les enfants qui réclament ce bénéfice devant les juridictions françaises. [...]
[...] Mais on peut ainsi se demander si notre propre loi, depuis le 8 janvier 1993, ne prohibe pas l'établissement de la filiation maternelle lorsque la mère a accouché en demandant le secret de la naissance. De ce fait, il est démontré dans une certaine mesure que le législateur ne souhaite pas faire de l'établissement de la filiation un principe absolu. Cependant, cela ne résout pas le problème de la discrimination qui est faite entre enfants naturels et légitimes, car en l'espèce, la loi algérienne admet l'établissement de la filiation mais seulement au profit de l'enfant né pendant le mariage et c'est justement parce que l'enfant était né hors mariage qu'il souhaitait bénéficier des dispositions de la loi française. [...]
[...] Cela reste donc le minimum que l'enfant peut obtenir lorsqu'il ne peut établir sa filiation paternelle. Le père a ainsi le choix entre assumer sa responsabilité ou payer une pension à l'enfant. L'enfant se voit alors attribuer une sorte de compensation financière résultant pour lui de son absence de père. Néanmoins comme l'a très justement précisé M. Foyer, cela ne peut en rien combler l'enfant en quête de ses origines Les subsides ne remplacent que le côté économique de l'absence, mais cela ne peut suffire à remplacer un père au quotidien et à permettre à l'enfant de lui donner l'accès à ses origines. [...]
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