Pour reprendre les propos de Gérard Teboul dans son article Remarques sur les réserves aux traités de codification, « S'il est banal de dire que la codification du Droit International présente des avantages en tant qu'elle contribue au développement du Droit International […] il est également commun de faire valoir que la technique des réserves facilite l'acceptation des traités multilatéraux et favorise, par voie de conséquence, l'extension de leur champ d'application. Toutes deux utiles, les notions de réserve et de convention de codification s'accommodent pourtant mal l'une de l'autre. »
Cette citation souligne l'ambiguïté de la réserve; en évitant aux États de rejeter massivement un traité, la réserve apparaît comme un moyen d'accroître la portée des conventions internationales et d'en fortifier la substance. Pourtant ce moyen possède un effet pervers, puisqu'en permettant aux États de restreindre leur engagement conventionnel, cette réserve peut porter atteinte à l'intégrité du traité ainsi qu'à sa force contraignante.
L'extrait de l'ordonnance de la Cour Internationale de Justice (CIJ), qu'il conviendra de commenter, rendu en date du 2 juin 1999 et relatif à la licéité de l'emploi de la force sous-tend un problème plus général qui est celui des réserves contenues dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 (Convention).
[...] Autrement dit, la licéité de l'émission de la réserve, première condition, nécessite-t-elle forcément l'existence d'une clause expresse contenue dans le traité? Selon Gérard Teboul, l'existence d'un accord spécial, selon lequel un État peut unilatéralement déroger à une règle coutumière dès lors que cette dérogation fait l'objet d'une acceptation de la part d'un autre État, peut satisfaire à la condition de la licéité de l'émission d'une réserve en cas de silence de la Convention sur ce sujet. Toujours selon cet auteur, la Convention du 9 décembre 1948 consacre des principes de droit coutumier. [...]
[...] En effet, compte tenu de la nature de la réserve espagnole touchant à la totalité de l'article IX l'effet de cette réserve aurait été le même quelle que soit la réaction de la Yougoslavie. L'Espagne a consenti au traité à condition que la CIJ soit incompétente pour connaître des différends qui opposent les États contractants. Selon la CIJ, la Yougoslavie n'a pas présenté d'objection à cette réserve, donc conformément à l'article 21-1 de la Convention de Vienne, le traité s'applique dans les limites prévues par la réserve, c'est-à-dire à l'exclusion de la compétence de la CIJ. [...]
[...] Comment peut-on admettre une réserve, dans un objectif d'universalité alors même que cette réserve a pour conséquence une adaptation des dispositions du traité en fonction de chaque État? Comment une règle dont l'application a fait l'objet de diverses modulations de la part de certains États peut-elle devenir universelle? La réserve ruine l'objectif même d'une convention qui vise l'universalité. Comme évoqué précédemment, selon G. Teboul, la Convention de 1948 relative à la prévention et à la répression du crime de génocide apparaît comme une convention de codification de règles coutumières. [...]
[...] La recevabilité de la réserve espagnole malgré le silence de la Convention constitue le premier argument permettant d'accueillir la solution de la CIJ. Le second argument réside dans l'étude de la réaction de la Yougoslavie face à cette réserve. l'absence d'objection formulée par la Yougoslavie à l'égard de la réserve espagnole: un argument inutile Selon la CIJ, la Yougoslavie n'a pas présenté d'objection à la réserve faite par l'Espagne à l'article IX dès lors, cette absence d'objection constitue la seconde cause d'exclusion de cet article. [...]
[...] L'incompétence de la CIJ pour connaître des différends entre l'Espagne et la Yougoslavie: fruit d'un raisonnement binaire L'incompétence de la CIJ découle de la réserve espagnole. Pour aboutir à cette solution, la cour décompose son raisonnement en deux temps: elle étudie, succinctement, la recevabilité de la réserve espagnole avant de s'attarder, inutilement, sur la réaction de la Yougoslavie face à cette réserve La recevabilité de la réserve espagnole malgré le silence de la Convention: un raisonnement de la CIJ hâtif Selon la CIJ la convention sur le génocide n'interdit pas les réserves Or, aucun article de cette convention n'émet l'hypothèse de la recevabilité des réserves. [...]
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