La logique générale des contre-mesures, que l'on peut aussi bien qualifier de représailles, s'inscrit dans le cadre de la dialectique des actes et des comportements unilatéraux. En d'autres termes, face à un comportement étatique inamical, ou perçu comme juridiquement irrégulier, l'Etat qui s'en estime victime dispose de la faculté de réagir directement par des mesures dirigées contre l'auteur de ce comportement. On considère alors que l'Etat est à la fois juge et autorité d'exécution en sa propre cause.
La Cour internationale de justice (la CIJ) a eu l'occasion d'examiner la pertinence de ce type d'acte dans une affaire qui opposait la Hongrie et la Slovaquie, à propos de la non-exécution par la Hongrie d'un traité relatif à la construction de barrages et d'écluses sur le Danube. Les faits, dans l'arrêt en date du 25 septembre 1997, sont les suivants : la Hongrie et la Slovaquie ont une frontière commune constituée par le Danube. Pour stimuler la coopération, un traité relatif à la construction et au fonctionnement du système d'écluses de Gabcikovo-Nagymaros a été signé, le 16 septembre 1977, par les deux pays. Ce traité prévoit la construction et l'exploitation d'un système d'écluses, qui a pour but la mise en valeur des "ressources naturelles de la section Bratislava-Budapest du Danube afin de développer l'agriculture, l'énergie, les transports …" En 1989, suite à des manifestations écologiques, le gouvernement hongrois décide de suspendre le projet, avant d'abandonner totalement les travaux à Nagymaros. La Slovaquie, qui a mis en œuvre un autre projet (la variante C), présente, lors de leurs achèvements, le barrage comme la première grande réalisation nationale. Elle justifie alors son comportement (illicite) par la défaillance de la Hongrie et demande à la CIJ d'y voir des contre-mesures au comportement illicite de la Hongrie. La CIJ, dans son arrêt, refuse de suivre la Slovaquie. La question va, alors, être de savoir pour quelle(s) raison(s) les faits de la Slovaquie ne peuvent pas être perçus comme étant des contre-mesures.
[...] Il existe également une condition tenant à la réversibilité d'une telle mesure, ainsi que le fait que la contre- mesure doit avoir pour but d'inciter l'Etat auteur à exécuter ses obligations. En l'espèce, on remarque que la CIJ a retenu qu'"il est clair que la variante C a constitué une riposte à la suspension et à l'abandon des travaux par la Hongrie" et elle a également relevé que "la Slovaquie à plusieurs reprises, prié la Hongrie de reprendre l'exécution de ses obligations conventionnelles", donc on peut en déduire que les deux premières conditions étaient réunies et que de ce fait la contre-mesure aurait pu être justifiée. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt de la CIJ "Projet Gabcikovo-Nagymaros" du 25 septembre 1997 La logique générale des contre-mesures, que l'on peut aussi bien qualifier de représailles, s'inscrit dans le cadre de la dialectique des actes et des comportements unilatéraux. En d'autres termes, face à un comportement étatique inamical, ou perçu comme juridiquement irrégulier l'Etat qui s'en estime victime dispose de la faculté de réagir directement par des mesures dirigées contre l'auteur de ce comportement. On considère alors que l'Etat est à la fois juge et autorité d'exécution en sa propre cause. [...]
[...] Les contre-mesures jouent cependant un rôle, surtout du point de vue de l'Etat lésé, qui les prend en réaction. En l'espèce, il pourrait s'agir d'une contre-mesure individuelle, puisque c'est la Slovaquie, Etat lésé dans ses intérêts et dans ses droits, qui a réagi. La CIJ a précisé que dans son arrêt que "la contre-mesure devait satisfaire à certaines conditions pour être justifiée". En effet selon la démonstration jurisprudentielle elle doit en premier lieu être prise pour riposter à un fait international illicite. [...]
[...] La condition de la proportionnalité de la riposte aux dommages subis est donc une condition fondamentale, et de plus, on peut justifier son extrême importance par le fait que cette condition est énoncée à l'art 51 du Projet de la CDI sur "le droit de la responsabilité internationale des Etats pour fait internationalement illicite" (adopté en août 2001), article qui stipule que "les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la gravité du fait internationalement illicite et des droits en cause". La CIJ a estimé que "le détournement du Danube effectué par la Slovaquie n'était pas une contre-mesure, faute d'être proportionnée". Le défaut de cette condition (de proportionnalité), en l'espèce, a empêché la CIJ de reconnaître le caractère de contre-mesure à la variante et de statuer sur les deux autres conditions nécessaires à la qualification de contre-mesures. [...]
[...] Le but d'une telle mesure : la limitation des dommages causés Comme nous l'avons vu précédemment, on remarque que le but de la contre- mesure rend son caractère illicite inopérant. On doit alors comprendre que la contre-mesure permet à l'Etat victime d'atténuer les dommages qui lui sont causés par la non-exécution, par l'autre partie, de l'obligation conventionnelle. Cette idée de limitation aux dommages subis est rappelée, en l'espèce par la Slovaquie qui base son argumentation sur cette conception. Selon le droit commun, l'inexécution non justifiée d'un traité engage la responsabilité internationale de l'Etat, mais l'efficacité de cette théorie est toute relative puisqu'elle dépend de la volonté de l'Etat qui reconnaît ou non à l'amiable sa responsabilité. [...]
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