L'affaire soumise à la Cour internationale de justice (CIJ) par la voie de compromis en 1998 relative à la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan est une bonne illustration de la réticence de la CIJ de statuer sur une question de délimitation de territoire en absence de titres juridiques justificatifs. Le différend frontalier entre l'Indonésie et la Malaisie s'est cristallisé à l'occasion de discussions relatives à la délimitation des plateaux continentaux respectifs des deux États en 1969.
En effet, aussi bien l'Indonésie que la Malaisie revendiquaient la souveraineté territoriale sur les deux îles Ligitan et Sipadan, dont l'attribution n'avait pas été fixée lors des discussions de 1969. En octobre 1991, les deux États établissaient une commission mixte afin de trouver une solution à l'amiable sur l'appartenance des îles en question. Aucune solution trouvée, les deux États se mirent d'accord pour soumettre la question à la CIJ en 1998.
La Cour était amenée à déterminer « sur la base des traités, accords et de tout autre élément de preuve produit par les parties si la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan appartient à la République d'Indonésie ou à la Malaisie ».
[...] Conformément à sa jurisprudence, qui accorde au titre juridique la prééminence sur l'effectivité comme base souveraineté, la Cour s'attache à l'examen de ce titre, mais elle finit par le rejeter parce que selon elle, ce titre n'est aucune aide pour l'attribution des îles en question. A titre subsidiaire, l'Indonésie évoque des activités de fait qu'elle pratiquait sur les deux îles afin de soutenir sa requête. L'Indonésie invoque en premier lieu les patrouilles effectuées dans la région par des navires de la marine royale des Pays-Bas entre 1895 et 1928. [...]
[...] En effet, les deux Etats y exerçaient différentes activités sans se préoccuper du détenteur réel de la souveraineté territoriale sur les deux îles. Entre les deux Etats régnait jusqu'alors un statu quo quant aux îles et ils s'étaient engagés par échange de lettres du 22 septembre 1969 à ne rien entreprendre qui pourrait faire basculer cette situation figée. Dans le cadre des négociations de 1969 sur la délimitation des plateaux continentaux la Malaisie revendique pourtant la souveraineté sur les îles en question. Selon l'Indonésie, c'est ce moment que le différend territorial s'est cristallisé. [...]
[...] Elle poursuit qu'après son indépendance, la marine indonésienne était également présente dans la zone. Elle soutient ensuite la présence de pêcheurs indonésiens sur les îles revendiquées et en dernier lieu, elle cite la loi du 18 février 1960 relative aux eaux indonésiennes en vertu de laquelle sont définies ses lignes archipélagiques. Les deux îles ne sont pourtant pas considérées dans cette loi comme relevant de la souveraineté indonésienne, ni comme faisant partie du territoire indonésien. L'Indonésie justifie ses frontières territoriales en alléguant qu'elle voulait respecter le droit de la mer existant et par sa volonté de créer un précédent aux fins de la consécration de la notion d'eaux archipélagiques avant la deuxième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer en 1960. [...]
[...] Pour trancher le différend, la Cour se voit ainsi contrainte d'attribuer ces territoires en dehors et en l'absence de tout titre territorial clair La décision de la Cour fur prise le 17 décembre 2002 sur le balancement de la pertinence des effectivités alléguées par les Etats parties. La Cour n'est pourtant pas novice dans ce genre de question. Elle rappelle la jurisprudence du Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) qui consacrait que dans l'éventualité où l'effectivité ne coexiste avec aucun titre juridique, elle doit inévitablement être prise en considération Partant de cette jurisprudence, la Cour internationale de Justice conditionne encore davantage sa démarche avant qu'elle procède à l'évaluation par étapes des effectivités alléguées (II). [...]
[...] La Cour conclut de cette attitude inhabituelle que les autorités indonésiennes ne se sont pas vraiment montrées soucieuses de déterminer le détenteur réel de la souveraineté territoriale sur les Lipidan et Sipadan. En fin de compte, la Cour conclut que la Malaisie détient un titre sur Ligitan et Sipadan sur la base des effectivités mentionnées ci-dessus[14]. Pour parvenir à ce résultat, on peut remarquer que les juges ont attaché une grande importance à la jurisprudence de la Cour et même une grande volonté d'éviter un éventuel revirement. [...]
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