CEDH Cour Européenne des Droits de l'Homme, CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, 19 janvier 2021, arrêt 14065/15, respect de la vie privée, interdiction de la mendicité, voies de recours
La présente affaire concerne une ressortissante roumaine qui s'est vu infliger une amende élevée de près de 500 € au titre d'une « interdiction législative générale ». Cette femme, extrêmement pauvre, avait demandé l'aumône sur la voie publique à Genève. La Suisse, État membre du Conseil de l'Europe, interdit la mendicité. C'est l'un des États punissant le plus sévèrement cette pratique. Entre l'été 2011 et le début de l'année 2013, cette ressortissante roumaine a pratiqué la mendicité sur la voie publique, demandant de l'argent aux passants. Pour cette pratique, elle s'est vu infliger la peine de cent francs d'amende assortie, en cas de non-paiement, d'une peine de 5 jours d'emprisonnement. In fine, ne pouvant payer, elle s'est vue sanctionnée de 5 jours d'emprisonnement.
[...] Ces voies de recours sont un devoir pour le requérant à deux égards : sur le volet procédural : exercer les voies de recours internes disponibles et effectives, c'est-à-dire présentant des chances raisonnables de redressement des griefs ; sur le volet matériel : invoquer en substance les griefs conventionnels, avant de pouvoir les formuler devant la Cour européenne, devant les instances nationales saisies. Opinion concordante ou divergente ? Dans cet arrêt, et conformément aux article 45 § 2 de la Convention il y a eu différentes opinions des juges de la Cour. La première est une opinion concordante de la juge Keller, la seconde est une opinion en partie concordante et en partie dissidente du juge Lemmens ; la troisième est une opinion en partie concordante et en partie dissidente du juge Ravarani. [...]
[...] Afin de déterminer si la Suisse a outrepassé sa marge d'appréciation, la Cour effectue comme à son habitude à la balance des différends touchant l'affaire. Elle relève que la requérante, eu égard à sa situation extrêmement précaire, disposait d'un droit propre à la dignité humaine (comme noyau dur, ou core right des droits de l'Homme). Celle-ci doit pouvoir exprimer son désarroi et essayer de remédier à certains de ses besoins par la mendicité dans la rue. Par ailleurs, la sanction (ou punition) qui lui a été infligée peut être qualifiée de « grave ». [...]
[...] À l'inverse, la Cour européenne dépend de la volonté des États. L'exemple le plus pertinent est la sortie du Conseil de l'Europe de la Russie à la suite des évènements en Ukraine, ce qui provoque ipso facto une sortie de la Convention EDH et de la Cour EDH. Des voies de recours internes épuisées En l'espèce, les voies de recours internes sont épuisées. Elles mettent en avant les conditions du recours individuel : qui est la voie de recours ouverte à toute personne se trouvant sous la juridiction d'un État partie à la Convention européenne des droits de l'homme, obligatoire depuis l'entrée en vigueur du Protocole n° 11 en 1998 et constitutif d'un véritable droit de recours international (CEDH Mamatkulov et Askarov), lui permettant d'alléguer la violation par cet État partie de ses obligations conventionnelles (article 34 de la Convention). [...]
[...] Par ailleurs, les juges de Strasbourg rappellent comme ils ont coutume de le faire que « la notion de dignité humaine est sous-jacente à l'esprit de la Convention ». Pour ces mêmes juges, la dignité de la personne humaine se retrouve menacée « si la personne concernée ne dispose pas de moyens de subsistance suffisants ». Au surplus, la Cour considère que le droit de s'adresser à autrui pour en obtenir de l'aide relève de l'essence même des droits protégés par l'article 8 CEDH. [...]
[...] Madame Lacatus a donc décidé de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme. Le principal intérêt de l'arrêt réside dans l'apport qu'il nous donne concernant la notion de vie privée telle que consacrée dans l'article 8 de la Convention EDH. En effet, il rattache notamment la mendicité entendue comme « un mode de vie particulier afin de surmonter une situation inhumaine et précaire » (voir notamment le § 56 de l'arrêt) à la notion fondamentale de « vie privée », au sens de l'article 8 CEDH. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture