En droit du travail, la question de la compétence juridictionnelle soulevée à l'occasion d'un litige international ou d'un conflit dejuridictions, est par principe indépendante de la détermination de la loi applicable au contrat de travail (Cass. soc., 15 oct. 2002). La compétence internationale des juridictions françaises est considérée, en droit international privé, comme une question fondamentalement différente de celle relative à la détermination de la loi applicable. De façon traditionnelle, “conflit de lois” et “conflit de juridictions” constituent deux problématiques distinctes.
En l'espèce, le groupe Aspocomp a racheté, en novembre 1998, au groupe Philips, la Société Philips circuits imprimés, qui employait cinq cent cinquante personnes sur le site d'Évreux et qui est devenue la Société Aspocomp, filiale à 99 % du groupe Aspocomp dont la société de droit finlandais Aspocomp Group OYJ était la holding. Le 18 octobre 2001, un plan de réduction des effectifs a été présenté au comité d'entreprise de la Société Aspocomp. Cent vingt-deux salariés ont été compris dans un premier plan de licenciement. Le 14 janvier 2002, Madame X. a opté pour un départ volontaire ; le 21 février 2002, elle a été licenciée pour un motif économique. N'ayant perçu aucune des sommes prévues par le plan social, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes et sollicité la condamnation solidaire des Sociétés Aspocomp et Aspocomp Group OYJ au paiement de diverses sommes en raison de la rupture du contrat de travail et du non-respect du plan social.
[...] Ainsi, l'utilisation louable de la théorie du co- employeur a permis de confirmer la compétence de la juridiction saisie A - L'utilisation louable de la théorie du co-employeur L'utilisation de la théorie du co-employeur nécessaire à la résolution du conflit est également d'une utilité certaine pour les salariés Une qualification de la relation de travail nécessaire à la résolution du conflit de juridiction L‘auteur du pourvoi reproche à la Cour d'appel de l‘avoir, pour l'application des règles de compétence, qualifié d'employeur, sans pour autant avoir établi l'existence d'un contrat de travail, caractérisé par un lien de subordination, et de l'avoir confondu avec sa filiale. S'agissant de résoudre le conflit de juridictions, la qualification de la relation de travail et, à travers elle, l'identification de l'employeur, les juges s'en remettent à une définition directement inspirée du droit communautaire. En effet, la chambre sociale s'inspire de [ . [...]
[...] Ainsi, dans son arrêt en date du 12 juin 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation était invitée à analyser une relation de travail inscrite au coeur d'un groupe international de sociétés. Avec l'arrêt Aspocomp, la Cour de cassation se montre sensible à l'émoi provoqué par les délocalisations d'emplois décidés par des groupes souvent florissants. On ne peut que faire le rapprochement avec l'affaire Metaleurop qui comme dans l'affaire Aspocomp concerne une relation mère filiale particulièrement étroite, la filiale étant détenue à par la mère. [...]
[...] En effet, les règles de compétence édictées par le règlement CE nº 44/2001 doivent être appliquées sur la base de critères uniformes qu'il incombe à la Cour de justice des Communautés européennes de définir, en se fondant sur le système et les objectifs dudit règlement Le renvoi fait par la Chambre sociale aux arrêts de la Cour de Luxembourg peut sembler expéditif, mais il parait cohérent. Il permet ainsi d'éviter d'interroger la Cour de justice et concrètement de mettre un terme à une procédure, qui du point de vue des salariés en attente d'indemnisation, a déjà été fort longue (cinq années). Par conséquent, cette solution semble justifiée. [...]
[...] La Cour de justice des Communautés européennes semble également disposée à l'admettre. Dans un cas où une salariée embauchée par une société italienne avait été transférée dans une société allemande détenue en partie par la société italienne, il a été admis que la salariée était liée à chacune de ces sociétés par un contrat de travail et la qualité d'employeur fut reconnue à la société italienne alors même qu'elle ne bénéficiait plus de la prestation de travail (CJCE avril 2003, Pugliese) L'intérêt de l'utilisation de la théorie de l'employeur conjoint L'intérêt de la théorie de l'employeur conjoint est de donner aux salariés un débiteur solvable qu'ils pourront notamment assigner devant les juridictions du lieu d'exécution habituelle du travail, comme c'est le cas dans notre affaire. [...]
[...] La société finlandaise se pourvoit alors en cassation contestant la compétence des tribunaux français à son encontre, en récusant sa qualité d'employeur. Dès lors, la question essentielle qui se posait au juge a été de déterminer si la société mère située sur le territoire d'un autre État membre pouvait être considérée comme étant l'employeur de la salariée placée auprès de la filiale française et ainsi admettre la compétence des juridictions françaises. Par un arrêt en rejet en date du 17 juin 2007, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu'il résulte de l'article 19 du règlement CE nº 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre État membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; selon l'interprétation faite par la Cour de justice des Communautés européennes des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui est transposable pour l'application de l'article 19 du règlement 44/2001, l'employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération Par conséquent, cette solution est approuvable notamment par l'application faite de l'article 19 du règlement CE ainsi que par l'application de la définition communautaire de l'employeur à notre espèce I - Une solution approuvable par l'application de l'article 19 du règlement CE La chambre sociale condamne ici l'utilisation faite du droit national alors que les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d'un litige d'ordre international intracommunautaire avant de se référer à l'interprétation faite par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) des dispositions de la Convention de Bruxelles A - Le rejet incontestable d'un fondement sur les règles de compétences territoriales internes La Chambre sociale dans cet arrêt rejette le pourvoi précisant qu'en cas de litige international d'ordre intracommunautaire, la détermination de la compétence internationale française ne se fait pas au regard des règles internes françaises mais par l'application de l'article 19 du Règlement CE L'inapplication des règles internes pour la détermination de la compétence internationale française dans un litige international intracommunautaire La France détermine en toute autonomie les chefs de compétence internationale de ses tribunaux. [...]
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