Cet arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 mai 2006, traite du travail dissimulé en droit international privé.
Il s'agissait en l'espèce, d'une jeune femme de nationalité nigériane qui a été engagée en 1994 en qualité d'employée de maison par un employeur de nationalité britannique, en vertu d'une convention rédigée en anglais et passée au Nigeria entre l'employeur et la famille de la jeune femme. Ce contrat prévoyait notamment qu'il ne pouvait y être mis fin par la famille de l'employée que contre remboursement à l'employeur des frais exposés, et que l'employée était tenue de suivre l'employeur à l'étranger sans pouvoir revenir dans son pays sans son autorisation, son passeport étant retenu par l'épouse de l'employeur, ni percevoir son salaire mensuel de 25 euros tant qu'elle se trouve hors du Nigeria. Lors d'un séjour en France, à Nice, la jeune fille a réussi à s'enfuir et elle a été recueillie par une association.
Avec l'aide de cette dernière, elle a assigné son employeur devant le conseil des prud'hommes pour obtenir paiement d'un rappel de salaires et de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé. Suite à un jugement rendu en première instance, la CA fut saisie. Cette dernière a rejeté l'exception d'incompétence du juge français, soulevé l'employeur, fait application de la loi française à cette situation et a condamné l'employeur à payer des salaires et indemnités. L'employeur décida de se pourvoir en cassation selon le moyen que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes et que la loi applicable était selon lui la loi nigériane, dans la mesure où le lieu de signature du contrat tout comme le lieu d'exécution habituel du contrat était le Nigeria d'autant que l'employée était de nationalité nigériane.
Un employeur peut-il valablement invoquer l'incompétence des juridictions française et de la loi française dans un litige relatif à un contrat de travail dont le seul critère de rattachement est la présence à un moment donné du salarié sur le territoire ?
La Cour de cassation a répondu à cette question par une substitution de motif, en estimant que « l'ordre public international s'oppose à ce qu'un employeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner la compétence des juridictions nationales et évincer l'application de la loi française dans un différend qui présente un rattachement avec la France et qui a été élevé par un salarié placé à son service sans manifestation personnelle de sa volonté et employé dans des conditions ayant méconnu sa liberté individuelle ; que tel était le cas en l'espèce, dès lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que Mlle. Y…, qui a pu s'enfuir de son travail alors qu'elle se trouvait en France où M. X… résidait, avait été placée par des membres de sa famille au service de celui-ci, avec l'obligation de le suivre à l'étranger, une rémunération dérisoire et l'interdiction de revenir dans son pays avant un certain temps, son passeport étant retenu par l'épouse de son employeur ».
Dans cet attendu, la Cour de cassation consacre l'apparition d'un ordre public véritablement international (I), cependant, cet attendu bien que faisant preuve d'un certain expansionnisme juridique n'en a pas moins une portée limitée (II).
[...] En effet, la chambre sociale relève qu'elle a été placée sans manifestation de sa volonté personnelle et employée dans des conditions ayant méconnu sa liberté individuelle ; qu'elle avait l'obligation de le (son employeur) suivre à l'étranger, une rémunération dérisoire et l'interdiction de revenir dans son pays avant un certain temps, son passeport étant retenu par l'épouse de son employeur Pour E. Pataut et P. Hammje[3], on peut s'étonner que la chambre sociale ne se réfère pas aux normes fondamentales composant l'ordre public international d'autant que la Cour de cassation y fait référence sur son communiqué et que d'autres formations n'hésitent pas à faire expressément appel à ces mêmes conventions internationales, notamment la Convention européenne des droits de l'Homme. Pour ces auteurs, il faut probablement y voir une volonté de s'en tenir à une intervention mesurée des droits fondamentaux. [...]
[...] Cependant, c'est parce qu'il était craint que la salariée ne puisse remédier dans son pays d'origine à sa situation d'esclavage, que l'ordre juridique français s'est reconnu compétent. Cela s'explique par un souci de justice et par le fait que certains auteurs dont Lycette Corbion[4], estimaient déjà avant cet arrêt qu'une juridiction devrait s'estimer compétente pour juger d'un litige si le tribunal normalement compétent, n'offrait pas aux parties, certaines garanties telles que l'indépendance Comme le souligne E. Pataut et P. Hammje, il y a bien là, un important expansionnisme juridique, par lequel, la Cour étend unilatéralement les frontières de l'ordre juridique français Dans cet arrêt, la Cour a mis en balance les droits fondamentaux et les règles de droit international privé, pour en conclure, que les droits les plus fondamentaux devaient écarter l'application des règles de droit international privé lorsque ces dernières ne permettraient pas d'assurer l'application desdits droits fondamentaux. [...]
[...] Suite à un jugement rendu en première instance, la CA fut saisie. Cette dernière a rejeté l'exception d'incompétence du juge français, soulevé l'employeur, fait application de la loi française à cette situation et a condamné l'employeur à payer des salaires et indemnités. L'employeur décida de se pourvoir en cassation selon le moyen que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes et que la loi applicable était selon lui la loi nigériane, dans la mesure où le lieu de signature du contrat tout comme le lieu d'exécution habituel du contrat étaient le Nigeria d'autant que l'employée était de nationalité nigériane. [...]
[...] Il s'agit là d'une jurisprudence innovante qui fait preuve d'un assez fort expansionnisme juridique. II. Une jurisprudence expansionniste mais limitée Cet arrêt élargissant la compétence de l'ordre juridique français consacre un certain expansionnisme juridique qui semble malgré tout limité A. Une jurisprudence expansionniste Dans son communiqué, la Cour de cassation rapproche la solution posée de la compétence fondée sur le déni de justice. Pourtant, dans cet arrêt, la Cour n'y fait pas référence et à aucun moment, il n'est mentionné que la jeune fille était empêchée de saisir les tribunaux nigériens. [...]
[...] Tout d'abord, la formulation retenue par la Cour de cassation semble très habile et originale, puisqu'elle ne pose aucune règle de compétence législative et législative. En effet, la Cour n'invoque l'ordre public que pour s'opposer à ce qu'un employeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner la compétence des juridictions nationales et évincer l'application de la loi française dans un différend qui présente un rattachement avec la France Ensuite, cet arrêt a été rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation qui n'a que peu vocation à intervenir en matière de droit international privé. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture