Droit international privé, cour de cassation, chambre civile, 2 mai 2007, union polygamique, mariage à l'étranger, épouse survivante, effet patrimonial, mariage en Algérie, droit algérien, droit français, pension de réversion, durée de vie commune, bigamie, loi personnelle des époux
En droit français, afin qu'un mariage soit considéré comme valablement formé et puisse produire des effets, celui-ci doit respecter un certain nombre de conditions de forme et de fond. Cependant, la diversité des unions pouvant être consacrées à l'étranger a amené les autorités françaises à admettre certaines d'entre elles malgré une divergence avec les exigences de validité nationale. Cette particularité est abordée dans cet arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation datant du 2 mai 2007 où il est question d'un mariage formé à l'étranger. En l'espèce, suite à la formation en Algérie d'un mariage en 1950 puis d'un second en 1951 impliquant un même époux, celui-ci décède en 2000, laissant veuves ces deux épouses, dont une vivant en France et une autre étant retournée en Algérie. Lorsque l'épouse issue du second mariage demande à bénéficier d'une pension de réversion, la caisse refuse en lui opposant son absence de statut de conjoint survivant, à cause de la situation de bigamie créée par son défunt mari. Celle-ci intente alors une action et la Cour d'appel accueille cette demande en affirmant que les deux conjoints survivants peuvent se partager cette pension au prorata de la durée de vie commune.
[...] La Cour a aussi pu rappeler ce principe dans un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 24 septembre 2002 (n° 00-15789) où elle affirme que « si le mariage contracté à l'étranger en état de bigamie pour l'un ou les deux époux n'est pas obligatoirement nul en France, c'est à la condition que les lois nationales de chacun d'eux autorisent la bigamie ». Ici le mariage est nul, car la loi nationale de l'époux autorisait une telle union, mais non celle de l'épouse qui était française. [...]
[...] Cependant, le droit international privé français prévoit à l'article 202-1 du même code que « les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle ». Par conséquent, l'appréciation du respect de ces conditions ne revient pas systématiquement à la loi française, alors même qu'un couple invoquerait sa validité en France. Ce principe s'applique de manière distributive aux époux, de manière à ce que la loi personnelle des deux doit accepter l'union. [...]
[...] En effet, l'article 201 du code civil dispose que « le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l'égard des époux, lorsqu'il a été contracté de bonne foi. Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en faveur de cet époux ». En matière de bigamie, l'époux s'étant marié deux fois ne peut donc pas se prévaloir des effets créés, contrairement à la seconde épouse qui n'était pas au courant du premier mariage. [...]
[...] Les juges peuvent alors invoquer cet ordre public international afin d'empêcher l'application d'une disposition étrangère ou la reconnaissance d'une situation juridique née à l'étranger susceptible d'aller à l'encontre de ces principes universels. Cependant, cet ordre public n'aura pas la même autorité selon qu'il s'agit de reconnaitre une situation née en France ou à l'étranger. En effet, le célèbre arrêt de la Cour de cassation « Rivière » du 17 avril 1953 affirme que « la réaction à l'encontre d'une disposition contraire à l'ordre public n'est pas la même suivant qu'elle met obstacle à l'acquisition d'un droit en France ou suivant qu'il s'agit de laisser se produire en France les effets d'un droit acquis, sans fraude, à l'étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du droit international privé français ». [...]
[...] En effet, la Cour de cassation a pu statuer à de nombreuse reprises sur des situations similaires, comme avec un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 14 février 2007 où deux épouses de nationalité algérienne ayant été mariées en Algérie avec un défunt conjoint de même nationalité se sont vu reconnaitre la possibilité de bénéficier toutes les deux d'une pension de réversion. Une solution similaire a également été rendue par la Cour de cassation dans une décision de la 1re chambre civile du 22 avril 1986 ou encore du 4 février 2011. C'est alors logiquement que l'arrêt d'espèce se place dans cette continuité étant donné qu'il s'agit d'un mariage valablement formé à l'étranger, conformément au statut personnel des époux. [...]
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