Arrêt du 13 avril 2023, immunité d'exécution d'un État, créance fiscale, droit congolais, principe d'unicité du patrimoine, prérogatives de puissance publique, principe de territorialité des voies d'exécution et de recouvrement de l'impôt, titre exécutoire, arrêt du 13 mai 2015, saisie-attribution, arrêt du 28 mars 2013, article 2284 du Code civil, arrêt du 5 mai 1924, article L111-1 du Code des procédures civiles, arrêt BVerfGE
En l'espèce, une société de droit congolais avait exécuté des marchés de travaux publics et de fournitures pour le compte de la République du Congo entre 1984 et 1986. Le 14 octobre 1992, la société et l'État ont conclu un protocole d'accord contenant une clause compromissoire afin de fixer les modalités de règlement des sommes qui étaient encore dues. Par une lettre d'engagement du 3 mars 1993, il est précisé que la République du Congo avait « renoncé expressément et irrévocablement à invoquer dans le cadre du règlement d'un litige en relation avec les engagements de la présente toute immunité de juridiction ainsi que toute immunité d'exécution ». Cependant, l'État n'a pas exécuté son obligation de règlement des sommes restantes dues, alors la société saisit un tribunal arbitral et obtient deux sentences condamnant la République du Congo à payer diverses sommes à cette dernière. De cette manière, le 15 novembre 2016, celle-ci a pratiqué une saisie-attribution de créances entre les mains d'une société congolaise qui est redevable à l'égard de son pays, à savoir le Congo, de différents impôts et taxes. La République du Congo a saisi un juge de l'exécution pour obtenir la nullité et la mainlevée de la mesure.
[...] Ce raisonnement peut être justifié par la jurisprudence française puisque dans un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 10 décembre 2020, les juges avaient déjà pu établir que « Dès lors qu'une saisie-attribution suppose l'exercice d'une contrainte sur le tiers saisi, il résulte de la règle de territorialité des procédures d'exécution, découlant du principe de l'indépendance et de la souveraineté des États, qu'elle ne peut produire effet que si le tiers saisi est établi en France. Est établi en France le tiers saisi, personne morale, qui soit y a son siège social, soit y dispose d'une entité ayant le pouvoir de s'acquitter du paiement d'une créance du débiteur saisi à son encontre. » Cependant cet argument est discutable, il aurait tout à fait été possible d'admettre non pas le principe d'unicité des patrimoines, mais de se référer au lieu du paiement de la créance. [...]
[...] Néanmoins, un doute a pu persister dès lors que, par un arrêt du 13 mai 2015, la première chambre civile a pu considérer que la renonciation expresse était finalement suffisante, y compris pour les biens diplomatiques. Mais en 2016, le législateur est intervenu avec la loi Sapin II et a rétabli la nécessité d'un renoncement spécial et exprès pour les biens diplomatiques, cependant, cette loi ne s'appliquait qu'aux saisines postérieures à son entrée en vigueur. C'est pourquoi la Cour de cassation est intervenue dans un arrêt du 10 janvier 2018 pour appliquer de manière anticipée la loi nouvelle aux créances antérieures. [...]
[...] Ces arguments sont détournés à l'avantage des créanciers pour ne pas opposer à la succursale l'immunité de juridiction et pour qu'elle puisse obtenir le paiement de la créance qu'elle détient à l'égard du Congo. II. Une immunité d'exécution sur les créances fiscales inopérante Les hauts magistrats vont admettre que l'immunité d'exécution sur les créances fiscales est inopérante. Cependant, la validité des saisies pratiquées en France sur des créances fiscales du Congo semble discutable ainsi, cette décision est fortement critiquable en raison de l'ingérence de la France. [...]
[...] La simple exigence d'une renonciation expresse par l'État étranger à son immunité d'exécution en ce qui concerne les créances fiscales La Cour de cassation affirme clairement que la renonciation expresse à l'immunité d'exécution d'un État est suffisante. Cette décision paraît sévère pour le Congo dès lors que les créances fiscales se rattachent à l'exercice de prérogatives de puissance publique et qu'à cet égard, elles devraient être particulièrement protégées. Ce serait plus favorable pour l'État d'exiger une renonciation expresse et spéciale. [...]
[...] En effet, il est possible pour l'État de refuser l'exécution de la mesure de saisie-attribution en se confortant dans son droit interne. Dans ce cas, la solution pourrait être largement défavorable pour le tiers saisi, puisqu'il aura d'une part payé le créancier en France et d'autre part, il devra payer à nouveau, mais, cette fois-ci, à l'État congolais, en raison de la dette fiscale qu'il possède à son égard. Alors, cette décision est dangereuse, puisqu'elle risque de créer des obligations doubles et contradictoires malgré sa conformité au droit interne français. [...]
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