Prêteur, exequatur, garantie de remboursement, conformisme, force exécutoire, ordre public, débiteur, dommages et intérêts, droit de propriété, juridiction russe, obligations contractuelles
En l'espèce, un prêteur demande l'exequatur de décisions russes condamnant l'emprunteur et sa caution au remboursement de prêts conclus ; puis au versement des dommages-intérêts et des pénalités stipulées dans le contrat.
La Cour d'appel de Paris, dans une décision en date du 2 juin 2020, avait retenu l'atteinte à l'ordre public international des décisions russes avec un taux de pénalités inadéquat à la dette. Cependant, selon elle, le taux d'intérêt français ne pouvait être considéré comme d'ordre public international.
Contestant cette décision, le demandeur (Banque Zénith) estime qu'il est nécessaire de procéder à une appréciation in concreto de la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international alors que la Cour d'appel ne vérifie pas que le taux est appliqué sur l'intégralité de la dette. Mais aussi, que la Cour d'appel a refusé de vérifier la proportionnalité de la pénalité en fonction de la situation de la fortune des débiteurs. En ce sens, selon le demandeur, la Cour d'appel de Paris a violé les articles 3 du Code civil et 509 du Code de procédure civile.
[...] De fait, le refus de reconnaitre l'exequatur fondé sur la disproportion de la créance peut être estimé comme une restriction au droit du créancier au respect de sa propre créance. Le patrimoine du débiteur est ainsi insuffisamment pris en compte, ce qui remet en question le fondement « sous l'angle du droit de toute personne au respect de ses biens ». Ainsi, la Cour de cassation s'appuie sur le droit de toute personne à disposer de ces biens, fondement critiquable B. [...]
[...] Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 janvier 2022, n° 20-16.189 - Les pénalités sanctionnant le manquement aux obligations contractuelles retenues par les juridictions russes sont-elles conformes à l'ordre public international ? Selon Pascal de Vareilles-Sommières, professeur à l'École de droit de la Sorbonne, au sens du droit privé « Le jugement étranger est essentiellement un élément du statut juridique des individus auxquels il s'adresse. Le simple fait pour ce jugement de franchir la frontière de son État d'origine ne parait pas constituer une modification des circonstances de la situation qu'il vise de nature à justifier une modification du statut juridique auquel cette situation est soumise » (Jugement étranger : matière civile et commerciale, septembre 2013, Dalloz). [...]
[...] Un tel fondement permet à la Haute Juridiction d'établir un lien direct avec l'ordre public international. L'examen de la validité de l'exequatur est très strict, comme l'illustre par exemple le rejet d'une demande d'exequatur lorsqu'aucun lien caractérisé n'est prouvé entre le litige et la juridiction étrangère qui n'est pas internationalement compétente (Cass., Civ. 1re, 30 novembre 2022). Ainsi, la décision de la Cour de cassation s'inscrit dans une volonté de protection des parties moins favorisées, mais une automatisation de cette protection risque tout de même de s'établir au détriment des créanciers. [...]
[...] La position de la Cour peut notamment s'expliquer par sa volonté d'établir un lien direct avec l'ordre public international, et ainsi de renforcer la protection des débiteurs. Dans un sens beaucoup plus large, l'édification du doit au respect de ses biens en tant que fondement de l'ordre public international, permet de mener une protection plus poussée de la partie faible. Dans le cas de l'espèce, le litige opposait une banque à un simple débiteur. Prononcer l'exequatur aurait surement causé un dommage critique à ce débiteur, un dommage bien supérieur à celui subi par la banque en conséquence de la non-exécution du jugement russe. [...]
[...] Dès lors, les pénalités sanctionnant le manquement aux obligations contractuelles retenues par les juridictions russes sont-elles conformes à l'ordre public international ? Dans un arrêt rendu le 12 janvier 2022, la première Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que les pénalités sanctionnant le manquement aux obligations contractuelles résultant du non-remboursement de l'emprunt n'étaient pas proportionnelles au préjudice subi par la banque. Dès lors, sous le prisme du droit de toute personne au respect de ses bens, il s'avère que l'exécution des décisions russes porte atteinte à l'ordre public international. [...]
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