Selon la lettre de l'article 3 alinéa 3 du Code civil, les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français même s'ils résident en pays étrangers. Si les ressortissants français continuent donc d'être soumis à la loi française pour ce qui concerne leur capacité et leur état lorsqu'ils demeurent en dehors de leurs pays, aucune précision formelle n'est toutefois apportée par l'œuvre de Portalis et des autres rédacteurs du Code, quant au statut personnel des étrangers qui résideraient en France.
A ce titre, le très ancien arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 juin 1814 fait figure de monument tant il illumine la matière par sa clairvoyance et sa portée. Notons ainsi qu'il constitue en quelque sorte, le point de départ d'une construction jurisprudentielle rattachant le statut personnel à la loi nationale, notamment en ce qui concerne les incapacités générales, ou les conditions de fond du mariage.
Pour ce faire, la Cour a dû se prononcer pour la première fois, sur le caractère bilatéral ou unilatéral de l'article 3 alinéa 3 du Code civil de 1804.
En l'espèce, un ressortissant espagnol se maria en France alors que la loi espagnole le lui interdisait du fait d'une double incapacité juridique. Sachant qu'il n'afficha par le passé aucune véritable velléité d'abdication de sa nationalité d'origine, la Cour de Paris eut à juger de la légalité d'une telle union suite à l'appel interjeté par la compagne de l'individu susnommé. Pour défendre la validité du mariage, l'intimé considérait que le fait d'élire domicile en France lui octroyait la possibilité de se prévaloir de la loi française en matière de statut personnel, en arborant notamment les dispositions de l'article 13 du Code civil.
L'article 3 alinéa 3 du Code civil élude pourtant ce type de considérations en ne s'intéressant qu'aux ressortissants français, qu'il place sous l'autorité de la loi française en matière de capacité où qu'ils se trouvent dans le monde.
[...] Une telle acception de l'article 3 conduit à substituer le critère de la nationalité à celui du domicile alors que ce dernier ne présentait pourtant pas que des désagréments (comme le considérait Niboyet). Pour une société qui souhaiterait se développer par exemple, il semble que le recours au domicile comme critère de rattachement pour le statut personnel soit des plus naturel et à prescrire, tant il place les individus qui souhaitent contribuer à ce développement, sur un pied d'égalité devant la loi. [...]
[...] Depuis cette jurisprudence très ancienne, il est donc admis que l'état et la capacité des personnes sont soumis en droit français à leurs lois nationales. Il faut par exemple en déduire qu'un jeune étranger mineur selon sa loi nationale peut se faire représenter en justice par son représentant légal même s'il a plus de 18 ans, âge de la majorité en droit français (arrêt du 6 juin 1990 de la 1ere chambre civile). Si la jurisprudence a consacré de telles solutions concernant la fixation de la capacité selon la loi étrangère après 1814, notamment au travers de l'arrêt Bulkley de la 1ère chambre civile du 28 février 1860, elle a toutefois écarté une telle position dans une décision certes ancienne, mais qui semble toujours de droit positif aujourd'hui : l'arrêt Lizardi du 16 janvier 1981. [...]
[...] A ce titre, le très ancien arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 juin 1814 fait figure de monument tant il illumine la matière par sa clairvoyance et sa portée. Notons ainsi qu'il constitue en quelque sorte, le point de départ d'une construction jurisprudentielle rattachant le statut personnel à la loi nationale, notamment en ce qui concerne les incapacités générales, ou les conditions de fond du mariage. Pour ce faire, la Cour a dû se prononcer pour la première fois, sur le caractère bilatéral ou unilatéral de l'article 3 alinéas 3 du Code civil de 1804. [...]
[...] Cette distorsion juridique de l'état de la personne n'est pas acceptable, de par les dérives qu'elle induirait : chaque système juridique pourrait revendiquer le traitement d'une même situation, ou même rejeter ce type de situation, de par le cumul de lois applicables. De sorte qu'en refusant de bilatéraliser l'article 3 alinéa la Cour s'exposait à ce type de problèmes insolubles. Restreindre l'article à sa seule version unilatérale, aurait donc créé des conflits que seule la bilatéralité aurait résolus en mettant à l'écart les rattachements propres à chaque loi. [...]
[...] Or, comme le soulignent les tenants de la bilatéralité, la loi est par essence, universelle et a vocation à s'appliquer de manière illimitée dans l'espace. D'où l'intérêt des règles de conflit, qui permettent de déterminer, quelles sont celles qui ont vocation à résoudre une situation juridique donnée en fixant un critère de rattachement unique. De ce point de vue, la multiplication des critères de rattachement, induite par la méthode unilatéraliste ne peut être défendue dans le contexte actuel, et même celui de 1814, de par l'insolubilité des problèmes qu'elle créée. [...]
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