Le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône a refusé d'inscrire Madame Chevrol-Benkeddach, de nationalité française, diplômée de médecine de l'université d'Alger en 1969, au tableau de l'Ordre des médecins. Le Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse a ensuite refusé d'annuler cette décision, et le Conseil national de l'Ordre des médecins a également rejeté la demande de Mme Chevrol-Benkeddach en 1996.
Son dernier recours était d'aller devant le Conseil d'État, qui a enregistré sa requête en 1996, pour demander l'annulation du rejet de sa demande du Conseil national de l'Ordre des médecins. Pour ceci, elle invoque de plusieurs textes à valeur internationale, comme la directive 48 du 21 décembre 1988, et la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie.
La question est donc ici de savoir dans quelles mesures les traités internationaux sont applicables dans notre droit interne. Mais il faut également se demander à qui revient la tâche de les interpréter, et d'en vérifier l'application par les autres États cosignataires.
[...] Conseil d'État avril 1999 - l’interprétation des traités internationaux L'interprétation des traités internationaux est une tâche difficile, d'autant plus quand elle revient à une autorité qui ne se sent pas compétente pour l'effectuer. C'est ici ce dont il est principalement question. Les faits sont les suivants : le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône a refusé d'inscrire Madame Chevrol-Benkeddach, de nationalité française, diplômée de médecine de l'université d'Alger en 1969, au tableau de l'Ordre des médecins. Le Conseil régional de Provence- Alpes-Côte d'Azur-Corse a ensuite refusé d'annuler cette décision, et le Conseil national de l'Ordre des médecins a également rejeté la demande de Mme Chevrol-Benkeddach en 1996. [...]
[...] Mais cette délégation a fait l'objet de critiques répétées sur plusieurs fronts. A. L'appréciation confiée à l'exécutif C'est en effet vers le pouvoir exécutif que se tourne systématiquement le Conseil d'Etat quand survient la difficile tâche d'apprécier le respect d'un traité dans un Etat cosignataire, et l'appréciation revient plus particulièrement au ministre des Affaires étrangères, autorité qu'il juge la plus compétente en la matière. La délégation au profit du ministre des Affaires étrangères Le juge le rappelle donc ici : il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier si et dans quelle mesure les conditions d'exécution par l'autre partie d'un traité ou d'un accord sont de nature à priver les stipulations de ce traité ou de cet accord qui leur est conféré par la Constitution et il livre ensuite les conclusions du ministre, qu'il s'oblige à suivre le ministre des Affaires étrangères a fait savoir que les stipulations ne pouvaient être regardées comme ayant été en vigueur Le Conseil d'Etat ne discute pas les conclusions du ministre, et les suit systématiquement, sans ouvrir de débat sur la question. [...]
[...] La solution a été longtemps conservée, mais était fortement critiquée, et la France était sous le coup d'une menace de condamnation de la Cour européenne des Droits de l'Homme ; et un revirement de jurisprudence a été opéré le 29 juin 1990 dans un arrêt G.I.S.T.I. Cependant, cette jurisprudence a été condamnée, et a vocation à l'être de nouveau. B. La condamnation de la solution retenue par le Conseil d'Etat Cette solution n'était évidemment pas satisfaisante, puisqu'elle faisait intervenir le pouvoir exécutif au cours d'un contentieux. C'est pourquoi la CEDH n'a pas hésité à la condamner, notamment dans l'arrêt Beaumartin contre France du 24 novembre 1994. [...]
[...] La question est donc ici de savoir dans quelles mesures les traités internationaux sont applicables dans notre droit interne. Mais il faut également se demander à qui revient la tâche de les interpréter, et d'en vérifier l'application par les autres Etats cosignataires. Ici, le juge administratif a jugé que les traités régulièrement ratifiés et publiés sont applicables tant qu'ils sont respectés par les Etats cocontractants, et le juge administratif ne peut juger lui-même du respect de cette réciprocité, mais il a recours au ministre des Affaires étrangères. [...]
[...] Mme Chevrol- Benkeddach a donc, par ce recours, eu gain de cause, et la France a été condamnée. Le Conseil d'Etat a donc été, par la suite, obligé d'opérer un revirement de jurisprudence, et si aujourd'hui il fait toujours appel au ministre des Affaires étrangères sur certaines questions, il ne s'oblige plus à suivre cet avis, laissant aux parties au litige une possibilité de le contredire. [...]
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