Le Conseil d'État, dans l'arrêt « Dame Kirkwood », rendu en Assemblée, le 30 mai 1952, accepte, pour la première fois, d'apprécier la conformité d'un décret d'extradition à une convention conclue par la France avec un autre État relativement à l'extradition. Cet arrêt marque ainsi la naissance d'une nouvelle couche normative, constituée par les stipulations des conventions internationales, régissant le comportement des autorités administratives, ceci autorisant les administrés à demander au juge l'annulation d'un acte administratif contraire à un engagement international. Toutefois, ce principe n'est pas automatique, encore faut il que l'engagement international remplisse certaines conditions pour voir ses dispositions invoquées par des requérants. Le Conseil d'État a justement été confronté à cette question dans l'arrêt qu'il a rendu le 20 avril 2005.
Le ministre de l'Écologie et du Développement durable et le ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Pêche et des Affaires rurales prennent, le 12 août 2004, un arrêté autorisant la destruction de loups pour l'année 2004. Suite à cet arrêté, plusieurs sociétés protectrices de la nature décident de faire un recours en annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 12 août 2004. Comme il s'agit d'un acte réglementaire pris par un ministre, le Conseil d'État est saisi en premier et dernier ressort.
Quelles sont les conditions d'invocabilité des dispositions d'une convention internationale ? Les autorités administratives nationales doivent-elles exercer leur pouvoir en leur donnant une interprétation conforme au droit communautaire ?
[...] Alors que tout effet direct de cette convention a été dénié par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 10 mars 1993 : ( ) les dispositions de la convention relative aux droits de l'enfant, ne peuvent être invoquées devant les tribunaux, cette convention qui ne créée des obligations qu'à la charge des États parties, n'étant pas directement applicable en droit interne cette solution ayant été confirmée à plusieurs reprises, notamment par la Chambre criminelle, le Conseil d' Etat ne reconnaît, quant à lui, qu'un effet direct à l'égard de certaines de ses stipulations. Ainsi, il a par exemple reconnu l'effet direct de son article 16, dans un arrêt en date du 10 mars 1995, l'arrêt Demirpence l'effet direct son article 4-1 dans l'arrêt Gisti, arrêt de section du 23 avril 1997. Il a toutefois refusé d'admettre dans ce même arrêt l'effet direct de ses articles 24-1, 26-1 et 27-1. Ainsi, le premier moyen des sociétés requérantes est écarté faute d'effet direct de la convention invoquée. [...]
[...] Cette solution avait été consacrée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt GISTI rendu le 23 avril 1997, sur les conclusions du commissaire du gouvernement Abraham, arrêt dans lequel il avait été décidé que les stipulations qui ne produisaient pas d'effets directs à l'égard des particuliers ne pouv[aient] être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision individuelle ou réglementaire La consécration de cette solution, consistant à n'admettre que l'invocabilité par les administrés, des dispositions de conventions ayant un effet direct dans l'ordre juridique interne, amène à s'interroger sur la question de l'appréciation d'une convention. En effet, cette solution implique une appréciation de l'effet direct de la convention par le juge. [...]
[...] S'appuyant sur ce même raisonnement, le Conseil d'Etat a refusé de reconnaître un effet direct à la Convention de Berne ainsi qu'à la convention de Ramsar, celle-ci étant également relative à la protection de la faune et de la flore sauvage, dans un arrêt en date du 17 novembre 1995 Union juridique Rhône-Méditerranée ou encore dans l'arrêt rendu le 30 décembre 1998, arrêt Chambre d'agriculture des Alpes Maritimes Cependant, même si des indices ont été fournis au juge pour l'aider dans son travail d'appréciation de l'effet direct d'une convention, cette dernière ne reste pour autant, pas toujours simple. C'est la raison pour laquelle il peut arriver que l'effet direct d'une convention soit apprécié différemment selon les juges. [...]
[...] Par l'invocation de ces moyens, les sociétés requérantes amènent le Conseil d'Etat à s'interroger sur les problèmes de droit suivants : Quelles sont les conditions d'invocabilité des dispositions d'une convention internationale? Les autorités administratives nationales doivent-elles exercer leur pouvoir en leur donnant une interprétation conforme au droit communautaire ? La sixième et la première sous-section réunies de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en refusant d'examiner le moyen selon lequel l'arrêté interministériel du 12 août 2004 violerait les dispositions de la Convention de Berne, expliquent que seules les dispositions d'une convention internationale, produisant un effet direct dans l'ordre juridique interne, peuvent être invoquées par les administrés Par ailleurs, tout en reconnaissant que l'arrêté interministériel du 12 août 2004 ne méconnait ni les objectifs de la directive Habitats ni l'arrêté interministériel du 17 avril 1981 consacrent l'exigence de la conformité des décisions réglementaires, prises par les autorités administratives nationales, au droit communautaire (II). [...]
[...] Conseil d'État avril 2005 - les conditions d'invocabilité des dispositions d'une convention internationale Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Dame Kirkwood rendu en Assemblée, le 30 mai 1952, accepte, pour la première fois, d'apprécier la conformité d'un décret d'extradition à une convention conclue par la France avec un autre Etat relativement à l'extradition. Cet arrêt marque ainsi la naissance d'une nouvelle couche normative, constituée par les stipulations des conventions internationales, régissant le comportement des autorités administratives, ceci autorisant les administrés à demander au juge l'annulation d'un acte administratif contraire à un engagement international. [...]
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