L'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 pose le principe de la primauté des traités internationaux sur les lois. Toutefois, s'il consacre ce principe, c'est à la condition que les traités et conventions internationales fassent l'objet de formalités, afin d'être applicables en droit interne. L'existence de ces conditions pose le problème de leur contrôle. En effet, quel sera l'organe compétent pour s'assurer du respect, par les traités, de ces dernières ? Le Conseil d'État a justement été confronté à s'interroger sur cette question dans l'arrêt d'Assemblée « SARL du Parc d'activité de Blotzheim » rendu le 18 décembre 1998.
Dans cet arrêt, une convention franco-suisse relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport Bâle-Mulhouse, est signée le 4 juillet 1949. Un accord sous forme d'échanges de notes entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse, signés les 12 et 29 février 1996, donne effet à une proposition d'extension de cet aéroport. Le Président de la République française, par un décret du 13 mai 1996, porte publication de cet accord au Journal officiel. Deux sociétés participant à la construction de cet aéroport décident de former un recours en annulation pour excès de pouvoir du Président de la République, devant le Conseil d'État, contre ce décret.
Le contrôle de la régularité de la procédure de ratification des traités internationaux entre-t-il dans les compétences du Conseil d'État ?
[...] En effet, le contrôle de la régularité de la procédure de ratification des traités internationaux entre-t-il dans les compétences du Conseil d'Etat ? Celui-ci, après avoir rappelé les formalités que doivent remplir les traités et conventions internationales pour être applicables en droit interne, dont notamment une exigence de ratification se reconnaît compétent, en acceptant d'examiner ce moyen, pour assurer un contrôle de régularité de la procédure de ratification des traités internationaux (II). I. L'application du droit international en droit interne : l'exigence de conditions L'application du droit international en droit interne suppose le respect de plusieurs conditions. [...]
[...] Cette idée est d'autant plus légitime lorsque l'on sait que la Cour européenne des Droits de l'Homme dans l'arrêt Chevrol du 13 février 2003, condamné la France en raison du fait, non pas que le Conseil d'Etat devait consulter le ministre des Affaires étrangères dans de tels cas, mais qu'il soit lié par son l'avis. Ainsi, on pourrait penser que, dans une volonté d'accroissement de son contrôle, le Conseil d'Etat prenne appui sur cette condamnation afin de se déclarer compétent pour contrôler la régularité de la réciprocité des engagements internationaux. [...]
[...] Cette solution est ainsi légitime et même au fond souhaitable, puisque si aucun contrôle n'était fait quant à la régularité de la procédure de ratification des traités, ces derniers pourraient être appliqués dans l'ordre interne, leur application conduisant à écarter des lois, tout en ayant été ratifiés, mais selon une mauvaise procédure. De même, l'affirmation de la primauté des traités internationaux d ans l'ordre interne par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Nicolo du 20 octobre 1989, l'a également conduit à se reconnaître directement compétent, dans l'arrêt Gisti du 29 juin 1990, pour interpréter lui-même les dispositions des traités et conventions internationales lorsque ces dernières sont obscures, renonçant ainsi à sa jurisprudence antérieure de renvoi préjudiciel au ministre des Affaires étrangères. [...]
[...] Cependant, même si en l'espèce le Conseil d'Etat rejette l'illégalité du décret, le fait d'accepter d'examiner dans quelle mesure celui-ci serait légal, et par conséquent d'examiner dans quelle mesure l'accord qu'il publie aurait respecté la procédure de ratification, ceci autorisant alors sa publication par décret, le Conseil d'Etat se reconnaît le pouvoir de contrôler la régularité de la procédure de ratification des traités. Cette solution est totalement novatrice et constitue un revirement de jurisprudence. En effet, avant cet arrêt, le Conseil d'Etat se bornait à vérifier l'existence d'un acte de ratification ou d'approbation propre à introduire une convention internationale dans l'ordre interne, mais sans en contrôler la régularité. Cette solution avait été consacrée dans l'arrêt Villa arrêt d'Assemblée rendu le 16 novembre 1956. [...]
[...] Ainsi, l'article 55 de la Constitution a reconnu la supériorité des traités sur les lois mais à plusieurs conditions. Ces dernières sont indispensables à l'application des traités internationaux dans l'ordre interne. Toutefois, celles-ci soulèvent la question de leur contrôle. En effet, l'existence de ces conditions amènent à s'interroger sur les organes compétents chargés de veiller à leur respect par les traités internationaux. Le Conseil d'Etat, dans ce revirement de jurisprudence du 18 décembre 1998, a accepté de contrôler la régularité de la procédure de ratification (II). [...]
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