La dignité de la personne humaine est une notion présentée par le Vocabulaire juridique de Cornu comme « la valeur éminente appartenant à toute personne physique du seul fait de son appartenance à l’espèce humaine ». Le principe de la protection de cette dignité, comme son idée même, ont été développé à partir du cadre particulièrement violent et attentatoire à l’essence de l’humanité de l’être qu’a constitué la seconde guerre mondiale. A partir de cette période, le principe de dignité de la personne humaine sera affirmé dans de grands textes juridiques déclaratoires ou à portée positive mais pas immédiatement en droit positif français. La doctrine juridique française le découvrira expressément en 1994 lors du contrôle de constitutionnalité des lois de bioéthique, occasion pour le Conseil Constitutionnel de parer le principe de dignité d’une valeur constitutionnelle.
C’est également en 1994 que le nouveau Code pénal français intégrera par le biais de la loi parlementaire, dans ses articles 211-1 et 212-1, le crime contre l’humanité. Toutefois cette incrimination préexiste à cette reconnaissance comme crime de droit commun. L’idée de la dignité, très vieille dans le temps et dans les pensées – philosophiques ou religieuses mais pas exclusivement – a rapidement et anciennement croisée celle de l’existence du crime contre l’humanité, même s’il faudra bien longtemps pour en positiver la dénomination et la juridicité.
Le droit pénal international qui se développe à partir de 1945 est porteur d’un retour de l’humanisme juridique sur le devant de la scène et c’est bien ce nouvel humanisme en filigrane permanent – viscéral – de l’après guerre qui va permettre la création juridique de l’incrimination de crime contre l’humanité. Il va dans un premier temps s’agir uniquement de qualifier juridiquement des crimes hors normes, des crimes dont l’abomination touche l’essence même de l’être humain, dans son appartenance à l’espèce humaine. Elle trace le ban de l’humanité et lève le rideau sur les horreurs qui l’ont atteinte. Mais très vite cela devient insuffisant. Base des juridictions répressives internationales, il faut élargir la notion et empêcher les auteurs de ces crimes de pouvoir bénéficier de la prescription extinctive, celle qui oubli de juger, celle qui oublie de condamner. Celle par laquelle la société est muselée et le vivre ensemble simplement plus qu’octroyé.
La loi du 26 janvier 1964, en plus d’ancrer la notion de crime contre l’humanité dans le droit français, pose dans notre ordre juridique l’imprescriptibilité de ces crimes. Cette loi, si elle représente un pas de géant dans la protection de la dignité de la personne humaine, dans le combat pour les droits de l’homme et sans nul doute permet que justice soit rendue face aux horreurs imprévues de la guerre, reste un cas « à part » dans l’ordre juridique français. Elle pose l’imprescriptibilité d’un crime, est rétroactive, ne ménage pas le principe de légalité des délits et des peines et nombres d’autres principes du droit pénal.
Quelle place occupe cette loi dans un ordre juridique dans lequel elle a ancré un crime contre l’humanité en permanente construction ?
C’est une loi fondatrice en ce sens qu’elle imprime dans la réalité juridique un concept qui n’était d’abord qu’esquissé, puis affirmé mais sur le seul plan international. C’est une loi constructive aussi qui va permettre à cette incrimination de s’autonomiser avant de totalement s’émanciper, devenant un crime de droit commun au sens du nouveau Code pénal de 1994. Et c’est une loi exceptionnelle, une norme « hors normes », la juridisation qui transcende les principes pour punir une violence qui a démoli les canons de l’horreur. Et c’est enfin une loi qui va permettre aux juridictions de se libérer, en France pour traiter du crime contre l’humanité, comme sur le plan international où son écho portera une communauté fragile mais déterminée à créer une Cour pénale internationale permanente.
La loi du 26 décembre 1964 va ancrer en droit français la notion de crime contre l’humanité tirée d’un droit international dans lequel elle s’est construite tardivement. De ses prémices à son émancipation (I), l’incrimination de crime contre l’humanité, toujours en construction, revêt une dimension juridique que l’on peut qualifier d’exceptionnelle (II) en ce sens qu’elle transcende la norme, l’étalon, les canons.
[...] Elle pose l'imprescriptibilité d'un crime, est rétroactive, ne ménage pas le principe de légalité des délits et des peines et nombres d'autres principes du droit pénal. Quelle place occupe cette loi dans un ordre juridique dans lequel elle a ancré un crime contre l'humanité en permanente construction ? C'est une loi fondatrice en ce sens qu'elle imprime dans la réalité juridique un concept qui n'était d'abord qu'esquissé, puis affirmé mais sur le seul plan international. C'est une loi constructive aussi qui va permettre à cette incrimination de s'autonomiser avant de totalement s'émanciper, devenant un crime de droit commun au sens du nouveau Code pénal de 1994. [...]
[...] L'exception qui confirme la règle. Face à l'atrocité de la Shoah, la théorie de Guillaume d'Occam selon laquelle les maux en soi, les mala in se, n'existent pas ne peut être portée jusqu'à son extrémité. La suivre serait affirmer, comme nous l'avons dit, que la Shoah ne peut être mauvaise que dès lors que la loi l'a dit. Le positivisme puriste porterait le même constat et cette position n'est bien évidemment pas tenable. Il faut reconnaître l'horreur que les crimes contre l'humanité portent dans leur nature en eux-mêmes, in se. [...]
[...] La loi du 26 décembre 1964 va ancrer en droit français la notion de crime contre l'humanité tirée d'un droit international dans lequel elle s'est construite tardivement. De ses prémices à son émancipation l'incrimination de crime contre l'humanité, toujours en construction, revêt une dimension juridique que l'on peut qualifier d'exceptionnelle en ce sens qu'elle transcende la norme, l'étalon, les canons. I. Des prémices a l'émancipation du crime contre l'humanité Le crime contre l'humanité, s'il trouve ses racines dans une pensée ancienne et un droit international relativement âgé, ne connaîtra une consécration que tardive mais qui débouchera sur une conception évolutive d'incriminations individualisées lorsque le crime contre l'humanité pourra s'émanciper et se distinguer du génocide, du crime de guerre ou de celui contre la paix. [...]
[...] Cette situation sera corrigée avec l'adoption de la loi de 1964. B. L'autonomisation évolutive d'incriminations individualisées En France, à l'issue de la seconde guerre mondiale, la répression des crimes commis tant par les Allemands que par les Français se fera selon les lois en vigueur dès 1944. Tout au plus des ordonnances prises à Alger en 1944 viennent-elles éclairer certaines incriminations existantes de la lueur des faits commis durant la guerre. Les assassinats par les chambres à gaz seront qualifiés d'empoisonnement. [...]
[...] Ce n'est pas peu de choses. La notion ainsi consacrée renvoie à la résolution des Nations Unies de 1946 qui s'appuie sur la définition du crime contre l'humanité de l'article 6c de la charte du tribunal de Nuremberg. En déclarant l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, la loi française de 1964 vise les mêmes faits, c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux dans le cadre défini de la politique d'hégémonie raciale menée par le troisième Reich. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture