« La fraude a pour effet sa propre inefficacité » . Bien sûr, il serait plus convenable d'ajouter « presque tout le temps » ! Cependant, cette pratique, illustre chez les juristes de droit international privé, ne se rencontre pas très fréquemment. Est-ce à signifier que, dans la plupart des cas elle est impunie ? Quelle sacrilège pour les juges ! Tel n'est bien sûr pas le cas. En fait, cette institution juridique reste exceptionnelle, et ce pour une double raison ; d'une part, ses composantes sont délicates à réunir, et d'autre part, les règles de conflit ne s'y prêtent pas toujours.
Ainsi, les exemples donnés, par la jurisprudence, des fraudes sont rares, mais pas inexistants. Quoi de mieux pour aborder ce thème que d'envisager l'arrêt dit fondateur en la matière ?! Il s'agit, comme tout bon juriste de droit international privé le sait, de l'arrêt Princesse de Beauffremont, rendu par la Chambre civile de la Cour de cassation, le 18 mars 1878.
En l'occurrence, les faits sont simples : une malheureuse princesse est soumise, en France, au principe de l'indissolubilité du mariage, de sorte qu'elle ne peut divorcer du prince de Beauffremont. Cet avenir étant trop dur à supporter, elle prend la décision de partir en Saxe-Altenbourg, où elle se fait naturaliser, et épouse le prince de Bibesco. Mais la nouvelle ne plaît pas à l‘époux français, qui l'assigne en justice, afin d'obtenir la nullité du mariage et de l'acte de naturalisation. A cette fin, il argue du fait qu'il n'a pas donné son autorisation au changement de nationalité de son épouse. Par conséquent, celui-ci ne peut être valable, le mariage suivant le même sort. Les juges du fond statuent en sa faveur, poussant la princesse à se pourvoir en cassation. Elle reproche notamment aux juges de ne pas avoir correctement apprécié la régularité, ni l'efficacité de son changement de nationalité. Ces derniers auraient du prendre en considération la loi de sa nationalité, à savoir la loi du duché de Saxe-Altenbourg. Au regard de cette loi, sa naturalisation et sa seconde noces sont valables, et, ce même en France. Face à cette situation, la Cour de cassation doit se demander si elle va conférer une force obligatoire aux actes de la princesse, bien qu'elle ne les ait réalisés, que dans l'unique but d'échapper à la loi française. Le fait pour une personne de changer de nationalité, dans la seule intention, d'échapper à une loi qui prohibe le divorce, doit-il être sanctionné sur le terrain de la fraude ?
Pour résoudre cette question, il faut avoir présent à l'esprit que l'intéressée avait changé de nationalité, sans le consentement de son époux, de sorte que cette naturalisation n'était pas valable. Pourtant, la Haute juridiction n'a pas sanctionné ses actes sur ce fondement. En effet, elle a opté pour reconnaitre l'existence d'une fraude, dont la conséquence est de rendre tous les actes (accomplis en fraude de la loi) inopposable au premier mari.
[...] Une sanction, qui certes est contestable, mais qui est non négligeable, notamment au regard de la gravité des faits (II). I. Du principe de la fraude à l'opportunité de ce fondement Dans cet arrêt, il est indéniable que la Cour de cassation sanctionne la princesse sur le terrain de la fraude. Elle en profite ainsi pour définir les contours de cette notion Cependant, pourquoi a-t-elle usé de ce fondement, alors que l'intéressée n'avait pas obtenu l'assentiment de son époux pour changer de nationalité ? Ce postulat aurait pu lui suffire à justifier sa décision A. [...]
[...] Le fondement juridique de la fraude - En l'espèce, certes le refus de conférer une force obligatoire au second mariage peut trouver son fondement, dans la violation de la loi française, mais si l'on va plus loin l'on peut y voir une violation de l'ordre public français[10]. En effet, en France, à cette époque, les secondes noces étaient totalement prohibées. De fait, cette violation étant inconcevable, la sanction doit être automatique. - Un autre fondement à la fraude peut être recherché sur le terrain des droits acquis. [...]
[...] Ces exemples sont très rares, notamment parce qu'un nombre limité de règles de conflit permet de jouer sur les éléments de rattachement. D'ailleurs, sur ce point, une remarque est à noter : l'arrêt Princesse de Beauffremont ne pourrait se reproduire aujourd'hui, car un mariage, même célébré à l'étranger, requiert une publicité. De par cette rareté, la Cour de cassation n'avait pas ( et n'a pas ) souvent l'opportunité d'en préciser les contours. Elle a donc usé de cette occasion pour définir clairement la notion. [...]
[...] Ainsi, le consentement de son premier époux n'aurait pas permis à la princesse de Beauffremont de se marier à nouveau. En définitive, à l'époque, mieux valait réfléchir à deux fois, avant de se marier W. GOLDSCHIMDT, Sistema y filosofia del derecho internacional privado, T Page 171 GADIP, Page 52 Tel que dans l'arrêt Caron Bernard AUDIT, Droit international privé, Economica, 3e édition, Page 206 GADIP, Page 57 Bernard AUDIT, Droit international privé, Economica, 3e édition, Page 205 GADIP, Page 52 GADIP, Page 61 20 mars 1985, Première chambre civile BARTIN a mis en exergue cette analyse, qui a trouvé sa limite dans l'existence de fraude à la loi étrangère. [...]
[...] - À lui seul, la modification d'un élément de rattachement n'est pas synonyme de fraude. Il faut que soit combiné un élément moral, à savoir la démonstration d'une intention frauduleuse. Cet animus fraudis est clairement mis en exergue dans l'arrêt de la Cour, qui montre que la princesse avait sollicité et obtenu cette nationalité nouvelle non pas pour exercer les droits et accomplir les devoirs qui en découlent [ . ] mais dans le seul but d'échapper aux prohibitions de la loi française Ainsi, son intention n'était pas de se soumettre aux dispositions de la loi de Saxe-Altenbourg, mais de disposer de cette nationalité, uniquement pour échapper à la loi française. [...]
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