L'arrêt Masson rendu le 5 novembre 1991, a posé les principes de l'application internationale des conventions collectives. Commenter cet arrêt, c'est donc par la même occasion étudier la position du droit positif sur cette délicate question, qui n'a jamais été démentie depuis. Nous verrons que la Cour de Cassation a reconnu pour la première fois avec cet arrêt que la convention collective faisait partie intégrante du droit français. Cela a pour conséquence que son application est soumise désormais, comme la loi, à la convention de Rome, et qu'elle peut s'appliquer à des relations de travail situées à l'étranger. Toutefois, la Cour laisse également une marge tant à l'autonomie collective des partenaires sociaux, qu'à l'autonomie individuelle des parties à la relation de travail.
[...] Une autre question serait de savoir si les dispositions figurant dans une convention collective peuvent faire partie de ces dispositions impératives. La réponse est assurément positive puisque les conventions collectives font partie du droit applicable, selon les termes de l'arrêt Masson : elles peuvent donc faire partie des dispositions impératives de ce droit. Cela a été confirmé par l'arrêt Institut culturel autrichien du 12/12/2002. Une convention collective peut donc trouver à s'appliquer en lieu et place de la convention collective choisie par les parties, à condition d'être reconnue comme une norme impérative A défaut de choix, l'art de la Convention de Rome pose que la loi (et donc, indirectement, la convention collective) applicable est soit celle du pays du lieu d'exécution habituelle du travail, soit lorsque le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays celle du pays de l'établissement d'embauche, à moins que le contrat de travail ne présente des liens plus étroits avec un autre pays. [...]
[...] Et cela alors même que non seulement la convention collective ne prévoit pas son application aux relations de travail localisées à l'étranger, mais en outre semble au contraire limiter son application au territoire métropolitain, ce qui est une interprétation particulièrement extensive de l'art L 132-5 CT. La Cour de Cassation rejette donc le principe de territorialité, ou à tout le moins le redéfinit par rapport à son acception traditionnelle issue de l'arrêt Verrerie et Cristallerie d‘Arques : la convention collective est applicable aux relations de travail non pas seulement lorsqu'elles sont localisées sur le territoire français (conception traditionnelle), mais lorsqu'elles sont rattachées au territoire français au point que le droit français est désigne applicable par les règles de conflit de lois En résume donc, le fait que la convention collective prévoit seulement un champ d'application territorial limité au territoire français n'est plus déterminant pour son application à une relation de travail à caractère international : ce qui compte est que le droit français soit applicable, selon l'application des règles de conflit de lois, et que l'entreprise entre dans le champ d'application professionnel de la convention collective. [...]
[...] Soit comme norme d'application choisie par les parties : elle était alors contractualisée, et s'appliquait à la relation de travail non plus en tant que convention collective, mais en tant que clause du contrat de travail (Soc, 22/11/72, SCOA / Frey). C'est uniquement dans cette hypothèse que la convention collective française pouvait trouver à s'appliquer à une relation de travail localisée à l'étranger. La convention collective se distinguait donc clairement de la loi : elle ne pouvait être considérée en DIP comme une norme de droit interne, et n'était donc pas à ce titre soumise aux règles de conflit de lois pouvant entraîner son application à une relation de travail localisée à l'étranger. [...]
[...] On peut douter de l'opportunité de cette solution, car les parties peuvent avoir des difficultés à se procurer des conventions collectives étrangères (en l'espèce la société n'a d'ailleurs pas pu rapporter la preuve du contenu de la convention collective new-yorkaise, ce qui a entraîné l'application de la loi française). L'arrêt de Civ 28/01/2003 annonce peut-être un revirement en posant que s'agissant de droits disponibles, le juge n'est tenu de mettre en œuvre la règle de conflit adéquate et d'appliquer le droit étranger qu'elle désigne que dans la mesure où ce droit est expressément invoqué par une partie Il semblerait donc que l'invocation de la convention collective étrangère oblige le juge à l'appliquer et donc à en rechercher le contenu (même si la portée de cette solution suscite encore des doutes) La convention collective française faisant partie de l'ordre juridique interne, le juge doit donc appliquer la convention collective française lorsque la loi française a été désignée par les règles de conflit de lois, ou lorsque les parties l'ont décidé. [...]
[...] Une place est donc malgré tout laissée à l'autonomie de parties. La place laissée a l'autonomie des parties L'arrêt Masson entend laisser une place à l'autonomie collective des parties à la convention collective (les partenaires sociaux), en posant un tempérament au principe selon lequel l'application du droit français entraîne celui des conventions collectives françaises, y compris à un litige de caractère international : elle note qu'en l'espèce, la convention collective ne contenait aucune disposition excluant les activités salariées à l'étranger Cela signifie qu'a contrario si une telle disposition avait figuré dans la convention collective française, elle n'aurait pu être applicable à la relation de travail localisée à l'étranger ; Son champ d'application territorial aurait ainsi été autolimité au territoire français, à l'exclusion d'une application internationale. [...]
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