A dix-huit ans, Brainerd Cumin, américain élevé en Utah conformément aux traditions mormones, entreprit un voyage autour du Monde pour prêcher les croyances de son Église. A Paris, grisé par une jeune française, Belle Aïd, et par la Ville Lumière, il épousa la première. Puis, il reprit le cours de son voyage.
De passage à Assouan, il succomba à la beauté de Yolanda Lida, égyptienne, et demanda sa main. Réservant sa décision, celle-ci l'accompagna néanmoins dans son périple. Quelques mois plus tard, Yolanda et Brainerd s'unirent au Centre Mormon de Londres. Yolanda avait à cet effet accompli les sacrements lui permettant de devenir mormone.
La lune de miel fut malheureusement de courte durée. Lors d'un séjour au Mexique, s'entraînant au maniement d'une sarbacane, Brainerd propulsa malencontreusement une fléchette dans l'œil de sa compagne. Confus mais d'un naturel couard, Brainerd s'enfuit, abandonnant son épouse.
Réfugié dans l'Utah, Brainerd combla son manque d'activités par une romance épistolaire avec Michelle Mabel, mormone de nationalité hispano-américaine. Charmée par l'exotisme de Brainerd, la jeune fille, qui n'avait jamais quitté l'Espagne, accepta de l'épouser par correspondance, conformément aux usages du Centre Mormon de Salt Lake City, Utah.
Brainerd fait aujourd'hui appel à votre sagacité : domicilié à Salt Lake City, il partage un appartement avec Michelle et, il y a quelques jours, il a reçu un courrier de Yolanda. Dans ce courrier, elle lui a annoncé son intention de saisir le juge français.
- d'une part, pour obtenir réparation du préjudice subi par la perte de son œil
- d'autre part, pour obtenir une contribution aux charges du mariage.
Brainerd, qui connaît la loi mexicaine, vous indique qu'une disposition de cette loi interdit l'engagement de la responsabilité délictuelle entre époux.
Quelles sont les chances de succès des actions de Yolanda ?
Par ailleurs, la missive de Yolanda a eu des répercussions désastreuses sur le couple formé par Brainerd et Michelle. Apprenant l'existence des mariages antérieurs de son époux, Michelle a également saisi le juge français. Elle invoque le bénéfice d'une institution de l'Etat de l'Utah, la « Quarte du conjoint trahi », qui permet aux conjoints victimes d'une infidélité d'entrer en possession d'un quart du patrimoine de leur époux.
Quelles sont ses chances de succès ?
[...] En effet, cette institution est un effet lié à la célébration du mariage et de ce fait, elle peut rentrer dans cette catégorie. Ainsi, pour en revenir à l'office du juge, on va considérer que les effets du mariage sont des droits indisponibles. En effet, il n'est pas possible légalement de transiger sur l'obligation de fidélité inhérente au statut marital de base. Ainsi, puisque nous sommes en matière de droits indisponibles, le juge a l'obligation d'appliquer d'office la règle de conflit à l'égard de ces droits selon l'arrêt Belaïd (Civ mai 1999). [...]
[...] Pour déterminer la loi applicable aux effets du mariage, il va falloir appliquer la loi du domicile des époux; ceci est fixé par un arrêt Rivière du 17 avril 1953. En l'espèce, le couple réside à Salt Lake City. C'est donc la loi américaine relative aux effets du mariage qui a vocation à s'appliquer. Concernant la preuve de la loi américaine, il faut se référer au principe posé par l'arrêt Société Itraco Shipping services Ltd et autres (Com juin 2005) qui dit que la preuve de la loi étrangère se fait par le juge assisté des parties. [...]
[...] Ainsi le premier arrêt Baaziz du 17 février 2002 reconnaît ainsi que le mariage est valable en France. Mais le second arrêt Baaziz du 6 juillet 1988 vient préciser que si bien le mariage polygamique est valable en France, il ne peut pas produire d'effets préjudiciables à l'égard de la femme française qui serait la première épouse. Cette précision est faite dans le sens où il faut comprendre qu'il y a bien un effet atténué de l'ordre public concernant la formation du mariage, mais que cet ordre public international récupère toute sa plénitude en ce qui concerne les effets de ce mariage. [...]
[...] La validité semble ici pouvoir être remise en question du fait de l'absence de Michelle au jour de son mariage. En effet, il faut alors voir si les conditions de fond ont été respectées. S'agissant de la catégorie de rattachement des conditions de fond du mariage, on estime que c'est la loi nationale de chaque époux qui doit être retenu comme critère de rattachement. En l'espèce, nous avons vu que le juge français retiendrait la nationalité espagnole comme la nationalité la plus effective de Michelle. C'est donc la loi espagnole qui s'appliquera concernant les conditions de fond. [...]
[...] - Concernant l'obtention d'une contribution aux charges du mariage Nous sommes ici en présence d'un droit indisponible du fait que la contribution aux charges du mariage est une obligation légale, imposée par le Code civil, à laquelle il est impossible de déroger. Les parties ne peuvent pas y renoncer ni transiger dessus. Puisqu'il s'agit d'un droit indisponible, le juge a l'obligation d'appliquer d'office la règle de conflit à l'égard de ces droits selon l'arrêt Belaïd (Civ mai 1999). C'est une obligation absolue selon les arrêts Rebouh et Schule (Civ et 18 octobre 1988). [...]
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